lundi 29 novembre 2010

Élan d'Art, l'art contemporain à Montpellier

7ème Salon d'Art Contemporain au Corum de Montpellier : Élan d'Art

Élan d'Art, Salon d'Art Conteporain à MontpellierD'abord, il y avait la candidature. Puis, la sélection. Et un jour, tout à coup, on fait partie des élus... "Non, je ne regrette pas d'être venue", dit Valérie Blanchart qui assiste pour la première fois au Salon d'Art Contemporain de Montpellier Élan d'Art qui, pour la septième fois, se tient au Corum.

Avec ses couleurs vives et brillantes, les tableaux de Valérie Blanchart se voient de loin. Lorsqu'on s'approche, c'est son style qui saute aux yeux : un style typique de la peinture naïve "inventée", il y a quelque 140 ans, par Henri Rousseau dit le "Douanier". Ses tableaux traduisent, tout simplement, la vie. Son style est imaginaire, mais avec l'imaginaire, elle peint la réalité. "Elle ne peint pas des objets d'art abstrait", commente un visiteur, "sa base est la vie réelle."

Élan d'Art à Montpellier : Valérie BlanchartDes tranches de vie - un homme qui promène son seau sur la plage, la pute qui raccole des jeunes dans une voiture, un tirage de loto,... "... des scènes de la ville où je vis." Valérie Blanchart est Parisienne, mais depuis un an, elle habite à Barcelone. "J'aime la ville." Et elle aime aussi l'exposition Élan d'Art : "Une bonne exposition", commente-t-elle, "il y a beaucoup de monde. Et une bonne communication." Reviendrait-elle l'année prochaine ? - Valérie Blanchart sourit. "Si je suis sélectionnée, oui, sûr."

L'art de Sami Adra est plus sérieux. "Le peintre a l'air triste", constate une dame dans la cinquantaine qui regarde les artistes et leurs œuvres. "Ses tableaux aussi", répond celle qui l'accompagne. Les tableaux de Sami Adra portent des titres comme "Des images de crise" ou "Un début à tout", et son style est abstrait. Son art, au contraire de celui de Valérie Blanchart qui exprime la vie dans son état pur, suggère la force - la force du bien et du mal, du réel et du irréel, de l'humain et de l'inhumain.

Salon d'Art Temporaire de Montpellier : Sami AdraPour Sami Adra, c'est déjà la troisième fois qu'il a été choisi comme exposant au Salon d'Art Contemporain de Montpellier. "Une exposition qui se tient", explique-t-il, "qui permet de prendre des contacts."

Pascal Cazaumayou de Valence est du même avis. "L'exposition montre un bon niveau, l'organisation est très sérieuse", dit-il. "Quant aux œuvres, il y en a du tout. L'exposition réussit à exprimer la différence." La différence, cela inclut aussi les œuvres de Cazaumayou, étonnants à première vue, fascinants lorsqu'on les regarde de près. D'abord, on pense qu'il est photographe, ensuite, on s'aperçoit qu'il va beaucoup plus loin...

Le style de ses œuvres est une allusion aux affiches de propagande des années 1970 en Chine. "Je voulais rendre hommage non à une époque politique, mais à un graphisme", explique l'artiste. Il se sert des photos de reportage en noir et blanc, l'actualité de l'époque bannie par lui-même, reporteur à Shanghai, sur du papier photographique argentique. Les photos racontent l'histoire des "gens du fleuve", de ceux qui vivent au bord du Huang Pu Jiang, de leur quotidien, de leurs péniches. Ensuite, dans le style du graphisme chinois, il a "collé l'actualité d'aujourd'hui" sur les photos. Le résultat : des œuvres qui reflètent la vie de jadis, d'aujourd'hui, de demain...

Pascal Cazaumayou au Salon d'Art Contemporain de MontpellierSelon Pascal Cazaumayou, on ne peut pas assez encourager les organisateurs du Salon d'Art Contemporain de Montpellier pour qu'ils recommencent l'année prochaine. Les organisateurs, c'est l'association "Élan d'Art" située au Millénaire à Montpellier. En dehors du Salon qu'ils organisent en collaboration avec la mairie de Montpellier, ils s'occupent surtout des ouvrages et des œuvres rares.

