Les voisins de Montpellier : Le treizième festival de poésie à Lodève
Pour la treizième fois, les amateurs de la poésie de Montpellier ont quitté leur ville - pour un jour, pour un week-end, pour une semaine... Leur but : Lodève et son festival de poésie, la Voix de la Méditerranée. Lodève en été est devenu synonyme de culture : le musée Fleury avec ses expositions et sa collection permanente qui fait une "concurrence" plaisante au musée Fabre de Montpellier - ou, plutôt, qui sert à augmenter le plaisir des amateurs de la peinture qui circulent entre Montpellier et Lodève - et, bien sûr, la Voix de la Méditerranée, le festival de poésie. Il s'agit d'une poésie que, en France, seul "l'expert" arrive à s'en procurer, celui qui cherche "vraiment" et sait ce qu'il cherche. Le grand public, par contre, ne "tombe" pratiquement jamais sur cette poésie pourtant si forte, composée par des auteurs situés dans les pays autour de la Méditerranée - sauf au mois de juillet, à Lodève.
Déjà les lieux sont d'une telle originalité - et d'une telle beauté - que, déjà pour en profiter, on a envie d'assister aux moments de la poésie récitée par les auteurs eux-mêmes, traduite, au besoin, en français. Il y a, par exemple, les "lectures les pieds dans l'eau" ou les manifestations poétiques sur "fauteuils flottants", où le public est installé sur des chaises placées au milieu de la Soulondre et baigne, littéralement, ses pieds dans l'eau.
Mais ceux qui préfèrent la lecture plus "sèche" peuvent se bercer dans des hamacs ou se détendre dans des chaises longues tandis que leur esprit s'envole avec la poésie accompagnée, parfois, par la musique de la nature qui entoure la ville de Lodève. Le vent augmente le sentiment de s'échapper du quotidien pour entrer dans un monde de rêve, et les rouges-gorges joignent leurs voix à celles de la Méditerranée. D'autres lectures ont lieu dans des cours cachées derrière des maisons, où le public écoute la poésie sous l'ombre de grands arbres, entouré de fleurs, qui donnent le sentiment de ne pas être en ville, mais quelque part dans la nature. On peut aussi s'installer sur des places de la ville, par exemple dans l'ombre de la cathédrale, et déguster des produits naturels pendant qu'on écoute. Et personne ne pourrait dire qui est le "meilleur" poète : ils ont tous un point en commun - l'immense talent. L'amateur de la poésie, bien que chacun ait son goût et ses styles préférés, trouve son compte, peu importe la manifestation qu'il choisit.
Si l'on parle de "goût" : il y en a pour tous les goûts poétiques. Celui qui, par exemple, a écouté la voix chaleureuse de Wael Abdel Fattah de Caire, scientifique et poète qui, avec son sourire timide et ses poèmes mélancoliques et, en même temps, pleins d'espoir enlève le public dans un univers de poésie qui flotte au-dessus de la Méditerranée, était étonné d'être confronté par la suite à la voix de Claude Favre. Claude est une poétesse française dont le public entendra encore parler : ses poèmes sont réalistes, parfois brutales dans leur vérité. Leur langage simple et, parallèlement, de grande force secoue l'auditeur et ne lui permet plus de fuir la vérité et continuer à faire le "sourd" face au monde qui l'entoure.
Toutefois, qui dit poésie dit aussi musique. Alain Désir était un des musiciens qui, avec sa guitare et la percussion, a accompagné des voix de poètes. Son jeu tout seul était suffisant pour enchanter le public : il présente un accompagnement sensible qui monte et descend avec les mouvements des sentiments exprimés par les poètes, mais sa musique vit aussi toute seule, s'adaptant à la beauté et à la gaieté du lieu. Quand il joue, Alain Désir sourit souvent. Le public sent que la musique l'enchante, et son propre enchantement se communique à sa musique et, par elle, au public.
