samedi 30 octobre 2010

Montpellier soutient Stéphane Taponier et Hervé Ghesquière

Montpellier, place de la Comédie : "304 ballons pour nos amis."

Stéphane Taponier et Hervé Ghesquière"Surtout, il ne faut pas les oublier." Lorsque Nacera parle de ses amis Stéphane Taponier et Hervé Ghesquière, sa voix est triste. Mais elle n'est pas prête à désespérer. "Pour le moment, nous ne savons pas quand ils vont rentrer", explique-t-elle. "Nous avons donc besoin que les gens se mobilisent."

Nacera fait partie du Comité de soutien à Hervé et Stéphane. Ce comité n'a rien d'un "organisme officiel". "Nous sommes juste des amis qui veulent que Stéphane et Hervé rentrent sains et saufs."

Cela fait une dizaine d'années que la jeune femme connaît Stéphane Taponier dont la famille vit à Montpellier. "J'ai fait un stage à l'époque, et Stéphane m'a hébergée. Ensuite, nous sommes devenus des amis très proches." Elle n'a jamais rencontré Hervé Ghesquière, mais elle est persuadée que, bientôt, lui aussi sera son ami. "Je ferai sa connaissance lorsqu'ils rentreront." Et qu'ils rentrent, ceci ne fait aucun doute pour elle.

Comité de soutien, Montpellier
Deux ballons pour deux amis
Le jour où la ville de Montpellier a lancé 304 ballons bleus, chaque ballon un symbole pour une journée de captivité, il était question de rappeler aux Montpelliérains qu'on pense toujours à leurs amis. "La mairie de Montpellier était la première en France à afficher leurs portraits", informe Nacera. Pendant les premiers trois mois, personne n'avait le droit de publier les noms des deux otages - "mais dès que possible, Montpellier a fait connaître leurs noms."

Le pire, disent d'autres amis de Stéphane Taponier et d'Hervé Ghesquière, est que personne ne sait ce qui s'est vraiment passé. Les deux journalistes étaient en reportage en Afghanistan, accompagnés par trois Afghans, pour le magazine "Pièces à conviction" de France 3. Le 29 décembre 2009, ils ont été enlevés par un groupe taliban armé. La revendication : la libération de prisonniers talibans contre celle des deux Français et de leurs accompagnateurs.

Un Monsieur dans la cinquantaine s'adresse aux gens autour de lui. "Des reporteurs pour 'Pièce à conviction', ça laisse réfléchir. Qui nous dit qu'ils n'ont pas découvert quelque chose que les gouvernements préfèrent cacher ? On sait qu'il y a des militaires français en Afghanistan, et on sait qu'on ne nous révèle pas le vrai nombre de morts. Et, en fait, que fait Sarkozy pour la libération des otages ?" Personne ne lui répond.

Montpellier, Stéphane Taponier et Hervé GhesquièreEn attendant, le "Comité de soutien à Hervé et Stéphane" ne peut qu'espérer. "À Montpellier, nous sommes une trentaine d'amis qui continuent à se rencontrer pour parler des deux." On se raconte des scènes que l'on ou l'autre a vécu avec les journalistes, on échange des souvenirs, les amis de Stéphane Taponier parlent de lui aux autres, et ceux d'Hervé Ghesquière le présentent à ceux qui ne le connaissent pas encore. "On m'a tant parlé d'Hervé", dit Nacera, "que j'ai l'impression de l'avoir rencontré il y a longtemps."

"Attendre, c'est difficile", constatent les membres du comité dont aussi Thierry Taponier, le frère de Stéphane, fait partie. Mais tant qu'ils ne sont pas seuls, l'attente est un peu moins lourde. Et à Montpellier, ils sont bien entourés. "À Paris, on fait aussi des action et à Lille..." Lors du lâcher des ballons le 304ème jour de la captivité des deux journalistes, non seulement le maire de Montpellier, Hélène Mandroux, les a assuré de son soutien. Il y avait aussi le président de la chambre de commerce, le club de la presse, les "journalistes sans frontières", l'ordre des avocats... "Ils vont les libérer !", murmure une femme pendant que ses yeux suivent les ballons, et on comprend qu'elle parle à une personne qui est loin d'elle. Ensuite, elle se penche sur un petit garçon : "Regarde les ballons, ne sont-ils pas beaux ?
Photos et texte : copyright Doris Kneller

lundi 25 octobre 2010

George Frêche, le Montpelliérain éternel ?