Les artistes ne sont pas les seuls à apprécier le travail des membres de l'association "Élan d'Art". "Cette exposition", s'enthousiasme un Monsieur d'une quarantaine d'années, "est digne d'être montrée à Paris. Cela prouve", continue-t-il fièrement, "que Montpellier n'est pas une 'ville de province' sans importance. Au moins en ce qui concerne son goût de l'art."

"Je me régale", assure aussi une dame dans la trentaine. "Il est rare qu'on ait l'occasion de voir tant d'œuvres excellents dans une seule exposition." Et une dame un peu plus jeune remarque : "J'ai un ami qui est un peintre excellent. Je lui dirai de poser sa candidature pour l'Élan d'Art, l'année prochaine."

D'autres articles sur l'art dans "Les gens de Montpellier" :
Le Corum des Peintres : Montpellier et ses artistes
Art et artistes à Montpellier
Photos et texte : copyright Doris Kneller

mardi 23 novembre 2010

Montpellier, la grève : les trams et la journée de mobilisation

Les Montpelliérains qui ne manifestent pas : micro-trottoir à la Place de la Comédie

Jour d'action à Montpellier"Aujourd'hui, ce n'est pas une journée d'action, mais de mobilisation", explique un membre de la CGT. "Chacun fait ce qu'il veut - une entreprise peut faire la grève ou non, on est absolument libre."

Pour ce mardi de mobilisation, juste 19 réseaux de transports urbains ont donné leur préavis - tandis qu'à la journée d'action du 28 octobre, ils étaient encore 32. Montpellier et ses trams, "spécialistes des grèves", comme l'exprime une dame dans la cinquantaine, font partie des grévistes "infatigables".

"Si j'en ai marre des journées d'action et de mobilisation ?" répète une dame dans la trentaine la question de l'équipe des Gens de Montpellier. "Je vais vous dire quelque chose : j'ai énormément de respect pour les gens qui luttent pour une bonne cause. Mais la Tam à Montpellier, j'y crois plus. Ses employés font la grève quand ils en ont envie, grève nationale ou pas. Franchement, j'en ai marre. Le tram n'est pas une lutte politique, mais un cauchemar."

Manifestation pour les retraites, MontpellierPendant ses micro-trottoirs, l'équipe des Gens de Montpellier a constaté que cette dame n'est pas la seule à se plaindre de l'attitude des Montpelliérains et, particulièrement, des bus et trams face à la lutte intersyndicale. Après avoir interrogé beaucoup de manifestants, elle voulait connaître l'avis des "autres", de ceux qui ne manifestent pas.

28 octobre 2010, place de la Comédie. Une foule de manifestants se pousse autour de la fontaine des trois Grâces. Des gens regardent les défiler, quelques-uns sourient, d'autres hochent la tête. Encore d'autres sont assis sur les terrasses de la Comédie, devant une tasse de café ou un verre de bière, et ils observent la manifestation.

"Pourquoi je ne participe pas ?" répond un jeune homme qui, avec sa copine, boit de la bière. De temps en temps, il pointe sur l'une ou l'autre des manifestants, et les deux éclatent de rire. "Parce que je n'en ai rien à faire. Ceux qui ont du travail peuvent se battre pour leurs retraites, si ça leur plaît. Mais ce n'est pas ma bataille. D'abord, il me faudrait du travail..."

Grève à MontpellierEst-ce vrai qu'en tant de chômeur, on n'est pas concerné des objectifs de la manifestation ? - "Bêtises", répond un homme un peu plus âgé. "On est tous concernés. Je suis chômeur moi aussi." - Et pourquoi est-il au café au moment de la manifestation ? "Parce que c'est trop tard. Sarkozy est le plus fort."

"Cela ne me concerne plus", commente une dame dans la soixantaine. "J'ai ma retraite. Pourquoi voulez-vous que je manifeste ?" - Et la retraite de vos enfants et petits-enfants ? - La dame se retourne. La conversation est close.

"Je ne manifeste pas, parce que ça n'a pas de sens", déclare un Monsieur dans la quarantaine qui, lui aussi, observe la manifestation assis devant un verre de bière. "C'est très joli de se promener l'après-midi en ville. Mais croyez-vous vraiment que ça change quoi que ce soit ? Ceux du gouvernement, ils se moquent de notre promenade et de nos grèves innocentes. Les ministres de Monsieur Sarkozy ne prennent pas le tram."

"Je ne m'intéresse pas à la politique", dit une jeune femme. "J'ai du travail - je suis prof - et j'ai une famille. Tout va bien, alors, n'est-ce pas ?" Et le Monsieur assis à sa table ajoute : "Les manifestations, c'est pour ceux qui n'ont pas envie de travailler."

