jeudi 29 janvier 2015

Montpellier : grève de camions, grève de trams - qu’en pensent les Montpelliérains ?

Ces Montpelliérains qui se sentent victimes des revendications des autres...

Une dame dans la quarantaine, des sacs de victuailles devant les pieds, se tient à l’arrêt de la ligne 2 où le prochain tram est annoncé pour 30 minutes plus tard. « Si j’avais une voiture », répond-elle à la question d’un membre de l’équipe de Montpellier Presse Online, je ne serais pas ici en train d’attendre le tram. Et j’en suis bien punie. » Elle fait un geste vers ses sacs. « Avec les courses, je ne peux pas aller à pied, c’est trop loin. Je suis alors condamnée à attendre. Je dois passer à la maison, faire à manger pour les enfants et aller travailler - je serai forcément en retard. »

« Mais cela », poursuit-elle, « n’intéresse personne. Ils font la grève pour avoir plus de sous ou je ne sais pas quoi - ils ne daignent même pas le dire. Mais moi, je paie le prix. Pas les riches qui ont leurs voitures et s’en balancent de la grève. Juste des gens comme moi, les pauvres, qui n’ont pas d’autre moyen de locomotion. »

La dame n’est pas la seule à être en colère contre la grève du tram - « l’énième jour de grève », comme l’exprime un étudiant. Et un Monsieur dans la cinquantaine enchaîne : « Pour qui ils se prennent ? Ils demandent notre solidarité, mais en vérité, ils ne savent même pas ce que c’est. Avez-vous jamais vu un seul employé de la TaM solidaire avec qui que ce soit ? Pensent-ils aux gens qui ont besoin du tram pour aller travailler ou pour faire leur vie ? Non. Ils ne pensent qu’à eux-mêmes. »

Ce manque de solidarité de la part des grévistes tracasse beaucoup des Montpelliérains interrogés. « Je suis infirmière », raconte une dame également dans la quarantaine. « Quand nous avons fait la grève contre nos conditions de travail, notre mouvement est resté très petit. Parce que personne n’était solidaire. A l'hôpital, on se plaint si nous ne sommes pas assez rapides, mais personne ne veut connaître nos conditions de travail. Pourquoi les camions n’ont-ils pas bloqué les routes pour nous aider ? S’ils demandent solidarité à nous, ils pourraient aussi être solidaires avec nous. »

La grève des camions fâche autant de Montpelliérains que celle des employés de la TaM. Une dame dans la soixantaine raconte que sa fille travaille près de Mulhouse. « Elle avait prévu de venir nous voir juste le week-end des grèves. Ça fait longtemps qu’on ne l’avait pas vue, elle a rarement le temps, sauf ce week-end là. A cause de la grève, elle a passé beaucoup plus d’heures sur l’autoroute que normalement. Quand elle est arrivée, elle était si épuisée, elle aurait pu avoir un accident. »

Pour beaucoup de Montpelliérains, le terme « accident » rime avec « grève de camions » : « La grève des camionneurs me fait très peur », explique par exemple une dame dans la trentaine. « Ils provoquent des ralentissements et des arrêts à des endroits dangereux. Les automobilistes sont stressés et peuvent facilement perdre la concentration pendant qu’ils roulent. »

La différence entre la grève des camions et la grève des trams ? - Selon une dame dans la quarantaine, elle consiste dans la quantité des informations reçues par les usagers : « Pour les camions, on connaît les revendications, on les diffuse à la télé. Mais pour les trams, on ne sait strictement rien. On découvre l’annonce de la grève aux stations, c'est-à-dire juste l’annonce, dans le style : ‘perturbations demain sur toutes les lignes’, mais on ne sait pas pourquoi. On a l’impression qu’ils ne cherchent qu’une journée de vacances supplémentaire. »

Mais pas tout le monde n’est contre la grève. « La grève est le seul moyen pour exprimer nos revendication », est l’opinion d’un Monsieur d’une trentaine d’années. « Si nous ne sommes pas d’accord avec les patrons, nous n’avons que deux possibilités : rouspéter ou faire la grève. Parfois, la grève ne sert à rien, mais c’est une forme d’expression tout de même. »

Un autre Monsieur d'à peu près le même âge n'est pas d'accord. « Regardez l'histoire. On dit toujours qu'il faut apprendre de l'histoire. Tous les grands mouvements de grève ont porté des résultats. Sans ces grèves, les ouvriers d'aujourd'hui auraient beaucoup plus de problèmes. Si on nous enlève le droit de la grève, on nous prive la dernière arme de la démocratie. »