"Montpellier est devenu orphelin" - Micro-trottoir

George frêche et la région de MontpellierIl y en a qui l'ont comparé avec dieu ou le diable. On l'a appelé le visionnaire et le bâtisseur. Pour d'autres, il était l'ennemi. Maintenant, George Frêche est tout simplement mort. Le 24 octobre, 18.15 heures, restera un moment imprégné dans la mémoire de Montpellier et des Montpelliérains.

"Je ne peux pas le croire," dit une femme dans la cinquantaine qui attend le tram à la gare de Montpellier. "Non, je ne l'ai pas aimé, mais, je ne sais pas comment l'exprimer. Je dirais qu'il m'a toujours semblé... immortel."

Immortel ? Toujours est-il que tous les Montpelliérains interrogés par l'équipe des Gens de Montpellier savent qui est George Frêche. Sans exception. Quelque quarante pour cent sont informés de son décès, ce lundi matin, et ceux qui l'apprennent le prennent pour une blague.

Montpellier et George Frêche"Avez-vous une caméra cachée ?" s'inquiète une dame dans la trentaine, "c'est une blague, n'est-ce pas ?" Un Monsieur d'à peu près le même âge se fâche. "Vous vous moquez de moi. George Frêche n'est pas mort." Et une dame un peu plus âgée : "Non, je ne peux pas le croire."

Est-ce possible de "le" croire ? "Montpellier est devenu orphelin". La dame dans la soixantaine est au bord des larmes. - Mais il y a toujours Hélène Mandroux, maire de Montpellier. - "Le maire ?" La dame hésite. "Bien sûr, elle est un bon maire. Mais c'est pas pareil." Et elle ajoute. "Il a plu toute la journée, hier. Même le ciel a pleuré sa mort." Elle lève les yeux pour regarder le ciel qui, ce matin, est d'un bleu clair immaculé. "C'est ce qu'il aurait voulu. Le soleil sur Montpellier."

George Frêche et l'Antigone de MontpellierQui était ce George Frêche à la mort duquel il est si difficile à croire ? "Un visionnaire", dit un Monsieur dans la quarantaine. "Un génie. C'est au moins ce que j'ai lu ce matin sur Internet. Pour moi, il était un homme énormément intelligent qui avait tellement envie du pouvoir qu'il en a perdu la tête." - "L'homme qui a fait de Montpellier ce qu'il est aujourd'hui", déclare une jeune femme. "C'est grâce à lui que Montpellier est devenu une ville internationale où on fait la fête tous les jours."

"Sans lui", explique une dame dans la cinquantaine, "Montpellier serait un village quelque part au Sud. La population aurait en moyenne soixante ans. Au plan culturel, on aurait notre ancien opéra, peut-être une salle de théâtre quelque part. Mais des lieux comme le Corum, l'Antigone, le Polygone ou même l'Odysseum, on n'en pourrait que rêver."

"George Frêche ?", réagit une autre dame d'à peu près le même âge. "Mort ? Vous êtes sérieux ?" Elle baisse la tête, puis ses yeux se fixent sur les maisons en face de l'arrêt du tram, sans les voir. "Pourquoi vous dites ça ? Il n'est pas mort, n'est-ce pas ? Je veux dire, vraiment mort."

Un Monsieur lui aussi dans la cinquantaine est déjà au courant. "Tout le monde a dit du mal de lui", constate-t-il. "Maintenant, où il est mort, ils ne diront que du bien. C'est comme ça." Et la dame à ses côtés ajoute : "Il a peut-être dit des choses qu'il ne fallait pas prononcer. Mais il était le seul qui avait le courage de le faire. Il a dit toutes ces choses que nous n'avons pas osé dire."

"Il était la voix du peuple", confirme une autre dame un peu plus jeune. "Tout le monde pense qu'il y a trop d'étrangers dans l'équipe de France. Mais on n'a pas le droit de le dire. Lui, George Frêche, il s'est pris le droit. Maintenant, on n'aura plus personne pour dire ce que nous pensons."

Un jeune homme qui est déjà informé du décès de George Frêche réagit d'un air rêveur. "Georgie, oui, il nous a quitté", dit-il. Puis il sourit légèrement. "Nous, c'est-à-dire mes amis et moi, on l'a toujours appelé Georgie. Il a fait semblant d'appartenir au peuple, fallait lui donner un nom en conséquence. Oui, il est mort. Hier soir. Une grande perte pour Montpellier. Politiquement, j'étais toujours contre lui. Mais il est vrai que c'était un grand homme. Des politiciens comme lui, ça n'existe plus."