"Les manifestants me font peur", explique un autre Monsieur d'à peu près cinquante ans. "Il y en a toujours qui cherchent la bagarre. Ils s'en fichent des retraites. Tout ce qu'ils veulent, c'est casser des voitures et lancer des pierres sur les policiers."

"À l'époque", soupire un Monsieur dans la bonne soixantaine, "dans les années 70, j'ai manifesté moi aussi. Mais tout a changé. Nous, on croyait encore à notre cause, on pensait que tout serait possible. Nous avons aussi cru à l'honnêteté des hommes politiques. Nous savions qu'ils n'étaient pas de notre avis. Qu'ils ciblaient d'autres objectifs que nous. Mais au fond, on était persuadés qu'ils ne perdraient pas de vue le 'bien-être du peuple'." Il pousse un rire amer. "Aujourd'hui, on ne croit plus en rien." Et il ajoute, comme s'il s'adressait juste à lui-même : "Et surtout pas dans l'honnêteté de certaines personnes."

"Je suis anglaise", dit une jeune femme avec un accent assez fort. "Ces choses ne me regardent pas." Puis, elle fait une grimace et ajoute : "Et ils font beaucoup de bruit." - "Comment peux-tu dire ça ?" Une autre jeune femme à sa table, également dotée d'un fort accent, se mêle de la conversation. "Même si nous ne sommes pas françaises, ça nous regarde." Elle s'adresse à l'équipe des "Gens de Montpellier" : "Je vis à Montpellier depuis cinq ans. Et je travaille ici. Je suis alors concernée autant que les Français." - Et pourquoi prend-elle un café tandis que les autres manifestent ? - "Je ne sais pas", répond-elle et hausse les épaules. "Vous avez raison, je devrais marcher avec les autres."
Photos et texte : copyright Doris Kneller

lundi 22 novembre 2010

Salle Pétrarque à Montpellier : le principe de l'identité

Journées de Novembre de l'Association pour un judaïsme humaniste et laïque de Montpellier

Association judaïsme humaniste et laïque, MontpellierCeux qui rentrèrent dans la Salle Pétrarque, étaient encore raisonnablement sûrs de ce qu'ils étaient. Une demi heure plus tard, leur identité avait volé en éclats...

"Communautés, peuples, nations. Mythes et réalités de l’identité" était le sujet de la soirée. Salim Mokaddem, qui aborda la question du point de vue philosophique - comme on l’attend d'un professeur de philosophie à l’université de Montpellier - constata que déjà Aristote se servait du principe de l’identité comme un des éléments de sa logique. Selon Mokaddem, il était question d’une identité figée et indubitable. Mais le professeur de philosophie préfère l’idée d'un processus d’identification à celle de l’identité.

Ainsi, le philosophe montpelliérain expliqua que l’enfant ne naît pas avec une identité : il la construit plutôt et cela demande du temps. Dans ce processus qui mène du multiple indifférencié à l’identité, l'humain apprend aussi à reconnaître l’autre. Tout commence par le nom - ce nom qu’on donne aux enfants avant même qu'ils soient en mesure de le prononcer. Or, en nommant les choses l’enfant apprend à les identifier.

L'identité juive : Journées de Novembre à MontpellierMais ce processus ne doit jamais s’arrêter, se figer. Mokaddem rappelle au public un tableau de René Magritte, un peintre belge du dernier siècle, qui affiche le titre ”Ceci n’est pas une pipe”. Le nom n'est pas la "chose", ne doit donc pas être assimilé à elle. ”On rend invisible par le langage une grande partie de la réalité”, déclare Mokaddem. Nommer, ce serait identifier mais aussi occulter ce qu’on ne nomme pas...

Le vrai écrivain, dit le philosophe avec un regard pour sa voisine, l’écrivain Janine Gdalia, sait très bien qu’il est multiple, qu’il parle avec plusieurs voix différentes, qu’il n’existe pas en tant qu'Écrivain en singulier. La vie est une construction d’identifications et de "des-identifications" permanentes, un processus censé ne pas se figer en des identités immuables, "éternelles" - et cela, souligne Mokaddem, est valable aussi pour les identités nationales.

Philippe Martel, spécialiste de l’histoire de l’enseignement de la langue occitane á l'université Paul Valéry, ramena la discussion de la sphère philosophiques à un niveau plus terre à terre. "Comment peut-on être occitan?", était le sujet principal de son intervention.