La dame dans la quarantaine pense aussi que la grève ne sert à rien, mais elle plus stricte que les hommes interrogés avant elle : « On fait la grève ou pas, ça ne change rien. Ceux qui ont le pouvoir ne pensent pas à nous, mais uniquement à leurs propres avantages. Si on travaille ou pas, si on proteste ou pas, tout pareil. Mais, malgré tout, il faut faire la grève. Pour leur montrer qu’on existe, qu’on n’est pas les moutons qu’ils veulent faire de nous. »

Une autre dame, un peu plus âgée que la précédente, ne peut pas se décider entre les victimes d’une grève et son utilité : « Quand on fait la grève, il y a toujours quelqu’un qui souffre. Si le tram fait la grève, les gens ne peuvent pas vivre normalement. Si les camions bloquent les routes, plein de vacanciers ou des gens qui voyagent pour leur travail en souffrent. C’est toujours comme ça, et je trouve que ce n’est pas normal. Mais si on ne fait rien contre le patronat, ce n’est pas bien non plus. En fin de compte, il faudrait trouver une autre forme de lutte. »

Une autre forme de lutte - une idée sortie par plusieurs des Montpelliérains interrogés. « Il faudrait trouver quelque chose qui dérange directement les responsables », dit par exemple un Monsieur dans la quarantaine. « Une grève devrait nuire à ceux qui nous font du mal, pas à des innocents qui subissent les mêmes problèmes que les grévistes. » Un étudiant est plus radical : « Si les employés d’une entreprise sont mal traités, s’ils travaillent sous de mauvaises conditions ou s’ils ne sont pas suffisamment payés, et si les patrons ne font rien pour corriger le problème, ceux-ci devraient être punis par la loi. Faire travailler les gens sans les payer à leur juste valeur devrait mener à la prison. Si la loi aidait les faibles, ils n’auraient plus besoin de faire la grève. »
Photos et texte : copyright Doris Kneller

mardi 27 janvier 2015

Montpellier : le Cinéma le Royal ferme ses portes

Le deuil des Montpelliérains: 134 ans d'histoire du Cinéma le Royal


« J’ai adoré les sièges du Cinéma le Royal », se rappelle une dame dans la quarantaine, « ils étaient très agréables. Je pouvait rester assise pendant des heures sans avoir des courbatures. Mais », ajoute-t-elle avec une voix triste, « j’aurais peut-être dû y aller plus souvent. »

La dame parle de son souvenir en utilisant le passé. Car désormais, un des symboles les plus réputés de Montpellier n’existe plus : le Cinéma le Royal a définitivement fermé ses portes. Après 134 ans de projection de films et d’histoire de cinéma montpelliérain, il ne reste qu’un « grand trou culturel dans la rue Boussairolles, à côté de la Comédie », comme l’exprime un Monsieur de quelque cinquante ans.

Les Montpelliérains cinéphiles sont en deuil, les institutions culturelles de Montpellier ne sont plus au complet. « Comment est-ce possible qu’un cinéma qui existe depuis », la dame d’une trentaine d’années hésite, « j’imagine les débuts de l’histoire du cinéma, comment peut-il ne plus travailler, du jour au lendemain. »

C'est la question que se posent beaucoup de Montpelliérains. Ils ont bien vu que, depuis octobre dernier, le cinéma restaient fermé, mais « j’ai pensé », réfléchit un étudiant, « que ce n’était que temporaire. Je me suis dit qu’on y fait des travaux du mise à norme, comme au Diagonal il y a quelques ans. Mais qui aurait pu prévoir que la fermeture est pour de bon ? »

« Quand j’étais toute petite », se souvient une dame dans la soixantaine qui, comme elle l’explique, est née à Montpellier et n’a jamais quitté Montpellier, sauf pour bronzer à la plage de Carnon ou faire quelques petites vacances en Espagne, « je suis déjà allé au Royal. A l’époque, l’entrée ne coutait pas cher, ma mère pouvait me le payer pour me récompenser quand je travaillais bien à l’école ou, aussi », elle sourit, « pour se débarrasser de moi et être un peu tranquille. »

L’étudiant et la dame dans la soixantaine n’ont pas tort. Le bâtiment, toujours admiré par ceux qui le découvrent la première fois, date du 19ème siècle, et le cinéma a projeté son premier film vers 1880. Mais cela ne veut pas dire qu’il s’est reposé sur son statut de « monument » : il était le premier cinéma à Montpellier - et un des premiers dans toute la France - qui a appliqué la technique du son THX et Domby Stéréo, la 3D et, enfin, le numérique.  

