lundi 30 mai 2011

Comédie du Livre : littérature allemande à Montpellier

Bilan après la Comédie du Livre consacrée à la littérature allemande : "Nous avons compris ce qui préoccupe la nouvelle génération allemande."

Littérature allemande à la Comédie du Livre de Montpellier
Plusieurs mois avant que la Comédie du Livre 2011 ouvre ses portes, les Montpelliérains n'étaient pas sûrs si le sujet de cette année leur convenait. Une dame allemande qui vit à Montpellier depuis plus de 20 ans a exprimé un malaise qui ne concernait pas seulement les Montpelliérains "venus d'ailleurs" : "La littérature allemande, oui, bien sûr, pourquoi pas. Elle est aussi riche qu'une autre. Mais pourquoi invite-t-on tant d'écrivains qui parlent de la deuxième guerre mondiale ?

Dimanche soir, après trois jours de Comédie du Livre avec des tables rondes, conférences et discussions entre les écrivains et le public, l'opinion de beaucoup de Montpelliérains avait changé. L'étonnement a cédé à un sentiment de compréhension : on n'est plus étonné voire choqué de découvrir à Montpellier des livres comme, par exemple, ceux de Peter Longerich - sa biographie sur Himmler ou celui qui porte comme titre la fameuse phrase "Nous ne savions pas" - où les policiers de Volker Kutscher qui essaient de répondre à la question, comment le régime Nazi a pu prendre pied en Allemagne.

Volker Kutscher à Montpellier
Volker Kutscher à Montpellier

"Jusqu'à maintenant", explique une dame d'un quarantaine d'années après une rencontre avec Volker Kutscher, "j'avais pensé que ce sommes nous, les Français, qui poussent les Allemands à ne pas oublier le point le plus noir de leur histoire. Mais pendant les jours de la Comédie du Livre, j'ai compris que la nouvelle génération d'écrivains allemands a été capable d'une performance impressionnante : ils se sont penché sur leur histoire pour s'interroger pourquoi tout cela a pu arriver."

Cela est vrai pour Volker Kutscher qui a inventé un commissaire qui travaille dans le Berlin des années 30. Ses romans ne reflètent pas seulement l'esprit contradictoire de panique, de crime américanisée et de fête qui, à cette époque-là, régnait dans la capitale allemande, mais ils montrent aussi le développement politique. Volker Kutscher explique qu'encore deux ans avant que Hitler soit élu chancelier, la plupart des Allemands n'auraient jamais eu l'idée que ces cogneurs du parti nazi qui passaient leur temps à des batailles de rue contre le communistes atteindraient un jour un pouvoir politique légal.

Peter Longerich, par contre, l'historien allemand et professeur d'université à Londres dont on dit qu'il serait un des plus grands experts de l'histoire du holocauste, va encore plus loin. Il a entamé un travail scientifique sur les sources écrites de l'époque des Nazis - la presse, des lettres, des documents officiels etc. - pour constater ce dont tant de jeunes Allemands s'en doutaient déjà : le peuple allemand savait très bien ce qui se passait "en secret". "Le plan de l'extermination des juifs était plutôt un secret de Polichinelle", résume un Monsieur ce qu'il a appris dans une conférence. Puis il répète une pensée qu'il avait entendu par Peter Longerich : "Mais entre apprendre quelque chose par la presse et l'accepter comme vérité pure, il y a un long chemin."

Peter Longerich, Montpellier
Peter Longerich à la Comédie du Livre

Toutefois, quelques Montpelliérains ne voulaient pas se contenter de la question concernant la conscience du peuple allemand : la question sur ce qui se passait en France et ailleurs a surgi plusieurs fois. "C'est fabuleux", s'enthousiaste un Monsieur d'une cinquantaine d'années qui dit qu'il connaît très bien l'Allemagne et qu'il s'intéresse beaucoup à son histoire, "cette Comédie du Livre était la première occasion pour moi de discuter franchement sur tous les sujets concernant la shoah. Il n'y avait pas de tabous, ni du côté allemand, ni du côté français. Serions-nous enfin arrivé au point où nous pourrions tirer des leçons du passé, sans nous perdre dans les émotions ?"

