Montpellier, place de la Comédie : "304 ballons pour nos amis."
"Surtout, il ne faut pas les oublier." Lorsque Nacera parle de ses amis Stéphane Taponier et Hervé Ghesquière, sa voix est triste. Mais elle n'est pas prête à désespérer. "Pour le moment, nous ne savons pas quand ils vont rentrer", explique-t-elle. "Nous avons donc besoin que les gens se mobilisent."Nacera fait partie du Comité de soutien à Hervé et Stéphane. Ce comité n'a rien d'un "organisme officiel". "Nous sommes juste des amis qui veulent que Stéphane et Hervé rentrent sains et saufs."
Cela fait une dizaine d'années que la jeune femme connaît Stéphane Taponier dont la famille vit à Montpellier. "J'ai fait un stage à l'époque, et Stéphane m'a hébergée. Ensuite, nous sommes devenus des amis très proches." Elle n'a jamais rencontré Hervé Ghesquière, mais elle est persuadée que, bientôt, lui aussi sera son ami. "Je ferai sa connaissance lorsqu'ils rentreront." Et qu'ils rentrent, ceci ne fait aucun doute pour elle.

Deux ballons pour deux amis
Le jour où la ville de Montpellier a lancé 304 ballons bleus, chaque ballon un symbole pour une journée de captivité, il était question de rappeler aux Montpelliérains qu'on pense toujours à leurs amis. "La mairie de Montpellier était la première en France à afficher leurs portraits", informe Nacera. Pendant les premiers trois mois, personne n'avait le droit de publier les noms des deux otages - "mais dès que possible, Montpellier a fait connaître leurs noms."Le pire, disent d'autres amis de Stéphane Taponier et d'Hervé Ghesquière, est que personne ne sait ce qui s'est vraiment passé. Les deux journalistes étaient en reportage en Afghanistan, accompagnés par trois Afghans, pour le magazine "Pièces à conviction" de France 3. Le 29 décembre 2009, ils ont été enlevés par un groupe taliban armé. La revendication : la libération de prisonniers talibans contre celle des deux Français et de leurs accompagnateurs.
Un Monsieur dans la cinquantaine s'adresse aux gens autour de lui. "Des reporteurs pour 'Pièce à conviction', ça laisse réfléchir. Qui nous dit qu'ils n'ont pas découvert quelque chose que les gouvernements préfèrent cacher ? On sait qu'il y a des militaires français en Afghanistan, et on sait qu'on ne nous révèle pas le vrai nombre de morts. Et, en fait, que fait Sarkozy pour la libération des otages ?" Personne ne lui répond.
En attendant, le "Comité de soutien à Hervé et Stéphane" ne peut qu'espérer. "À Montpellier, nous sommes une trentaine d'amis qui continuent à se rencontrer pour parler des deux." On se raconte des scènes que l'on ou l'autre a vécu avec les journalistes, on échange des souvenirs, les amis de Stéphane Taponier parlent de lui aux autres, et ceux d'Hervé Ghesquière le présentent à ceux qui ne le connaissent pas encore. "On m'a tant parlé d'Hervé", dit Nacera, "que j'ai l'impression de l'avoir rencontré il y a longtemps.""Attendre, c'est difficile", constatent les membres du comité dont aussi Thierry Taponier, le frère de Stéphane, fait partie. Mais tant qu'ils ne sont pas seuls, l'attente est un peu moins lourde. Et à Montpellier, ils sont bien entourés. "À Paris, on fait aussi des action et à Lille..." Lors du lâcher des ballons le 304ème jour de la captivité des deux journalistes, non seulement le maire de Montpellier, Hélène Mandroux, les a assuré de son soutien. Il y avait aussi le président de la chambre de commerce, le club de la presse, les "journalistes sans frontières", l'ordre des avocats... "Ils vont les libérer !", murmure une femme pendant que ses yeux suivent les ballons, et on comprend qu'elle parle à une personne qui est loin d'elle. Ensuite, elle se penche sur un petit garçon : "Regarde les ballons, ne sont-ils pas beaux ?
Photos et texte : copyright Doris Kneller
Il y en a qui l'ont comparé avec dieu ou le diable. On l'a appelé le visionnaire et le bâtisseur. Pour d'autres, il était l'ennemi. Maintenant, George Frêche est tout simplement mort. Le 24 octobre, 18.15 heures, restera un moment imprégné dans la mémoire de Montpellier et des Montpelliérains.
"Avez-vous une caméra cachée ?" s'inquiète une dame dans la trentaine, "c'est une blague, n'est-ce pas ?" Un Monsieur d'à peu près le même âge se fâche. "Vous vous moquez de moi. George Frêche n'est pas mort." Et une dame un peu plus âgée : "Non, je ne peux pas le croire."
Qui était ce George Frêche à la mort duquel il est si difficile à croire ? "Un visionnaire", dit un Monsieur dans la quarantaine. "Un génie. C'est au moins ce que j'ai lu ce matin sur Internet. Pour moi, il était un homme énormément intelligent qui avait tellement envie du pouvoir qu'il en a perdu la tête." - "L'homme qui a fait de Montpellier ce qu'il est aujourd'hui", déclare une jeune femme. "C'est grâce à lui que Montpellier est devenu une ville internationale où on fait la fête tous les jours."