Ce n’est donc pas faute d’installations modernes que le cinéma le Royal a fermé ses portes. « Si vous me demandez », dit un Monsieur dans la cinquantaine, « il ferme à cause des multiplexes. Dans le papier collé sur la porte du Royal on a parlé de problèmes techniques. Mais je n’y crois pas, c’est certainement une excuse pour ne pas révolter les gens. En vérité, ils n’ont pas pu tenir contre les multiplexes. Au lieu de soutenir le vieux cinéma au centre de Montpellier, les gens vont à l’Odysseum pour voir leur film, perdus dans la foule, dans un bâtiment triste et anonyme. »

Les pertes dues aux deux multiplexes de Montpellier - à l’Odysseum et à Lattes - jouent certainement un rôle dans la fermeture du Royal, mais ce n’est pas la seule raison. Une dame dans la cinquantaine semble bien informée : « J’ai lu que les inondations d’octobre dernier ont donné un coup au bâtiment du cinéma le Royal. Il semble qu’il est devenu dangereux. Pour continuer, le cinéma devrait donc entamer des travaux importants. J’imagine que ses propriétaires n’ont pas les moyens suffisants. »

Un Monsieur d’à peu près le même âge, bien informé lui aussi, voit le problème d’un autre point de vue. « Il y a des choses que je ne comprends pas. Si la fermeture du cinéma est due à un problème de bâtiment, il suffit de faire les travaux de réparation. Normalement, tous les bâtiments sont assurés, l’assurance devrait donc payer la facture. Les responsables ne veulent-ils pas plutôt profiter de la situation pour finir avec une entreprise qui ne portait plus grand-chose ? »

Une dame d’une quarantaine d’années a également entendu parler de la nécessité d’entamer des travaux. « Le cinéma le Royal n’est pas un multiplexe », admet-elle, « il n’y a pas énormément de finances en jeu. Le cinéma accueille moins de monde, les recettes sont donc plus petites, peut-être pas suffisants pour les travaux. Mais à quoi servent la ville, la région, l’état ? N’oublions pas que ce cinéma est un monument de la culture montpelliéraine. Il serait donc normal qu’on fasse tout pour le conserver. Mais non - la ville et la région dépensent leur budget pour le foot, le Stade à la Mosson. Logique, le foot est plus important que la culture. Ou y a-t-il peut-être plus d’argent à gagner avec le foot qu’avec les films ? »

Quoi qu'il en soit, les Montpelliérains sont tristes. « Au Royal, on avait toujours les films les plus actuels », se plaint un étudiant. « On n’avait pas besoin de sortir de la ville pour voir les derniers films, sa situation à la Comédie était si pratique. » Et une dame dans la quarantaine proclame : « Ils l’ont voulu, je ne vais plus au cinéma. Je n’aime pas les multiplexes, le Gaumont à la Comédie est trop cher et je n’aime pas toujours sa programmation. Reste le Diago. Mais là, les chaises sont trop inconfortables. »
Photos et texte : copyright Doris Kneller

mercredi 21 janvier 2015

Montpellier et son Stade à la Mosson

Philippe Saurel, défenseur du Stade à La Mosson : qu'en pensent les Montpelliérains ?


Ça y est, Montpellier et les Montpelliérains ont de quoi être fiers : le stade à La Mosson accueille de nouveau les grandes rencontres sportives. Il a été re-inauguré le 9 janvier avec le match de ligue 1 Montpellier contre Marseille où, avec un score 2-1, l’équipe montpelliéraine a rendu heureux ses fans.  

Les amateurs de foot sont contents de l’exploit de leur équipe, mais aussi de leur stade remis à neuf après les inondations en octobre 2014. Bien que, pendant un moment, on ait envisagé d’en construire un autre au lieu d’investir dans l’ancien. Mais Philippe Saurel a refusé toute alternative : pour lui, le stade de foot est lié à l’histoire du quartier de La Mosson.

L’histoire du stade qui, depuis la Coupe du monde de football 1998, porte le nom « Stade de la Mosson-Mondial 98 » commence effectivement par un terrain de foot utilisé par quelques gamins issus d’un quartier habité depuis 1967. Ensuite, les événements se sont enchaînés : les gamins ont créé un club qui a rapidement pris sa place dans le monde du foot, on a construit un premier petit stade, des clubs ont fusionné jusqu’à ce que, finalement, Louis Nicollin, ami proche de Georges Frèche, a pris en main le club et milité pour la construction d’un grand stade : chaque fois que le club a gagné un match important, un élément essentiel s'est ajouté au stade…

Jusqu’à ce qu’en octobre 2014, les inondations détruisent une grande partie du stade, au point que les responsables pensent sérieusement à la construction d’un nouveau stade, à un emplacement plus protégé des intempéries. Mais ceux qui tiennent à continuer l’histoire du quartier La Mosson s’imposent : au prix de 6,2 millions euros dont 30 pour cent sont financé par le contribuable montpelliérain.