Celui qui aurait pensé que le sujet de la littérature allemande en générale et celui de l'époque nazi en particulier n'intéresserait que des personnes plus ou moins âgées aurait eu tort : les conférences étaient fréquentées d'un bon nombre d'étudiants. Leurs questions montraient qu'ils ne connaissaient pas seulement le sujet, mais qu'ils y avaient aussi beaucoup réfléchi. Ce qui était remarquable : au contraire de quelques personnes plus âgées dont la connaissance - et l'habitude - de la propagande les fait parfois oublié la problématique de base, les jeunes ont mit en question l'esprit commun et la "réaction de masse" d'un peuple.

"Je comprends", s'ouvre un étudiant à l'équipe de Montpellier Presse Online, "que les Allemands cherchaient de l'aide pour se sortir d'une crise qui les a paralysés. Mais pourquoi ont-ils pris pour cible un groupe de gens, les juifs, qui étaient dans la même galère que tout le monde ?

Une étudiante qui a assisté à la conférence sur l'image de l'Allemagne dans les livres scolaires s'étonne : "Les auteurs de ces livres ont essayé de suggérer que tous les juifs auraient des nez longs et les yeux méchants. Mais si on regarde ces livres, " - elle fait allusion aux extraits qui ont été projetés pendant la conférence - "on se rend compte que ce ne sont que des dessins, des caricatures. Comment tout un peuple peut croire que ces caricatures correspondent à la vérité ? Ils avaient tous des voisins ou des connaissances juifs. C'était évident pour tout le monde que ces longs nez n'avaient rien à voir avec la réalité."

"J'ai beaucoup appris, ces jours de la Comédie du Livre", explique une autre étudiante. "On comprend un peu mieux, maintenant, pourquoi tout ça est arrivé. Mais ce que j'ai appris me fait un peu peur. Nous aussi, on est dans la crise. Nous avons pas de travail. L'économie va mal. Courrons-nous le risque de voir surgir un autre 'sauveur' qui, finalement, nous détruira tous ?"

Sa copine secoue la tête. "Non", dit-elle, l'air très sérieux. "L'humanité n'est peut-être pas l'élément le plus intelligent qui soit. Mais nous sommes capables d'apprendre quand même. Jamais plus on ne permettrait des excès de cruauté comme on les a vus à la deuxième guerre mondiale. Si les 'vieux' n'ont rien appris, nous sommes là, les jeunes. Nous, on veut la paix."
Photos et texte : copyright Doris Kneller

mardi 24 mai 2011

Prades-le-Lez : Un fruit pour la récré

Fruits et légumes aux écoles de Prades-le-Lez : nourriture saine pour les enfants pradéens

Nourriture équilibrée à Prades-le-LezLe paradis commence juste quelques mètres à l'extérieur du village. Et ce ne sont pas seulement les "prades" - les "prairies" en occitan - de Prades-le-Lez qui attirent l'œil du promeneur, mais aussi la forêt et le Lez qui, imperturbable, amène son eau aux paysages baignés par le soleil du Midi.

C'est ici qu'on comprend dans toute leur étendue les paroles de Jean-Marc Lussert, maire de Prades-le-Lez, lorsqu'il évoque l'époque pas si lointaine où les environs de la commune étaient considérés comme le verger de la région. Les plus âgés parmi les Pradéens se rappellent encore les histoires des bergers, de l'époque où leurs troupeaux entretenaient les garrigues et où le froment et, plus tard, le blé poussait le long du Lez.

Ainsi, les enfants de Prades-le-Lez n'étaient jamais privés de fruits. Les fruits et légumes faisaient partie de leur quotidien et même en temps de disette, les fruits poussaient toujours sur les arbres autour du village. Les enfants n'avaient qu'à les cueillir...

Prades-le-Lez : Un fruit pour la récréToutefois, les temps ont changé. Et tandis que les environs de Prades-le-Lez restent un paradis naturel, il n'y a plus beaucoup d'enfants à la recherche d'une pomme ou d'une pêche. Ils ont, tout simplement, perdu l'habitude de manger des fruits. Quelques enfants, comme souligne une enseignante pradéenne, ne savent même plus d'où viennent les fruits - ils ont tendance à les confondre avec un yaourt ou un bonbon de goût fruité.

