vendredi 27 février 2015

Montpellier : Retards des trams - enjeu de sécurité ?

Pour faire pression, les délégués syndicaux de la TaM à Montpellier choisissent la sécurité

« La TaM », dit une dame dans la quarantaine, « est une sorte de dieu. Elle décide librement sur la longueur des minutes - pour la TaM », ajoute-t-elle d’une voix de plus en plus ironique, « une minute du Seigneur est comme mille ans... » - La dame est visiblement en colère. Mais elle n’est pas la seule.

« Je suis arrivée à l’arrêt à exactement 8 heures et 30 minutes », enchaine une autre dame d’une dizaine d’années plus jeune que la précédente et énormément nerveuse. « Un tram était annoncé dans trois minutes. J’étais donc contente, sachant que j’étais largement à l’heure pour mon rendez-vous. Mais je me suis trompée : dix minutes plus tard, le tram était toujours annoncé ‘dans trois minutes’ et est arrivé, finalement, après une attente de presque vingt minutes. Trop tard pour mon rendez-vous. »

Automatiquement, la question circule : Pourquoi, depuis quelques semaines, les trams ont tant de retard ? « Des problèmes techniques, les rames se font vieilles », réfléchissent les uns. « Manque de personnel, on n’a pas assez de conducteurs », inventent les autres. Encore d’autres pensent à une grève, mais une grève qui s’étalent sur plusieurs semaines et s’exprime en forme « d’éternels retards » ?

Finalement, personne parmi les Montpelliérains qui, fâchés, en colère, désespérés à cause d’un rendez-vous ou tout simplement dégoutés, attendent les trams ne sait, pour quelle raison ils souffrent tant des retards de leur unique transport en commun. Sont-ils otages, victimes, solidaires ou juste confrontés avec des pannes techniques permanentes ?

L’équipe de Montpellier Presse Online voulait en savoir plus. Après une longue recherche - le site Internet de la TaM n’affiche pas de numéro de téléphone - et plusieurs jours d’attente où « elle », une responsable qui avait « promis » de rappeler, n’a jamais donné signe, elle a finalement pu joindre une dame porte-parole du service de communication. Et la solution de l’énigme était simple et claire : la TaM n’y est pour rien, tout est la faute de la CGT, le syndicat impliqué dans les négociations sur le salaire de ses employés. La TaM regrette, mais si les usagers des trams ont des problèmes, qu’ils aillent se plaindre à la CGT…

Entamer la discussion avec la CGT s’est avéré beaucoup plus facile : un seul appel et immédiatement, Michel Carrère, délégué syndical et conducteur de tram depuis vingt ans, a été prêt à donner des informations. Oui, on « pourrait dire » que le retard viendrait de la CGT - « d’une certaine manière ». Et oui, il est aussi vrai qu’il est question de salaires. Ces salaires sont un sujet de dispute depuis des années, mais à un moment donnée, quand Jean-Pierre Moure, candidat aux dernières municipales à Montpellier, était président de la TaM, on aurait plus ou moins réussi à résoudre les problèmes.

Puis, le maire actuel, Philippe Saurel, est devenu candidat à la mairie. Il aurait promis de dialoguer sur la question des salaires… jusqu’au moment de son élection. « Maintenant, on est muselés, on ne nous laisse plus parler comme il y a quelques années. » Tout ce qui reste aux employés de la TaM, c’est la pression.

Mais pourquoi faire pression sur les usagers du tram, otages de personnes qui ont la chance d’avoir un travail régulier et qui gagnent même plus que le SMIG ?  Déjà, l’enjeu est flagrant : une étude comparative a montré que le salaire des conducteurs et contrôleurs du tram à Montpellier est en moyenne 200 € en dessous de celui de leurs collègues des autres réseaux en France. Puis, les délégués syndicaux ne sont pas élus pour demander aux employés de faire « n’importe quoi » : entamer des actions, oui, mais mettre en danger des emplois, certainement non.

La réponse au refus de Saurel d’accepter le dialogue, selon Michel Carrère, est tout simplement un travail impeccable : suivre à la lettre les règles de sécurité qu’on a apprise pendant sa formation et refuser d’être tout le temps stressé par le temps.

Cela signifie-t-il qu’un tram serait forcément en retard si un conducteur observe les règles de sécurité ? Il semble que oui.

Michel Carrère prend l’exemple du tram ligne 1. Le temps moyen calculé - et utilisé pour établir les horaires - pour un trajet de cette ligne est de 47 minutes… sous condition qu’il n’y ait aucun « grain de sable » dans la mécanique. « Les trams sont comme un carrousel », ils se suivent, se poussent et aucun ne peut sortir du système. Si un conducteur doit s’arrêter un peu plus longtemps que prévu pour aller aux toilettes, si un usager bloque une porte pour que des personnes en retard puissent attraper le tram, si un véhicule bloque une rame, si une personne se promène sur les raies… déjà, les 47 minutes sont mises en question. Et tout le système des trams qui se suivent est concerné.

Seule solution, alors, pour rattraper le temps perdu : conduire trop vite et, par conséquent, prendre des risques. Ou être « impoli », c'est-à-dire refuser d’aider des passagers qui courent pour éviter une attente d’une demi-heure, la nuit, lorsqu’il fait froid. Même l’attente de quelques secondes pour être agréable à un usager, explique Michel Carrère, peut se cumuler de la manière que l’horaire n’est plus suivi - sans enfreindre les règles de la sécurité.

Service sécurisé comme moyen de lutte sociale ? Personne n’est certain que les responsables se sentent touchés. En attendant ? Quoi dire à une vieille dame qui se plaint que, à cause du retard du tram, elle arrive trop tard à son rendez-vous médical ? - « Qu’elle demande à la direction de la TaM d'adapter les horaires aux règles de la sécurité. »
Photos et texte : copyright Doris Kneller

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