Pour faire pression, les délégués syndicaux de la TaM à Montpellier choisissent la sécurité
« La TaM », dit une dame dans la quarantaine, « est une
sorte de dieu. Elle décide librement sur la longueur des minutes - pour la TaM »,
ajoute-t-elle d’une voix de plus en plus ironique, « une minute du
Seigneur est comme mille ans... » - La dame est visiblement en colère.
Mais elle n’est pas la seule.
« Je suis arrivée à l’arrêt à exactement 8 heures et 30 minutes »,
enchaine une autre dame d’une dizaine d’années plus jeune que la précédente et
énormément nerveuse. « Un tram était annoncé dans trois minutes. J’étais
donc contente, sachant que j’étais largement à l’heure pour mon rendez-vous.
Mais je me suis trompée : dix minutes plus tard, le tram était toujours
annoncé ‘dans trois minutes’ et est arrivé, finalement, après une attente de
presque vingt minutes. Trop tard pour mon rendez-vous. »
Automatiquement, la question circule : Pourquoi, depuis quelques
semaines, les trams ont tant de retard ? « Des problèmes techniques,
les rames se font vieilles », réfléchissent les uns. « Manque de
personnel, on n’a pas assez de conducteurs », inventent les autres. Encore
d’autres pensent à une grève, mais une grève qui s’étalent sur plusieurs semaines
et s’exprime en forme « d’éternels retards » ?
Finalement, personne parmi les Montpelliérains qui, fâchés, en colère,
désespérés à cause d’un rendez-vous ou tout simplement dégoutés, attendent les
trams ne sait, pour quelle raison ils souffrent tant des retards de leur unique
transport en commun. Sont-ils otages, victimes, solidaires ou juste confrontés avec des
pannes techniques permanentes ?
L’équipe de Montpellier Presse
Online voulait en savoir plus. Après une longue
recherche - le site Internet de la TaM n’affiche pas de numéro de téléphone -
et plusieurs jours d’attente où « elle », une responsable qui avait « promis »
de rappeler, n’a jamais donné signe, elle a finalement pu joindre une dame porte-parole
du service de communication. Et la solution de l’énigme était simple et claire :
la TaM n’y est pour rien, tout est la faute de la CGT, le syndicat impliqué
dans les négociations sur le salaire de ses employés. La TaM regrette, mais si
les usagers des trams ont des problèmes, qu’ils aillent se plaindre à la
CGT…
Entamer la discussion avec la CGT s’est avéré beaucoup plus facile :
un seul appel et immédiatement, Michel Carrère, délégué syndical et conducteur
de tram depuis vingt ans, a été prêt à donner des informations. Oui, on « pourrait
dire » que le retard viendrait de la CGT - « d’une certaine manière ».
Et oui, il est aussi vrai qu’il est question de salaires. Ces salaires sont un sujet
de dispute depuis des années, mais à un moment donnée, quand Jean-Pierre Moure,
candidat aux dernières municipales à Montpellier, était président de la TaM, on
aurait plus ou moins réussi à résoudre les problèmes.
Puis, le maire actuel, Philippe Saurel, est devenu candidat à la mairie.
Il aurait promis de dialoguer sur la question des salaires… jusqu’au moment de
son élection. « Maintenant, on est muselés, on ne nous laisse plus parler
comme il y a quelques années. » Tout ce qui reste aux employés de la TaM,
c’est la pression.
Mais pourquoi faire pression sur les usagers du tram, otages de personnes
qui ont la chance d’avoir un travail régulier et qui gagnent même plus
que le SMIG ? Déjà, l’enjeu est
flagrant : une étude comparative a montré que le salaire des conducteurs
et contrôleurs du tram à Montpellier est en moyenne 200 € en dessous de celui
de leurs collègues des autres réseaux en France. Puis, les délégués syndicaux
ne sont pas élus pour demander aux employés de faire « n’importe quoi » :
entamer des actions, oui, mais mettre en danger des emplois, certainement non.
La réponse au refus de Saurel d’accepter le dialogue, selon Michel
Carrère, est tout simplement un travail impeccable : suivre à la lettre
les règles de sécurité qu’on a apprise pendant sa formation et refuser d’être
tout le temps stressé par le temps.
Cela signifie-t-il qu’un tram serait forcément en retard si un conducteur
observe les règles de sécurité ? Il semble que oui.
Michel Carrère prend l’exemple du tram ligne 1. Le temps moyen calculé -
et utilisé pour établir les horaires - pour un trajet de cette ligne est de 47
minutes… sous condition qu’il n’y ait aucun « grain de sable » dans
la mécanique. « Les trams sont comme un carrousel », ils se suivent,
se poussent et aucun ne peut sortir du système. Si un conducteur doit s’arrêter
un peu plus longtemps que prévu pour aller aux toilettes, si un usager bloque une
porte pour que des personnes en retard puissent attraper le tram, si un
véhicule bloque une rame, si une personne se promène sur les raies… déjà, les
47 minutes sont mises en question. Et tout le système des trams qui se suivent
est concerné.
Seule solution, alors, pour rattraper le temps perdu : conduire trop
vite et, par conséquent, prendre des risques. Ou être « impoli », c'est-à-dire
refuser d’aider des passagers qui courent pour éviter une attente d’une
demi-heure, la nuit, lorsqu’il fait froid. Même l’attente de quelques secondes
pour être agréable à un usager, explique Michel Carrère, peut se cumuler de la
manière que l’horaire n’est plus suivi - sans enfreindre les règles de la
sécurité.
Service sécurisé comme moyen de lutte sociale ? Personne n’est certain que les responsables se sentent touchés. En attendant ? Quoi dire à une
vieille dame qui se plaint que, à cause du retard du tram, elle arrive trop tard
à son rendez-vous médical ? - « Qu’elle demande à la direction
de la TaM d'adapter les horaires aux règles de la sécurité. »
Photos et texte : copyright Doris Kneller