Certes, les Montpelliérains sont fiers de leurs équipes de foot et de rugby - mais sont-ils d’accord avec les millions déboursés pour la réparation du stade ? Montpellier Presse Online leur a posé la question.

« Ça fait combien, 30 pour cent de 6,2 millions ? » se moque une dame dans la cinquantaine en rigolant. « Franchement, chaque fois qu’il est question du coût d’un projet de la ville, je décroche. Ce sont des chiffres qui, pour des gens comme moi, n’ont aucun sens. C’est trop, tout simplement, je ne peux pas imaginer quelqu’un qui sait jongler avec de telles sommes. »

Une autre dame, par contre, d’une dizaine d’années plus jeune que la précédente, imagine très bien ce qu’on pourrait faire avec une telle somme : « Pour moi, le stade de foot est la honte du quartier et la honte de Montpellier. Si un des visiteurs qui viennent de l’extérieur avait l’idée de se promener dans le quartier, il comprendrait tout de suite que le stade n’a rien à faire des gens qui y habitent. Ils ne pourraient même pas se payer une entrée. Comment peut-on construire un tel symbole de richesse et de gaspillage d’argent public dans un quartier où les gens vivent en dessous du minimum et où les rues et les maisons auraient besoin d’argent pour les réparations de base ? Une fraction de la somme utilisée pour les réparations du stade aurait suffi pour aider le quartier entier. »

Un Monsieur dans la soixantaine est plus ou moins du même avis : « J’aurais bien aimé que George Frèche et Louis Nicollin qui se sont engagés pour la construction du stade ou maintenant Philippe Saurel et le fils Nicollin partagent un jour le quotidien d’un habitant ’moyen’ du quartier dont le stade est le ‘symbole’. Ils auraient peut-être compris que leur ‘symbole’ n’a rien à voir avec le quartier et les personnes qui y vivent. »

Mais pas tout le monde critique le stade - au contraire, beaucoup de Montpelliérains sont fiers de lui et du succès de leurs équipes, même ceux qui n’y ont jamais mis le pied : « Montpellier et son stade », s’enthousiasme par exemple une dame dans la trentaine, « sont connus partout en France. Peut-être même dans le monde. » Interrogée par l’équipe de Montpellier Presse Online, combien de fois elle y aurait assisté à un match, elle avoue : « Jamais. C’est trop cher pour moi. Mais je peux suivre les matchs à la télé ou sur grand écran à la Comédie. »

« Les riches à La Mosson, les pauvres sur la Comédie », ironise une autre dame d’à peu près le même âge. « De toute manière, ça ne change rien », ajoute-t-elle d’une voix amère, « l’alcool coule à flot, aux deux endroits, et pour beaucoup, c’est plus important que le foot. »

Toutefois : « Le foot et le rugby sont les points forts de Montpellier », explique un Monsieur dans la quarantaine, et une dame dans la cinquantaine part dans la même direction : « L’année dernière, j’ai offert une bonne place à mon fils, il était très très content. » Et une dame dans la trentaine se fâche carrément : « J’en ai marre qu’on me parle des entrées trop chères au Stade de la Mosson. Il y a des places pour 10 euros, les étudiants peuvent même entrer pour 5 euros. Tout le monde peut s’offrir ça. »

Une dame dans la cinquantaine parle également de l’argent, mais pour elle, les sommes pour la réparation du stade ne sont pas « jetées par la fenêtre » : « Au stade, ils encaissent dans les 400.000 euros par match. L’argent déboursé est alors vite récupéré. Le montant de ses sommes fait peur aux gens, mais en vérité, ce n’est que bénéfice. »

Un Monsieur du même âge est d’accord avec le bénéfice, mais il ne le regarde pas d’un bon œil : « Quand il est question de dépenser de l’argent, c’est le contribuable qui paie. Mais tout ce qu’ils gagnent restent dans les mains des clubs ou de leurs sponsors. Pourquoi les bénéfices du stade ne sont pas partagés avec les habitants de Montpellier ? Ou utilisés pour quelque chose qui est utile pour tous, par exemple les écoles ? »

Un jeune homme de quelque 18 ans, par contre, exprime l’opinion de la plupart des interrogés : « Le foot, c’est fun. Je trouve formidable que nous avons ce stade à La Mosson. »  
Photos et texte : copyright Doris Kneller