Un genre de musique qui, avant tout, étonne l'auditeur est présenté par Agnès Tuvache, une chanteuse à la voix indescriptible. Après l'étonnement, toutefois, vient l'enchantement. Agnès Tuvache maîtrise les hauteurs et descend dans les gammes les plus basses avec une légèreté qui laisse le public littéralement bouche bée. Dans la vie quotidienne, Agnès Tuvache utilise ses talents dans le secteur de la psychologie et psychothérapie. Mais pendant le festival, sa voix dominait celles des poètes et exprimait tous ces sentiments forts que le public n'osait pas s'avouer. Le soir était le moment des spectacles musicaux. Comme tous les ans, l'équipe de la "Voix de la Méditerranée" présentait des chanteurs et musiciens connus et moins connus, mais tous choisis pour leur talent et leur originalité. Toutefois, la nuit était aussi le cadre pour des spectacles moins "voyants", conçus, surtout, pour faire plaisir. Un de ces artistes brillants dans la nuit était Noredine Mézouar.
Le chanteur-musicien-poète fait rêver les adultes et fascine les enfants avec des contes traditionnels et personnels. Pour quelques heures, il amène son public dans un monde d'hommes qui se croient sages, de femmes qui règnent dans l'ombre de leur foyer, de pauvres qui sont riches et de gens simples qui ne connaissent pas leur propre sagesse. Un monde de conte de fée où la philosophie est roi, irréel et réel en même temps. Et lorsque le corbeau d'un des récits de Noredine Mézouar comprend que les "petites choses" de la vie sont si importantes qu'il ne vaut pas la peine de poursuivre les "grandes", et lorsque le public rit et devient sérieux sans avoir l'impression d'être soumis à des sentiments contradictoires, le visiteur de la Voix de la Méditerranée sait qu'il n'oubliera pas de sitôt sa journée à Lodève.
Photos et texte : copyright Doris Kneller
À Montpellier, été rime avec fête. Pas une soirée où les Montpelliérains et leurs visiteurs ne profitent pas de l'ambiance chaleureuse et de l'esprit festif qui règne sur la ville à côté de la Méditerranée. Et il y en a pour tous les goûts : les Estivales, tous les vendredis sur l'Esplanade, avec leur offre de spécialités du pays, leur musique, leur petit marché artisanal et la communication facile entre des gens qui ne se sont jamais rencontrés mais pour qui la soirée sera peut-être le début d'une véritable amitié. Les cracheurs de feu, les acrobates, les chanteurs dans les rues et sur la place de la Comédie - et la culture "officielle" : musique, film, exposition, des arts qui sont à l'honneur au cours de l'été montpelliérain.
Toutefois, dans cette ville estivale, les cinéphiles ne peuvent pas se plaindre non plus. Début août commence le "Cinéma sous les étoiles", avec des films devant la médiathèque Émile Zola, sur la Place Dionysos - douze séances et toutes gratuites. Cette année-ci, c'est l'Amérique qui sera dans le point de mire du cinéma, comme déjà pour la Comédie du livre.
Mais aussi l'art de la photo trouve sa place à Montpellier. Le maire
Montpellier, ceci est connu, est une ville ouverte à toute nouvelle expérience. Ceci se reflète dans son université, son esprit international, ses fêtes et ses manifestations culturelles. Mais, depuis quelque temps, ce goût de l'ouverture concerne aussi le sport.
Le spectacle le plus beau est livré par les Footbaggers qui exercent le Freestyle, le style libre. Ils jonglent le ballon sur leur pied, et on a l'impression qu'ils suivent ses mouvements avec le corps entier. Parfois, il semblent "planer" au-dessus du sol de la Comédie, et la légèreté de leurs sauts rappelle plutôt les figurines d'un ballet classique qu'une compétition au petit ballon. Ce Freestyle du Footbag est exercé par une seule personne à la fois qui doit éviter que le sac tombe par terre.