"C'est l'homme qui a construit Montpellier", dit une étudiante avec un fort accent anglais. "Non, tu te trompes", intervient sa copine qui, elle aussi, étudie la langue française à Montpellier. "Il était maire de Montpellier et il a fait beaucoup pour sa ville. Montpellier", elle sourit, "a déjà existé avant lui."

"Et le tram ?" La dame dans la quarantaine se fait des soucis. "Sans George Frêche, la ligne trois ne sera pas construite. Ou pas immédiatement. Sans lui, les travaux traîneront éternellement."

"George Frêche ?" reprend un Monsieur du même âge. "Tiens, il est mort ? Je ne savais pas qu'il était encore en vie." Il hausse les épaules. "Non, sans blague. C'est triste qu'on ne puisse plus compter sur ses bouffonneries qui ont fâché tout le monde. Il faisait le clown, mais en vérité, il savait toujours ce qu'il voulait. Pour ceux qui l'ont considéré comme ennemi, il était un ennemi digne."

"Ce qu'il a fait va rester", explique un Monsieur un peu plus âgé. "On pensera à lui tant que Montpellier reste debout. Sa dernière œuvre était les statues à l'Odysseum. La statue de Lénine. Et les autres quatre. Maintenant, nous n'avons qu'à ériger une sixième statue. Celle de George Frêche. Il l'aurait bien mérité."
Photos et texte : copyright Doris Kneller

vendredi 22 octobre 2010

La Cicrane à Montpellier : Michel Saillard et son théâtre comique

Laura Charpentier, Juliette Phillips, Caroline Réali et les "Chiennes de Vies"

Chiennes de Vies, théatre La Cicrane à MontpellierCeux qui se rappellent ont l'impression de revivre l'été 1979 où, découverts par Stéphane Collaro, Pit et Rik ont pris pour une saison la place de... Coluche lui-même. Stéphane Collaro, acteur, réalisateur, humoriste, journaliste et animateur de télévision, était le premier à voir leur talent. Plus tard, le public n'avait besoin de personne pour s'en rendre compte lui-même.

Plus tard, ce fut les années 80, avec "Cocoboy", "Cocoricocoboy" et, bien sûr, "La cicrane et la froumi". Mais ceux qui sont trop jeune pour se rappeler n'ont pas besoin de référence "historique". Pour eux, c'est aujourd'hui, en plein Écusson à Montpellier, qu'il découvrent ce qui est un "véritable" théâtre comique.

Café-théâtre la Cicrane à MontpellierMême si la "froumi" est partie, la "cicrane" chante encore. Ou, plutôt, elle fait toujours rire le public, en forme d'un petit théâtre à Montpellier créé, en 1993, par Pit et Rik, alias Frédéric Bodson et Michel Saillard. Pit, Frédérik Bodson, n'est pas resté longtemps à Montpellier - il avait envie de retrouver la capitale et le cinéma, mais Michel Saillard y est toujours. Et il écrit toujours des scénarios qui rendent la vie plus agréable...

Parlons de la vie - au fond, les scénarios de Michel Saillard qu'on peut voir dans son théâtre comique "La Cicrane", ne sont pas si amusants que cela. Ses sujets, c'est la vie de tous les jours. Le stress du travail, les contacts avec les collègues, les petites misères de la vie quotidienne. Des problèmes que tout le monde connaît et qui, finalement, personne ne peut résoudre. Et pourtant, le public pleure de rire.

Michel Saillard a le talent de fait rire son public sur des sujets qui, normalement, le tracassent. Il utilise le rire comme un bâton magique : en riant, les gens comprennent que, finalement, la vie est trop belle pour se faire abattre par la méchanceté d'une collègue, par le mauvais humeur de son chef, par un jour de pluie ou, tout simplement, par la solitude. Ses pièces plantent dans les idées de leurs spectateurs la pensée que, en réalité, tout problème peut être résolu. Qu'il y a toujours quelqu'un qui est prêt à aider. Et que personne n'est vraiment seul, tant qu'il est prêt à s'ouvrir... autrement dit, Michel Saillard parle du "vivre ensemble".

Michel Saillard et le théâtre à MontpellierToutefois, pendant que les gens regardent les pièces du petit théâtre comique la Cicrane, il n'y a pas beaucoup de place dans leurs pensées pour philosopher sur la vie et le "vivre ensemble". Il n'y a de place que pour le rire et la fascination du jeu de ses comédiens. Dans la pièce Chiennes de Vies actuellement à l'affiche, Laura Charpentier, Juliette Phillips et Caroline Réali sont entièrement absorbées dans leurs rôles de filles qui veulent se venger d'un patron "macho". Le spectateur a l'impression que les trois actrices elles-mêmes sont concernées par les misères qu'il fait à ses employées. Les gestes, les expressions du corps ou du visage, leur manière de parler, tout semble authentique.