La République Française a toujours voulu garantir les droits de l’individu dans le cadre de la nation. Or, entre ces deux entités, il n'y a rien. Pas de place pour des communautés ethniques ou nationales, donc, autres que la grande communauté de la Nation, plébiscitée chaque jour par ses membres, explique Martel s'appuyant sur la citation du philosophe Renan.

Cela implique une libération par rapport à l’Ancien Régime, où les individus étaient enfermés dans des régimes juridiques qu'ils n'avaient pas choisis. Mais cela, explique l'historien de Montpellier, mène aussi à une atomisation de la société : à un individu nu et seul face à l’état.

En plus, á coté de l’idéal jacobin, il y a une réalité où les groupes continuent d’exister, mais sans être reconnus ou avoués. Et si tous les Français étaient égaux devant la loi, certains l'étaient moins que d’autres : Martel évoqua les préjugés contre les méridionaux, courants dans la première moitié du XIXème siècle, préjugés que - avec l’Empire Français - ont visé d’autres cibles : les habitants des colonies.

Une autre culture nationale doit être possible, une culture dont tous les composants seraient légitimes, et tout spécialement les différentes langues. Martel : "La diversité religieuse est moins importante - après tout, les langues servent à la communication alors que les religions parlent à quelqu’un qui ne répond que rarement..."

Janine Gdalia, directrice de collection et écrivain, se concentra sur l’identité juive en France. Elle expliqua que les juifs français seraient des séfarades - donc marqués par l’exil (la plupart d’entre eux seraient venus en France après les déclarations d'indépendances du Maroc, de la Tunisie et de l’Algérie) - ou, alternativement, des ashkénazes, des juifs de l'Europe de l'Est, c’est-à-dire des rescapés de la Shoah.

Selon Gdalia, on parle ici d’une identité à couches successives. En tant que juif, on n'est pas tout à fait "d’ici" ni "d’ailleurs" - une ambiguïté qui, toutefois, peut être féconde...

Ainsi, Janine Gdalia indique que le statut du juif laïque implique un problème tout spécial. À la différence du croyant, le juif laïque ne trouve pas son "assise naturelle" dans la religion. Elle pose donc la question si on peut vraiment être juif et laïque...

En réaction à la question de l'équipe des Gens de Montpellier une femme dans la quarantaine se montre très satisfaite du niveau du débat. Elle indique que l’intervention de Salim Mokaddem aurait exigé qu'on se concentre beaucoup, mais que l'effort aurait largement été récompensé par la richesse des idées exposées. "J’ai aussi apprécié l’humour de Philippe Martel", assure-t-elle.

Un Monsieur d'à peu près le même âge regrette la faible assistance : "S’il y avait eu des intervenants plus médiatiques, la presse aurait mieux informé des Journées." Puis, il ajoute : "S'il y avait eu Régis Debray, par exemple, la queue pour rentrer aurait commencé à la Comédie". Et pourtant, commente un Monsieur plus âgé, la qualité du débat n'aurait pas laissé à désirer - "même si les célébrités étaient locales et non pas parisiennes".

La soirée était organisée par l’Association montpelliéraine pour un judaïsme humaniste et laïque dans le cadre de ses "Journées de Novembre", conjointement avec "Coup de Soleil", l'Association culturelle France-Maghreb et l'Association Identités et Partage - Culture Berbère et Citoyenne.
Photos et texte : copyright Jorge Sexer & SudDesign

mardi 16 novembre 2010

Montpellier ZAT : Zones Artistiques Temporaires 2010 à 2020

Première ZAT, Zone Artistique Temporaire, à l'Antigone, Montpellier

Le ZAT Antigone à Montpellier
Les Zones Artistiques Temporaires à Montpellier
La mairie de Montpellier et son maire Hélène Mandroux marquent un point pour l'avenir de leur ville : bien que le terme "temporaire" fait partie du nom de la nouvelle manifestation censée affirmer encore une fois la position de Montpellier parmi les villes où la culture est écrit avec un grand C, les Zones Artistiques Temporaires sont planifiées pour - dix ans.