Bref, pour retrouver une nourriture saine, naturelle et équilibrée, les enfants - et leurs parents - doivent réapprendre la consommation des fruits. Et quel endroit serait mieux placé pour entamer un tel apprentissage que l'école ? Ainsi, la Commission Européenne, les régions et les communes ont réuni leurs moyens pour faire naître le projet "Un fruit pour la récré" dont les premières expériences ont été lancées en 2008. Jusqu'à maintenant, l'opération concerne 160 établissements en Languedoc-Roussillon, donc environ 20.000 élèves.

Prades-le-Lez fait partie des premières communes qui non seulement ont participé au projet, mais qui ont aussi tout fait pour le soutenir. Ainsi, lors d'une conférence de presse en présence de la Direction régionale de l'alimentation, de l'agriculture et de la forêt et de la Préfecture, le maire et les enseignants de la commune ont pu révéler les premiers résultats de l'action menée dans leurs écoles.

L'idée du projet est tout simple. D'abord, il permet aux enfants de manger des fruits et des légumes plusieurs fois par semaine. En même temps, ils apprennent à être conscients de ce qu'ils mangent : leurs enseignants leur expliquent, pourquoi il est bien pour la santé de manger des fruits, d'où ils viennent et comment ils sont produits. Mais cela n'est pas tout : plus important que distribuer des pommes, pêches, tomates, courgettes, cerises ou fraises aux enfants est l'idée de les faire aimer la nourriture équilibrée ou, pour aller encore plus loin, de faire en sorte qu'elle fasse partie de leurs habitudes.

Conférence de presse à Prades-le-LezPourtant, si l'on dit "fruit", on ne parle pas de "fruits quelconques". Il n'est pas seulement question d'une nourriture équilibrée, mais aussi d'une agriculture adaptée aux idées de la vie saine. Ainsi, le projet s'inscrit dans le plan d'alimentation nationale qui met en valeur les produits de la saison et, tant que possible, ceux de proximité. "Tous les fruits sont acceptés. Toutefois, les enfants n'ont pas besoin de manger des fraises en décembre ou des cerises en octobre. Dans notre région, chaque saison porte assez de fruits et de légumes."

L'idée de la proximité est une raison de plus pour laquelle le projet "Un fruit pour la récré" cadre si bien avec l'infrastructure de la région et, notamment, avec celle de Prades-le-Lez. La mairie a l'intention de favoriser la réimplantation de l'agriculture aux bords du Lez. Les enfants n'auront donc pas seulement la possibilité de manger les fruits de la terre sur laquelle ils vivent, ils peuvent aussi visiter les plantations proches de l'école et observer le développement des fruits et des légumes.

"Le projet implique tout un travail pédagogique", souligne Jean-Marc Lussert. Et ce travail, les enseignants de Prades-le-Lez l'ont entamé avec succès. Ils montrent aux enfants comment on nettoie les fruits avant de les manger - "ça doit leur plaire, parce que les caisses se vident vite" - et on a même déjà préparé un plat de courgettes pour, ensuite, les manger ensemble. Les enfants apprennent aussi la différence entre la culture traditionnelle, industrielle et biologique, on les sensibilise aux valeurs du bio et, de nouveau, on parle de la proximité : le Languedoc-Roussillon est la région avec le taux le plus élevé de conversion à l'agriculture biologique.

La réaction des adolescents au projet "Un fruit pour le récré" n'est pas encore vraiment connue, vu qu'ils n'ont été inclus qu'au début de l'année scolaire. Sur le comportement des petits, par contre, les enseignants de Prades-le-Lez ont déjà pas mal d'informations à fournir à leurs collègues. On a découvert, par exemple, qu'ils adorent croquer les légumes crus. "Ils prendraient facilement l'habitude de manger une carotte ou un radis entre les repas au lieu de prendre un bonbon." On a aussi constaté qu'il est utile de distribuer des fruits un peu avant le repas de midi : "cela empêche ceux qui ont déjà un peu faim de grignoter des biscuits." L'impact sur les goûters n'est pas encore idéal, "mais ça commence. Il est important que les parents collaborent pour changer les habitudes des enfants." De toute manière, les partisans de l'opération n'attendent pas des miracles : le vrai impact de l'éducation à la nourriture équilibrée ne se montrera qu'à long terme.