Ceux qui se rappellent ont l'impression de revivre l'été 1979 où, découverts par Stéphane Collaro, Pit et Rik ont pris pour une saison la place de... Coluche lui-même. Stéphane Collaro, acteur, réalisateur, humoriste, journaliste et animateur de télévision, était le premier à voir leur talent. Plus tard, le public n'avait besoin de personne pour s'en rendre compte lui-même.
Même si la "froumi" est partie, la "cicrane" chante encore. Ou, plutôt, elle fait toujours rire le public, en forme d'un petit théâtre à Montpellier créé, en 1993, par Pit et Rik, alias Frédéric Bodson et Michel Saillard. Pit, Frédérik Bodson, n'est pas resté longtemps à Montpellier - il avait envie de retrouver la capitale et le cinéma, mais Michel Saillard y est toujours. Et il écrit toujours des scénarios qui rendent la vie plus agréable...
Toutefois, pendant que les gens regardent les pièces du petit théâtre comique la Cicrane, il n'y a pas beaucoup de place dans leurs pensées pour philosopher sur la vie et le "vivre ensemble". Il n'y a de place que pour le rire et la fascination du jeu de ses comédiens. Dans la pièce Chiennes de Vies actuellement à l'affiche, Laura Charpentier, Juliette Phillips et Caroline Réali sont entièrement absorbées dans leurs rôles de filles qui veulent se venger d'un patron "macho". Le spectateur a l'impression que les trois actrices elles-mêmes sont concernées par les misères qu'il fait à ses employées. Les gestes, les expressions du corps ou du visage, leur manière de parler, tout semble authentique.
Michel Saillard, l'ancien Rik des Pit et Rik, n'a pas changé. Il était toujours un homme passionné, et il le restera jusqu'à la fin. Sa passion, c'est l'humour. Tant que les gens rient, ils ne font pas de mal. Le rire rend la vie plus belle, et il n'y a pas de meilleur remède contre tristesse et maladie.
11 heures, l'intérieur du Polygone. Des dizaines de personnes se dirigent vers la sortie Esplanade. Et toutes s'arrêtent, stupéfaites, devant les portes de fer fermées. Un agent de sécurité les informe qu'elles ne peuvent pas sortir, ni ici, ni à côté - la seule sortie ouverte est celle de la place Paul Beck. L'homme paraît épuisé. Patient, il répète sa réponse à toujours la même question : pourquoi ?
Le jour 1 de la révolution est-il arrivé ? À Montpellier, les opinions divergent - il y a des gens qui se disent "apolitique" - "la politique ne m'intéresse pas, je compte sur moi, pas sur l'état" -, d'autres pensent que, de toute manière, on ne peut rien faire, et encore d'autres ont envie "d'incendier" Montpellier. Y a-t-il un chemin susceptible de satisfaire tout le monde ?
"Et il n'est pas seulement question des retraites", reprend une des filles. "Il y a plus... les
Montpellier, la ville qui ne dort jamais. Montpellier l'active. Montpellier, où les rues sont pleines de gens, de jeunes et de personnes âgées, jour et nuit. Montpellier, la métropole où il ne fait jamais noir...
Une de ses copines n'est pas d'accord. "Pour toi c'est facile. Avec tes tennis, tu ne risques pas de tomber. Mais moi avec mes talons hauts, c'est plus difficile." - Son ami éclate de rire. "Viens près de moi, je te soutiens."
Une autre dame, un peu plus jeune, se pose une question qui, comme elle dit, est "essentielle" : "Normalement, vous voyez partout des voitures de police. Elles circulent tout le temps. Mais aujourd'hui ? Rien. Où est la police dans une nuit comme celle-ci ? Ils pourraient, par exemple, aider les séniors qui ont des problèmes de vue déjà sous un éclairage 'normal'. Aujourd'hui, ces gens ne peuvent pas se déplacer."
Qui pourrait mieux accueillir les "nouveaux Montpelliérains" que
Toutefois, cette réputation comme ville "où il fait bon vivre", est-elle suffisante pour expliquer les quelque 10.000 personnes venant de la France et de dix-neuf autres pays pour vivre à Montpellier ? Est-ce le soleil et la proximité de la Méditerranée qui attire les gens un peu partout dans le monde ? - Dans son discours de bienvenu, le maire Hélène Mandroux parla de la richesse culturelle de Montpellier, de ses plans d'urbanisation, de son dynamisme, de sa jeunesse : un Montpelliérain sur quatre est étudiant, cinquante pour cent des Montpelliérains ont moins de 30 ans, cette année 1000 enfants furent inscrits en maternelle et primaire, c'est-à-dire 500 de plus que l'année dernière - et, comme explique Hélène Mandroux, celui qui dit enfants dit jeunes parents - et avec un sur deux habitants qui sont actifs, l'économie ne peut pas être trop malade...
Un Monsieur français dans la soixantaine est d'accord. "Il y a tant d'événements culturels à Montpellier, on a de quoi faire chaque jour. Et tout est proche." Une dame allemande, un peu plus jeune que lui, est du même avis : "Je dirais qu'à Montpellier, il y a plus d'événements culturels par habitant qu'ailleurs. Ça me plaît, et c'est une des raisons principales pour lesquelles j'ai choisi Montpellier..." "...et beaucoup de ces événements sont gratuits", sourit une jeune dame danoise à sa table qui, comme elle raconte, est arrivée à Montpellier "pour y vivre, travailler et être heureuse" il y a plus de six mois et qui n'a pas l'intention de repartir de si vite.