George Frêche l'a voulu : la première ZAT eut lieu dans son Antigone adoré. Et il aurait été content - aussi contente que Hélène Mandroux qui s'adresse aux lecteurs des Gens de Montpellier lorsqu'elle exprime son émerveillement - bien que ce soit la première Zone Artistique Temporaire, il y aurait déjà tant de monde. "La ZAT est bien accueillie d'emblée", répond-elle à la question de l'équipe des Gens de Montpellier. "Cela prouve que la population de Montpellier est ouverte à l'art."

L'art présenté par les ZAT n'est pas un art enfermé dans les salles ou derrière les caisses d'un musée. Les Zones Artistiques Temporaires occupent les rues - elles appartiennent à ces rues et à ceux qui les fréquentent. Et elles sont là pour être partagées : les danseurs, par exemple, qui dansent sur la Place de Thessalie ne dansent pas seuls. Ils animent le public de danser avec eux, de s'exprimer, de laisser libre cours aux mouvements naturels du corps. D'abord, les gens refusent d'être tirés dans le cercle. Ensuite, toutefois, lorsqu'ils osent se relâcher, un grand sourire envahit leurs visages.

Montpellier : Zones Artistiques Temporaires à l'Antigone
ZAT Montpellier : la fée de l'Antigone
On partage les rues, mais aussi l'air. Il est vrai que l'acrobate de la compagnie "Retouramont" qui semble danser dans l'air n'a pas d'ailes, mais est attachée à un système sophistiqué de cordes. Mais lorsqu'on observe ses mouvements élégants, on a l'impression qu'elle vit dans l'air, comme une sorte de fée de l'Antigone. Mais elle n'est pas la seule à avoir le droit de s'aventurer dans le ciel au-dessus de Montpellier – ceux qui souhaitent ”voler” eux aussi peuvent participer. Et les enfants courageux peuvent monter sur des socles élevés pour voir, comment se "sent" une statue...

"Est-ce de l'art ?" murmure une femme d'une trentaine d'années lorsqu'elle observe des silhouettes emballées dans des bâches de plastique qui, avec de longues bandes blanches, prennent la "mesure" de l'Antigone. Elle ne trouve pas de réponse - comme personne n'a jamais trouvé de réponse à la question éternelle de la nature de l'art. Toujours est-il que les silhouettes en plastique continuent à arborer les rues avec leurs pieds glissés dans des chaussures à haut talon. Soudain, l'une ou l'autre silhouette s'arrête et s'allonge par terre. Elle réfléchit dans l'ombre de l'Antigone. Elle réfléchit sur le destin du monde et sur ce que, lorsqu'elle se relèvera, elle inscrira sur une des longues bandes blanches destinées à révéler la longueur de l'Antigone...

Toutefois, pas tout le monde est censé profiter des spectacles - au moins pas du loin : plusieurs artistes s'expriment brutalement contre les photos. Le clown sur la Place de Thessalie, par exemple, bouscule les photographes qui ne sont pas plus forts que lui, et d'autres artistes se retournent ou cessent leur performance dès qu'ils aperçoivent un appareil photo. Cela, pourtant, ne les empêche pas de bien se tenir devant la caméra vidéo de la ville de Montpellier - pour que le spectacle dure, les diverses scènes qui se déroulent à la ZAT de l'Antigone sont filmées et chargées sur le site de la mairie.

Il va de soi qu’à Montpellier, l’art ne reste par isolé. Tout est lié, l’art au gens de la rue, les gens à la culture et la culture à la technique. Et qui dit technique à Montpellier dit tram. Tout comme le tram déambule au long des rues de Montpellier, les ZAT déambuleront avec lui - ce n’est pas pour rien que les trams eux-mêmes sont des œuvres d’art… Christian Lacroix oblige. Ainsi, les prochaines ZAT se développeront au long du trajet des trams - d’abord, elles suivront la ligne 1, plus tard la 2, la 3, un jour la 4…

Hélène Mandroux à la ZAT, Montpellier
Hélène Mandroux illumine la Place du Nombre d'Or
Mais le grand public montpelliérain n’est pas le seul à profiter des Zones Artistiques Temporaires - aussi les commerçants sont contents. La restauration autour de la ZAT va bien, et on peut même se régaler sur place avec la bonne soupe chaude. "Il y a", commente un étudiant qui, quelques jours auparavant, participa à l'AG Interpro sous les arbres du Peyrou et dégusta la soupe excellente de Benoît, "une différence énorme entre la soupe culturelle et la soupe populaire : la première coûte trois euros, la deuxième est faite avec amour."