Les habitudes vont changer, certes, mais il y a aussi la question de l'argent. Il est clair, comme remarque une enseignante, qu'on peut acheter trois paquets de biscuits pour juste un kilo de cerises. Mais grâce à la participation de l'Europe - qui finance 51 pour cent des frais - et des régions, les coûts sont réduits à vingt cents par enfant... "un prix qui bat largement celui des sucreries".

Et qu'en disent les enfants ? - Si l'on pose la question a ceux pour qui la distribution des fruits fait déjà partie du quotidien, on constate qu'ils attendent avec impatience le prochain repas naturel et, aussi, les nouvelles explications sur le monde de l'agriculture.
Photos et texte : copyright Doris Kneller

lundi 16 mai 2011

Fête à Montpellier : Comédie et Esplanade au printemps

Festivals folkloriques, Envie de Catalogne, Sardana ou Boutographies : faire la fête à Montpellier

Clown sur la Comédie à MontpellierSi, un samedi de printemps, on demande à un Montpelliérain où on fait la fête, il peut arriver qu'il rie, tout simplement. Comme la dame dans la trentaine qui attend un tram sur la place de la Comédie : "La fête ?", dit elle en riant, "vous n'avez pas à la chercher. Elle est partout."

Et elle a raison. "Celui qui n'aime pas la foule et la fête reste à la maison", conseille un Monsieur dans la cinquantaine qui, fièrement, explique qu'il est né à Montpellier. Une étudiante anglaise lui donne raison, constatant que "les Montpelliérains savent faire la fête."

Fête dans les rues de MontpellierAu printemps montpelliérain, la fête ne se cache pas entre les murs - au moins pas pendant la journée. Elle commence dès qu'on aborde les rues du centre de la ville. Premier constat : "tout le monde" est dehors. Deuxième constat : "c'est la fête en permanence", comme l'exprime un jeune homme qui "préfère Montpellier à Lyon", la ville où il a grandi. "J'ai pensé qu'un samedi ensoleillé, les gens seraient à la plage", s'étonne une étudiante qui vit son premier printemps à Montpellier.

Mais non, ils sont partout, les Montpelliérains, et la fête est avec eux. Cela commence dans la zone piétonne - des géants en carton passent par les rues, au plaisir des enfants, faisant sortir, comme par magie, un sourire sur les visages des adultes. Mais le centre de la fête reste la place de la Comédie : pas un samedi de printemps où il n'y a pas un groupe qui fait de la musique, qui danse ou qui montre des performances acrobatiques. Au moment des points forts, comme pour le festival catalan "Envie de Catalogne" où les groupes folkloriques forment les fameux "Castells", des pyramides humaines dont la hauteur coupe le souffle au spectateur ou pour les Rencontres Folkloriques, la municipalité installe des tribunes - toutefois, les gens de Montpellier n'ont pas besoin de "points forts" et de tribunes pour être présents.

Sardana sur l'Esplanade à MontpellierEt la promenade à travers la fête continue. Le Montpelliérain qui laisse la Comédie derrière lui pour s'engager dans l'esplanade peut être sûr de tomber sur une autre fête : par exemple sur un festival de la musique des Amériques du Sud ou sur les "Aplecs de Sardana", un concours de la danse catalane qui, avec tous ces gens qui se prennent par la main et dansent en ronde, ne tombera jamais dans l'oubli.

"J'ai longtemps habité dans la Grand'Rue Jean Moulin", raconte une dame d'une quarantaine d'années, "et j'avoue que, à un certain moment, j'en avait marre de toutes ces fêtes à Montpellier. Les week-end, j'avais pratiquement toujours le bruit de la musique et de centaines de voix dans mon salon, et quand je suis sortie, il y avait toujours énormément des gens. Ça fait plaisir aux moments où on a envie de faire la fête. Mais parfois, j'étais pressée, et j'avais du mal à avancer jusqu'au parking."

Toutefois, depuis qu'elle n'habite plus le centre de Montpellier, les choses ont changé. "Entre-temps", continue-t-elle son récit, "la fête des rues me manque, et j'y vais souvent. Je pense parfois à ceux qui habitent toujours le centre, mais les gens ont besoin d'un peu de plaisir..."