...ce qui ne veut pas dire que le Footbag viendrait de l'Asie. Parce qu'encore avant qu'on se serve du riz pour remplir le hack sack, le ballon du footbag, on a choisi des fèves, nourriture populaire du sud des États Unis. On peut dire que ce consommateur de fèves, un homme de Texas, John Stahlberger, a inventé ou, plutôt, perfectionné ce nouveau jeu de ballon par pur ennui. Sportif plus ou moins professionnel, il s'était blessé au genou, et cet handicap l'obligeait à prendre des vacances. Il les passe en Oregon où il tombe sur un sport local, frapper des pieds un sac de fèves avec le but qu'il reste dans l'air le plus longtemps possible. Et, miracle : John Stahlberger découvre que ce petit jeu ne fait pas seulement plaisir, il fait aussi du bien à son genou blessé.
Station de bus près de la gare de Montpellier, un matin en semaine. Des dizaines de Montpelliérains attendent leurs bus. Une dame d'une cinquantaine d'années glisse, elle tombe. Elle n'est pas blessée, mais, troublée par sa chute, elle ne se lève pas immédiatement. Quelques-unes des personnes autour d'elle la regardent, certaines avec curiosité, d'autres juste ennuyées par l'attente de leur bus. Mais personne ne bouge.
Une exception ? Un homme peut-être tracassé par des problèmes qui ne lui permettaient pas de réagir correctement ? - "Il y avait pire. On n'était pas seuls. Immédiatement à côtés de nous, il y avait deux femmes qui avaient tout vu. Et un peu plus loin, il y avait une dizaine de personnes qui observaient la scène." Mais personne n'a bougé. "Je me suis adressée aux deux femmes pour leur demander de l'aide. Ma cheville faisait si mal, je ne pouvais plus marcher. Mais elles ont fait comme si elles ne m'entendaient pas." - Des étrangères peut-être qui n'auraient pas compris ? - "Non, parce que j'ai entendu qu'elle parlaient français entre elles."
Une femme enceinte assise par terre sur les marches d'une maison, en hiver, dans une rue très fréquentée - certainement pas un spectacle très courant : "Les gens m'ont regardé comme s'ils me tenaient pour une folle. Mais personne s'est approchée pour demander si tout allait bien." Dix minutes plus tard, elle se sentait un peu mieux, mais toujours incapable de se lever. "J'ai appelé ma copine pour qu'elle vienne me chercher. Les gens dans la rue n'aident jamais personne."
"Les gens ont peur", avait déclaré une jeune femme lors des interviews faits par l'équipe des "Gens de Montpellier" le lendemain de l'apéro géant de
Un jeune homme voit la question sous un angle différent. "Quand quelqu'un est agressé et ils ne savent pas par qui, ils disent que c'était des Maghrebins. S'ils savent que c'était des Maghrebins, ils parlent des 'agresseurs maghrebins'. Mais s'ils savent que c'était des Français, ils parlent des agresseurs tout court - ils ne disent jamais des 'agresseurs français'".
Cette réponse se répète plusieurs fois - tout le monde "sait" qu'il y a des agressions dans les rues de Montpellier, mais personne parmi les interrogés ne connaît des gens concernés. Seule une jeune Anglaise ("Je suis à la fac, je fais des études d'économie.") a une autre réponse : "Oui, j'ai été agressée. Très souvent." Et elle explique : "Surtout le soir, parfois aussi pendant la journée, il y a des groupes de jeunes partout dans la ville. Ils bloquent les trottoirs. Et il est très difficile de passer. Souvent, quand on essaie de passer, il nous disent des choses." - Des choses ? - "'Arrêtez, Mademoiselle' ou 'restez avec moi' ou 'prenez un café avec moi' ou 'vous êtes très jolie'. Ça se fait pas. On ne parle pas comme ça à une femme, ça me fait très peur. Je baisse la tête pour ne regarder personne et j'essaie de passer le plus rapidement possible."