Toute critique disparaît au moment où la nuit tombe, et Hélène Mandroux, avec l’aide des enfants autour d’elle, allume la première bougie. Et peu après, la fontaine de la Place du Nombre d’Or se transforme dans un lac enchanté. La lueur de milliers de flammes de bougies fait rayonner les maisons de l'Antigone et les visages des Montpelliérains. Quelques-uns se mettent à danser. Une autre nuit montpelliéraine vient de commencer.
Photos et texte : copyright Doris Kneller

mardi 9 novembre 2010

Montpellier : les Montpelliérains manifestent toujours

Huitième manifestation contre la réforme du système des retraites : toujours des manifestants dans les rues de Montpellier

A Montpellier, les manifestations continuentMontpellier, rue de Maguelone. Une voiture bloquée par le cortège des manifestants attend la fin de la manifestation. Au volant, un jeune Maghrébin.

Soudain, un manifestant aux lunettes noires se jette sur la voiture, la martèle à coups de pied et fait mine de vouloir s'attaquer à son conducteur. Immédiatement, il est entouré par une dizaine de manifestants qui l'éloignent par force. "Tout est de leur faute", crie l'homme aux lunettes noires, parlant des Maghrébins. "C'est à cause d'eux que je dois bosser jusqu'à 70 ans." et : "Arabes dehors !"

Il n'a rien compris", commente un des manifestants dans son entourage. "Non, c'est un agitateur", le corrige un autre, et un troisième avance : "...payé par le gouvernement." Les autres ne disent rien, mais beaucoup ont l'air dégoûtés. Quelques minutes plus tard, l'homme aux lunettes noires quitte le milieu du cortège et, arrivé à la place de la Comédie, il abandonne la manifestation par le Boulevard Victor Hugo...

Montpellier : la lutte pour les retraitesSur la Comédie, l'ambiance change. Placée sur les marches de l'opéra-comédie, une chorale accueille les manifestants avec un pot-pourri de chansons internationales de lutte ouvrière. Sylvain, visiblement un pro de la musique, la dirige et incite le public à participer. Son visage rayonne, et on voit que les choristes ne chantent pas seulement avec passion, mais aussi avec plaisir. Les mines des manifestants qui, il y a cinq minutes, étaient impliqués dans la manœuvre raciste de l'agitateur, s'éclaircissent. "Cela redonne de l'espoir", entend-on dans le public, et : "Rien n'est perdu." Finalement, après un "On n'est pas fatigués !" scandé tous ensemble, la plupart des gens continuent la manifestation en direction du Peyrou, et il est visible qu'ils ont retrouvé leur élan.

"Je voulais juste rappeler aux manifestants que personne n'est seul dans la lutte", explique Sylvain, directeur du "Chœur de Lutte", et il ajoute que sa chorale, malgré sa qualité musicale, n'aurait rien de professionnel. "J'ai juste distribué des textes, et ceux qui en avaient envie sont venus chanter."

"Oui, vous avez raison", réagit une dame dans la trentaine à la remarque de l'équipe des Gens de Montpellier, "nous ne sommes peut-être plus que quelque dix mille à manifester. Mais dix mille personnes décidées à ne pas renoncer, ça compte." Et un homme un peu plus âgé ajoute : "Ce n'est pas la quantité qui compte, mais la qualité."

Le choeur de lutte à MontpellierUn monsieur dans la quarantaine n'est pas de leur avis. "C'est la dernière manifestation", juge-t-il, "le mouvement est à sa fin." Il n'est pas le seul à considérer la cause des retraites comme perdue. Toutefois : "Le fait que la loi est votée ne signifie pas qu'elle est définitive", lui contredit une étudiante. "Nous continuons à nous battre." Une autre étudiante est d'accord  "Ça fait longtemps que les retraites ne sont plus la seule raison pour descendre dans la rue. C'est plutôt le ras-le-bol général. Nous en avons marre d'un gouvernement qui agit contre la volonté du peuple."

Une question qui surgit souvent dans les rangs des manifestants est celle de l'avenir. "Que le mouvement va-t-il devenir ? ou "Qu'est-ce qu'on va faire ? Continuer à manifester une ou deux fois par semaines ?" ou, tout simplement, "Le mouvement est-il à sa fin ?

Cette question sur l'avenir du mouvement était aussi au cœur d'une réunion de l'AG Interpro qui eut lieu au Peyrou, après la fin de la manifestation. Une première préoccupation était le refus de la mairie - "qui, toutefois, est pour les manifestations", comme dirent les participants à la soirée - de leur accorder une salle. Mais, finalement, tout le monde était positif que, la prochaine fois, ils n'auraient plus besoin de se réunir "dans le froid."