Un "peu" de plaisir ? - "Je m'éclate." La jeune fille est rayonnante. Des goûtes de sueur se sont formées sur son front, ses joues sont roses. Pendant presque une heure, elle a dansé la Sardana avec ses amis. - L'équipe de Montpellier Presse Online veut savoir, si la danse folklorique correspond toujours aux idées de son âge. - "Mais bien sûr", répond la jeune danseuse. "La danse folklorique exprime l'amitié - l'amitié entre les peuples et entre ceux qui se tiennent à la main pour danser ensemble. On n'est jamais trop jeune pour l'amitié."

Montpellier photo : les BoutographiesLe soir, la fête continue souvent à l'intérieur. Par exemple avec la remise des prix de la 11ème édition des Rencontres photographiques de Montpellier, les Boutographies, où des photographes de beaucoup de pays se donnent rendez-vous. La première partie, la remise des prix des Boutographies, se déroule dans une ambiance "officielle" - mais dès que commence la deuxième partie, un apéritif dans le jardin de la Maison des Relations internationales, la fête continue : tout le monde bavarde avec tout le monde, les bases de nouvelles amitiés sont mises en place, on parle anglais et français, espagnol, portugais et allemand, et la "tour de Babel" multilingue se transforme en une manifestation de solidarité "typiquement" montpelliéraine.

Certes, il y en a qui se sentent seuls malgré la bonne ambiance des fêtes à Montpellier. Une dame dans la trentaine se tient debout sur l'Esplanade et écoute un concert, entourée de gens joyeux qui chantent, rient et dansent. Elle, par contre, ne parle ou rie avec personne. Elle sourit quand elle est abordée par l'équipe de "Montpellier Presse Online". - "Oui", répond-elle à sa question, "c'est vrai, je me sens un peu seule. Je connais pas grand monde à Montpellier, et si vous ne connaissez personne, la vie est triste." - Est-ce si difficile de se faire des amis à Montpellier ? - Une des femmes qui dansent autour de la dame seule n'est pas de cet avis : "Personne n'a besoin d'être seule. Pas quand il fait si beau." Elle fait un geste vers le ciel d'un bleu immaculé. Puis, elle pose la main sur l'épaule de la dame seule et l'invite à danser avec elle et ses amis...
Photos et texte : copyright Doris Kneller

mardi 3 mai 2011

Tram et bus à Montpellier : la rue Durand en révolte

La qualité de vie au centre ville de Montpellier

Montpellier et la TaMAprès-midi dans la rue Durand. Une voiture s'apprête à la franchir. Un peu étonné, le conducteur freine - la rue est bloquée par une banderole. Mais avant qu'il ait le temps de comprendre, deux habitants de la rue se précipitent pour la soulever. Le conducteur donne un signe de main, leur offrant un sourire de remerciement et, aussi, de solidarité.

La banderole - "Non aux bus dans la rue Durand" - n'exprime pas seulement l'avis ou, plutôt, la détermination des riverains de "bannir" les bus de leur rue : elle les bloque carrément. Car, cette fois-ci, les habitants de la rue Durand ont décidé d'agir. Il est vrai que personne n'est contre les trams. Personne, non plus, n'est contre les travaux pour améliorer le réseau des rues de Montpellier. Et tout le monde est d'accord avec le représentant de l'agglo qui déclare que, si on habite au centre ville, il faut compter sur des bus...

Montpellier, rue DurandMais, justement, on ne peut plus compter sur les bus. Lorsque, aux heures de pointe, les bus bouchonnent dans la rue Durand, personne ne bouge plus entre la gare et les halles Laissac. Les usagers des bus arrivent en retard, les voitures entre les bus sont coincées, et si quelqu'un avait l'idée de livrer une marchandise à un des commerçants de la rue Durand, il ferait mieux se garer loin pour livrer à pied. Parce que se garer dans le quartier, cela est pratiquement devenu impossible.