Mais la force du scénario n'est pas seulement dans ce qu'on voit sur scène, mais aussi dans ce qu'il suggère. Ainsi, on ne voit jamais le "méchant", mais on le "sent" tout le temps, d'abord comme un chef abominable, plus tard comme un homme peut-être pas si méchant que cela... La pièce rend le public capable de détester et d'aimer un homme qu'il ne rencontre jamais.

Celui qui ne le sait pas n'aurait jamais l'idée que Laura Charpentier, Juliette Phillips ou Caroline Réali pourraient être des actrices débutantes qui n'ont pas encore accumulé des expériences sur les grandes scènes. Elles sortent juste de leur formation - une formation qui a eu lieu à l'endroit même où, avec un tel naturel, elles jouent dans "Chiennes de Vies". Car former des acteurs est une des missions essentielles de Michel Saillard et sa "Cicrane". C'est pour eux qu'il écrit ses pièces de théâtre, et ce n'est qu'avec eux qu'il les réalise.

Michel Saillard, la Cicrane à MontpellierMichel Saillard, l'ancien Rik des Pit et Rik, n'a pas changé. Il était toujours un homme passionné, et il le restera jusqu'à la fin. Sa passion, c'est l'humour. Tant que les gens rient, ils ne font pas de mal. Le rire rend la vie plus belle, et il n'y a pas de meilleur remède contre tristesse et maladie.

Sans doute, Michel Saillard est bien entouré par ses acteurs et actrices. Mais il a aussi une partenaire qui est irremplaçable : sa partenaire de vie et sa partenaire dans l'aventure de la Cicrane - Claudine Bouygues, presque toujours "cachée" dans les coulisses, garantit la qualité du son et de la lumière. Un pari qu'elle tient largement.

Il est vrai que Michel Saillard a côtoyé les hommes et femmes les plus importants du Show Business, les grands théâtres et les studios les plus fameux. Il a connu le luxe et la gloire - mais aujourd'hui, comme il dit, il connaît la joie. "Je ne suis pas là pour gagner de l'argent", explique-t-il. Il est là pour le plaisir de voir les acteurs jouer ses pièces - les acteurs qu'il a formés lui-même. Il est là pour donner de bonne humeur aux spectateurs, et il est là pour sa passion de l'humour.
Photos et texte : copyright Doris Kneller

jeudi 14 octobre 2010

Manifestation à Montpellier : retraites, Roms, solidarité

Le jour 1 de la révolution est-il arrivé ? - Micro-trottoir à Montpellier

Manifestation à Montpellier contre le projet des retraites11 heures, l'intérieur du Polygone. Des dizaines de personnes se dirigent vers la sortie Esplanade. Et toutes s'arrêtent, stupéfaites, devant les portes de fer fermées. Un agent de sécurité les informe qu'elles ne peuvent pas sortir, ni ici, ni à côté - la seule sortie ouverte est celle de la place Paul Beck. L'homme paraît épuisé. Patient, il répète sa réponse à toujours la même question : pourquoi ?

C'est la manifestation des lycéens qui a fait peur aux responsables du Polygone. Ils auraient menacé, comme explique l'agent de sécurité, de casser le "centre entier". Les gens, pressés de sortir, réagissent mal. "On est donc prisonniers ?" demande une femme dans la trentaine. Et une autre, un peu plus âgée, rigole : "Prisonniers de la révolution. Les amis, on vit une journée historique."

D'autres se fâchent carrément. "Nous avons autre chose à faire que retourner jusqu'à la place Paul Beck et contourner tout le bâtiment." - "Si vous ne voulez pas nous laisser sortir, aurait fallu fermer les portes au moment où on est entrés." - "J'arrive justement de la place Paul Beck. Vous auriez pu avoir la politesse d'y mettre un panneau." Et, en effet, il y a toujours des dizaines des gens qui traversent le Polygone, comptant sur la sortie côté Esplanade...

Manifestation des lycéens à MontpellierLe jour 1 de la révolution est-il arrivé ? À Montpellier, les opinions divergent - il y a des gens qui se disent "apolitique" - "la politique ne m'intéresse pas, je compte sur moi, pas sur l'état" -, d'autres pensent que, de toute manière, on ne peut rien faire, et encore d'autres ont envie "d'incendier" Montpellier. Y a-t-il un chemin susceptible de satisfaire tout le monde ?