Montpellier et les manifestations : la soupe du peupleCe froid était atténué par l'idée conviviale de Benoît de faire la soupe aux légumes pour tout le monde. Une initiative personnelle ou une intervention payée, par exemple, par les syndicats ? "J'avais envie de le faire, tout simplement", déclare Benoît avec un petit sourire timide. Puis, il dit à un ami qu'il aimerait inviter tout le monde et le faire savoir par haut-parleur. Mais il ne l'ose pas.

Qui est ce jeune homme, voulait savoir l'équipe des Gens de Montpellier, qui si gentiment achète des légumes, qui les fait cuire dans une grande casserole aux jardins du Peyrou, qui amène des bols et des couverts pour tout le monde... ? "Disons", répond Benoît, "que c'est juste un homme qui a envie que les gens mangent ensemble et en profitent pour discuter des sujets qui, en ce moment, sont importants pour tout le monde."

De toute manière, l'AG Interpro ne s'est pas séparée sans au moins une idée qui vaut la peine d'être soumise à des décideurs nationaux : organiser une manifestation immense à Paris. Une manifestation qui bloquerait la ville entière et qui ferait comprendre au gouvernement qu'il y en a beaucoup en France qui ne sont plus d'accord.

"Si tout le monde va à Paris", doute un des participants à la réunion, "ils vont croire qu'on abandonne le mouvement en province." - "Mais non", interviennent des autres, "on apparaîtra massivement à Paris pour, ensuite, reprendre la lutte dans les petites villes." - "Manifestation à Paris ou non", déclare une étudiante, "nous pouvons pas continuer comme ça. Tout le monde n'a pas le temps de manifester si souvent et, en plus, ceux qui ont le pouvoir ne s'en préoccupent pas. Si on ne fait pas quelque chose de plus massif, de 'visible', on peut aussi bien arrêter le mouvement. Mais ça", ajoute-t-elle, "est hors question."

"Quoi qu'on fasse", commente un homme dans la soixantaine, "le dernier mot n'est pas prononcé. Le peuple est lancé, on va voir ce qu'on va voir."
Photos et texte : copyright Doris Kneller

vendredi 5 novembre 2010

Montpellier science et culture : Agora des Savoirs est de retour

Le nouveau cycle d'Agora des Savoirs à Montpellier : Les idéaux de la connaissance

L'Agora des Savoirs au Centre Rabelais, MontpellierÀ 19.30 heures, la salle commença sérieusement à se remplir. À 20 heures, toutes les places furent prises. Et lorsque, à 21.30 heures, Régis Penalva de la librairie Sauramps introduisit la première conférence du nouveau cycle de l'Agora des Savoirs, le centre Rabelais était "plein à craquer" : des gens sur les marches, d'autres debout... Mais personne ne se plaignit. Car tout le monde avait un objectif commun : écouter la conférence de Sylviane Agacinski tant attendue par les amateurs de l'Agora des Savoirs.

L'Agora des Savoirs, une série de conférences à Montpellier qui, déjà l'année dernière, avait un succès énorme, c'est de la "science pure". Mais une science à la portée de tout ceux qui sont curieux de connaître les forces qui animent le monde, le vivant, les esprits - et l'homme. Cette science est offerte aux Montpelliérains par leur mairie - comme l'année dernière, Hélène Mandroux, maire de Montpellier, assista à la première conférence - en collaboration avec la librairie Sauramps.

Sylviane Agacinski à MontpellierLa première conférence de la nouvelle session fut baptisée la "leçon inaugurale" et traita de "l'inestimable" - une leçon sur les idéaux de la connaissance et la question, en quoi les savants peuvent-ils encore croire. L'idée de "l'inestimable" présentée par Sylviane Agacinski, professeur de philosophie, tourna autour des valeurs. La philosophe partit du principe qu'une civilisation ne peut que reposer sur des valeurs inestimables - des valeurs qui n'ont pas de prix.

"Si j'ai déjà assisté à une autre conférence de l'Agora des Savoirs ?" répète une dame dans la cinquantaine la question posée par l'équipe des Gens de Montpellier. Elle sourit. "Oh oui, on peut le dire comme ça. Depuis que l'Agora existe, je n'ai pas raté une seule conférence."