"Déjà avant les travaux, on tournait parfois pendant une heure avant de trouver une place", se plaint une habitante du quartier. "Mais maintenant, c'est devenu impossible." Déjà, la moitié des places de la rue Durand ont été supprimées pour élargir la rue. "Et le pire : si, par hasard, une des rares places est libre, impossible d'y accéder." Car, la plupart du temps, la rue est pleine de bus. Et si, par hasard, on trouve un moment d'accalmie, on a intérêt à se garer vite : les conducteurs, énervés par le mécontentement de leurs passagers et les embouteillages, s'impatient et "vengent" tout attardement supplémentaire - par exemple provoqué par une voiture qui essaie d'entrer dans une des places beaucoup trop étroites - par un concert assourdissant de klaxons...

association des riverains de la rue Durand...ce qui n'empêche pas certains conducteurs de s'arrêter pour faire des remarques vulgaires sur les "fesses" de jeunes dames qui ont la malchance de se pencher sur leur voiture justement dans la rue Durand (voir micro-trottoir du 23 mars 2010) au moment où un bus arrive.

Bref, cela fait trop longtemps que les habitants de la rue Durand ont l'impression qu'on se moque d'eux. Tristan Moinard, le président de la nouvelle association des riverains de la rue Durand, raconte, à quel point il est impossible pour un habitant concerné de recevoir des informations sérieuses. D'abord, explique-t-il, la TaM ou la mairie ou l'Agglomération - "on ne sait jamais exactement, quel organisme ils représentent" - leur aurait demandé quatre mois de patience. "Au début, ils se sont montrés gentils", explique un autre habitant de la rue, "ils ont regretté les problèmes qu'ils nous causent, mais ils ont dit que ce ne serait que pour quatre mois. Après, ils ont fait passer les bus par la rue Levat. Et maintenant, ils sont de retour chez nous - mais cette fois-ci, comme on nous a communiqué, pour toujours."

Faut-il vraiment "compter sur des bus", si on habite le centre ville de Montpellier ? - "Ne parlons pas des commerçants. Ils ont tous des pertes. Quelques-uns seront obligés de fermer. C'est ça la fameuse 'amélioration de la vie' dont nous parle la mairie ?"

Les bus à MontpellierMais le problème ne concerne pas seulement les commerçants. "J'aimerais bien inviter un de ces Messieurs de passer une seule matinée chez moi", lance une habitante dont l'appartement est situé côté rue. "On ne peut pas ouvrir une fenêtre, tant qu'il y a des gaz d'échappement dans la rue. Et si on ne les ouvre pas, on étouffe, avec le temps qu'il fait - et nous ne sommes même pas encore en été. La puanteur des gaz d'échappement est partout, dans toutes les pièces. On interdit aux gens de fumer, mais on se prend le droit de les enfumer par des gaz d'échappement."

"Le bruit", continue-t-elle, "c'est encore autre chose. Avez-vous jamais été dans une pièce avec vue sur trois ou quatre bus qui bouchonnent devant la fenêtre ? Je vous assure que vous n'essayez même plus de communiquer..."

Les gaz d'échappement, le bruit - "et les enfants", remarque une autre habitante de la rue Durand. "On pourrait dire que, si vous habitez en ville, vous n'avez pas le droit de laisser sortir les enfants tout seuls. Mais jusqu'à maintenant, Montpellier n'était pas une ville 'comme ça'. La mairie est fière que Montpellier soit devenu une métropole - moi je préférerait une ville un peu plus petite où un enfant peut rendre visite aux voisins sans courir le risque d'être écrasé devant la porte."

Les résidents de la rue Durand ne voient qu'une seule solution : plus de bus dans leur petite rue. Mais cela n'implique-t-il pas que les bus doivent passer par une autre petite rue, notamment la rue Levat ? "Non", refuse Tristan Moinard. L'association propose que les bus évitent définitivement le quartier de la gare, un des anciens quartiers de Montpellier qui n'a pas seulement gardé son charme - "avant que les bus l'envahissent" - mais aussi ses rues étroites. Bientôt, la gare serait desservie par quatre lignes de tram - cela serait assez pour le quartier. Les bus pourraient joindre les trams à d'autres stations.

Sans doute une idée qui pourrait être envisagée. Toutefois, les gens du quartier ont appris à se méfier. "L'association de la rue Durand ne restera pas la seule", déclare un des manifestants. "Les habitants de la rue Levat vont se joindre à la lutte et créer une association eux aussi."
Photos et texte : copyright Doris Kneller