Jeune, dynamique, écologique : faut-il être né à Montpellier pour être Montpelliérain ?
Bonne année, Saint Louis de Montpellier
Montpellier et ses Montpelliérains... On ne peut pas dire qu'ils sont "entre eux", ce jeudi 31 décembre. La ville grouille de visiteurs. La place de la Comédie est une véritable "Tour de Babel" - on entend de l'anglais, puis de l'allemand, de l'espagnol, du hollandais, du japonais, du suédois et d'autres langues parfois difficiles à classer.
Londres, été 2009. Pascale, peintre, Montpelliéraine de naissance, raconte son histoire. "J'étais très heureuse à Montpellier", explique-t-elle, "mais j'avais besoin de voir le monde." Paris, New York, Londres, des stations en Italie, à l'Île Maurice, au Maroc, son chemin l'a menée loin. Et parfois, elle retourne à Montpellier. "Je ne retrouve plus la petite ville de mon enfance. Le centre, bien sûr, le centre existe toujours, avec ses ruelles étroites. Mais le reste - même la Comédie n'est plus ce qu'elle était. On n'est plus entre nous. Montpellier est devenu si... immense."
Non, il est vrai, Montpellier n'est plus ce qu'il était. Un homme âgé, probablement retraité, qui se promène à la Comédie hausse les épaules. "Désolé, ce ne fait que quatre ans que je suis à Montpellier. Je ne peu rien vous dire." Une dame, à peu près du même âge, se tient devant la fontaine des Trois Grâces. Elle attend son fils, mais elle a le temps. "Si je suis Montpelliéraine ?" Elle rigole. "Oui, on peut dire ça. Je suis ici depuis trente ans, ça fait une baille." Mais, en fait, elle n'est pas née à Montpellier ? "Faut-il être née à Montpellier pour être Montpelliéraine ?"
Oui, elle est d'accord avec Pascale. Montpellier a beaucoup changé. Les places sont devenues plus larges, les bâtiments plus hauts. "Mais pas plus hauts que l'arc de triomphe." Décidément, elle connaît bien l'histoire de Montpellier. Et il y a aussi les nouveaux quartiers, l'Antigone, le tram et beaucoup plus de gens. "Tous des jeunes", dit-elle, songeuse. Puis elle ajoute : "C'est bien. Montpellier est devenu jeune."
Il y a autant du monde au quartier de l'Antigone qu'à la place de la Comédie. Un groupe de jeunes filles se promène autour la statue du Poséidon. "Je suis anglaise", déclare la première dans un français bien compréhensible. "Ça fait trois semaines que je suis à Montpellier. J'étudie le français." Que pense-t-elle de Montpellier ? "J'aime", dit-elle avec un petit sourire. Vraiment ? Sans retenue ? "Oui, mais... well, les gens ne sont pas toujours gentils. Ils n'aiment pas dire bonjour. Et les commerçants sont", elle hésite, "unfriendly ?" - "Pas aimable", la soutient une copine, anglaise elle aussi. "Oui, si on veut savoir quelque chose dans un magasin comme ... (elle nomme un grand magasin du Polygone), ils ne répondent pas ou pas poliment."
Montpellier ville "pas aimable" ? Que cela ne tienne. "Oui, c'est vrai", consent une femme d'une quarantaine d'années. Elle sait de quoi elle parle, vu qu'elle fait partie "des rares bêtes qu'on trouve encore ici qui sont nées dans cette ville." Selon elle, Montpellier aurait perdu son amabilité. "Je ne sais pas à quoi c'est dû", dit-elle, "mais quand j'étais enfant, c'était normal de se dire bonjour. Aujourd'hui, les gens vous regardent bizarrement. On se connaît pas, on n'a plus rien à voir l'un avec l'autre. Peut-être y a-t-il un peu trop de gens à Montpellier ?"
Bonne fête, Montpellier, à l'année prochaine
Brigitte qui traverse juste le jardin de Peyrou est une autre de "ces bêtes rares... nées dans cette ville". Mais elle n'a que 16 ans. "On jour je partirai, c'est clair", elle sourit, "peut-être en Angleterre ou aux États-Unis. Pour apprendre l'anglais." Mais bien sûr, elle aime Montpellier. "Pas aimable ? Non, pourquoi Montpellier serait moins aimable que d'autres villes ?" Dit-elle bonjour aux gens qu'elle ne connaît pas, qu'elle rencontre, par exemple, dans l'immeuble où elle habite avec sa mère ? "Euh, non." Elle réfléchit, puis : "Bien sûr que je dis bonjour. Aux voisins, aux gens que je connais. Mais pas à des étrangers. Pourquoi ?"
Y a-t-il quelque chose qui ne lui plaît pas à Montpellier ? "Oh non", répond-elle spontanément, "on peut tout faire ici, c'est très bien. La ville est très dynamique. Et écologique aussi, c'est important. Et j'ai beaucoup de copains et de copines étrangers, c'est très bien, aussi." Toutefois, après réflexion, elle ajoute : "Ce qui est dommage, c'est que les copains étrangers partent tous si vite. Ils restent deux mois, trois mois, et après ils s'en vont. C'est un peu triste."
Montpellier, une ville qui a changé, qui est devenu immense, dynamique, écologique. Où même les "autres", nés "ailleurs", peuvent se sentir Montpelliérains. Où les étudiants arrivent, "aiment" et s'en vont de nouveau. "Mais c'est pas si grave". Brigitte se dépêche de corriger l'image "un peu triste" qu'elle a tracée. "Les uns s'en vont, les autres arrivent. Et on peut toujours s'écrire et se rendre visite. Comme ça, je peux voir d'autres pays."
"Oui, j'aime être à Montpellier", assure un jeune homme allemand, lui aussi étudiant. "Y a toujours quelque chose qui se passe. Je dois partir bientôt, mais je reviendrai."
Ils ne reviennent peut-être pas tous, mais ils en ont envie. Montpellier ne s'oublie pas si facilement. Montpellier, "c'est bien", c'est "devenu jeune". Si, l'année prochaine, cette "nouvelle jeunesse", peu importe son âge, pourrait dire "bonjour" un peu plus facilement, avec le sourire adéquat, Montpellier sera peut-être... une ville parfaite...
Photos et texte : copyright Doris Kneller