La dame n'est pas la seule. Pour 70 pour cent des personnes interrogées par les "Gens de Montpellier" à la sortie du centre Rabelais, la conférence de Sylviane Agacinski n'était pas la première dans le cadre de l'Agora des Savoirs. Et plusieurs personnes ont assuré qu'elles auraient assisté à toutes les manifestations Agora des Savoirs précédentes.

Agora des Savoirs au Centre Rabelais de MontpellierEst-ce alors la science elle-même ou le concept des conférences de l'Agora des Savoirs qui attire les Montpelliérains au point de remplir systématiquement non seulement les 400 places de la salle de projection du centre Rabelais, mais aussi ses marches et la salle de réunion ? Sont-ils vraiment si amoureux de la science qu'il n'hésitent pas à venir une heure avant le début des conférences, à être assis inconfortablement sur les marches de la salle ou, même, à rester débout pendant plus de deux heures ?

"Je ne pouvais pas venir plus tôt", explique une dame dans la quarantaine qui avait trouvé un coin sur les marches de la salle. "Mais je voulais absolument assister à la conférence. Oui," poursuit-elle après une nouvelle question, "je serais même restée debout." Puis, elle réfléchit. "Ce que je trouve si bien... déjà, les sujets sont très bien choisis. Prenez le sujet d'aujourd'hui, les valeurs de la société. Je trouve que c'est très actuel. On dit tout le temps que les jeunes n'auraient plus de valeurs. Tout le monde parle de l'argent. On ne pense qu'à soi-même."

Les Montpelliérains qui fréquentent le centre Rabelais les soirées de l'Agora des Savoirs sont-ils tous des adeptes de la science ? - "Non," répond un Monsieur dans la trentaine, "je ne m'intéresse pas vraiment à la science. Ou, plutôt, je ne m'y suis pas intéressé avant l'Agora des Savoirs. C'est ici que j'ai pris goût." - Depuis qu'il fréquente les soirées organisées par la mairie de Montpellier et la librairie Sauramps consacre-t-il du temps à la science aussi en dehors des conférences ? - "Oui, un peu. L'année dernière, je me suis acheté deux livres écrits par des intervenants. Je les trouvais très intéressants." - Sans l'Agora des Savoirs aurait-il eu l'idée d'acheter des livres scientifiques ? "Pas vraiment. Je n'aurais pas su que ces auteurs existent et je n'aurais pas eu l'idée de m'intéresser à leurs livres."

"Je trouve fantastique que je comprends tout ce qu'ils disent", commente une dame d'une quarantaine d'années. "Ou presque. J'ai toujours pensé que je ne serais pas capable de comprendre la science. L'Agora m'a prouvé le contraire. Maintenant, je ne peux plus me priver de ces soirées, je suis devenue 'accro'." Elle rit. "Elles ont éveillé ma curiosité. Oui", ajoute-t-elle, "je suis contente qu'un nouveau cycle a commencé."

Toutefois, il est clair que l'unanimité ne règne nulle part. "Oui, ça m'a plu", répond un jeune homme un peu hésitant. "C'est-à-dire que le thème était intéressant. Mais la conférence était trop superficielle. Elle n'a pas vraiment traité le thème, pas suffisamment" - Est-ce la première fois qu'il assiste à une soirée Agora des Savoirs ? "Oui, on m'en a beaucoup parlé, mais je suis un peu déçu." - Reviendra-t-il quand même ? "Probablement oui. Pour voir si j'apprécie plus les autres conférences."

Une dame dans la trentaine réagit à une des réponses que Sylviane Agacinski a données en réaction aux questions du public. "Ce qu'elle a dit sur le droit des femmes de décider sur leur corps, je suis bien d'accord. Mais c'est un discours que j'ai entendu tant de fois, de la part de mes amies féministes, que je ne le trouve plus très original."

Et la semaine prochaine ? La salle sera-t-elle de nouveau si comble ? "Mercredi prochain", se rappelle un homme dans la quarantaine, "on parlera du mythe de la science. Je viendrai, c'est sûr. La conférence sera certainement très intéressante." - Presque tous les Montpelliérains interrogés par l'équipe des Gens de Montpellier sont du même avis : "Oui, je reviendrai la prochaine fois." - sauf une jeune dame : "Mercredi prochain j'aurais malheureusement un empêchement. Mais j'assisterai à la conférence de la semaine suivante."

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Photos et texte : copyright Doris Kneller