"Vous allez voir", répond un Monsieur d'une quarantaine d'années à la question de l'équipe des Gens de Montpellier. "Sarkozy aura raison. Le mouvement sera bientôt terminé. Les gens s'enflamment pour quelque chose, mais ils se calment rapidement." Au moment où il donne son opinion, des dizaines de milliers de personnes défilent devant lui, les uns excités, d'autres calmes, il y en a qui chantent et d'autres qui rigolent. Un autre spectateur, un peu plus jeune que le précédent, se mêle de la conversation. "Qu'est-ce qu'on peut attendre des gens ? On peut manifester une fois, deux fois, même trois fois. Mais après, on en a marre. Le gouvernement n'attend que ce moment."

Des lycéens qui se trouvent sur la Comédie tandis que la manifestation des jeunes se déroule autour du centre ne se montrent plus acharnés. "Nous sommes jeunes", explique un jeune homme, "les retraites ne nous regardent pas encore. Mais il y a question de principe. Il faut être solidaire, et on ne peut pas tout permettre." Un de ses camarades ajoute : "Les retraites, ce n'est pas pour demain, mais un jour, on y sera nous aussi. On lutte pour notre avenir."

Manifestation à Montpellier"Et il n'est pas seulement question des retraites", reprend une des filles. "Il y a plus... les Roms, par exemples. On ne peut pas les jeter dehors comme ça." Un jeune homme intervient : "Mais on n'est pas terre d'accueil non plus. Mais tu as raison" - il s'adresse à la fille - "on ne peut pas les jeter dehors comme ça. Il faut trouver d'autres solutions. En plus, la plupart des Roms sont des Européens."

Si ces lycéens se sentent si engagés, pourquoi ne participent-ils donc pas à la manifestation ? - "On est allés à la manifestation", répond une des filles, "mais on ne voulait pas rester. Ils ont commencé à casser les voitures. On n'y va pas pour ça." - "Elle a raison", reprend un des jeunes hommes. "Nous, on y va pour la cause. Parce qu'on veut montrer à Sarkozy que nous sommes là et que nous avons une voix. Mais y en a qui ne comprennent rien. Ils ne veulent que casser des voitures." - Son collègue est plus sceptique : "Peut-être c'est Sarkozy lui-même qui nous envoie des gens pour nous discréditer..." Les autres rigolent, mais leurs visages n'expriment pas de joie.

Plus tard, dans un bus qui, pas à pas, se traine le long de la rue de Maguelone, deux dames d'une soixantaine d'années se fâchent. L'une d'elles vient de reprocher au chauffeur son retard. Celui-ci s'est excusé en avançant des problèmes causés par les manifestations. "Des excuses, toujours des excuses", commente la deuxième dame. Et la première "Ils nous tiennent pour quoi ? On sait bien que la manifestation est terminée depuis des heures." Ensuite, elles commencent à discuter des lycéens. "Ils n'ont pas encore travaillé et ils sont déjà dans la rue", se lamente une des dames. "S'ils veulent manifester, ils doivent aussi travailler." L'autre dame n'est pas d'accord : "C'est maintenant que se prépare leur avenir." Et une troisième dame, plus jeune que les deux, intervient : "Les lycéens ne manifestent pas seulement pour leur avenir, mais aussi pour la solidarité."

La solidarité est un terme souvent évoqué par les Montpelliérains, ces jours-ci. "Nous avons besoin de la solidarité de tout le monde", explique une dame dans la trentaine qui dit être "apolitique quand on peut se le permettre - pas maintenant, alors." Et elle continue : "Ce qu'il nous faudrait, c'est la grève totale. Toute la France doit s'arrêter. Mais comment faire ? Les gens ne peuvent pas se payer une grève illimitée, ils ont besoin de leur salaire. Je suis sûre qu'en principe, une seule journée de grève serait suffisante pour que le gouvernement nous entende - mais il faudrait que ce soit une journée de grève totale où tout le monde participe."
Photos et texte : copyright Doris Kneller

lundi 11 octobre 2010

Nuit à Montpellier : quand l'EDF tombe en panne...

Panne d'électricité autour de la gare de Montpellier

Montpellier, l'EsplanadeMontpellier, la ville qui ne dort jamais. Montpellier l'active. Montpellier, où les rues sont pleines de gens, de jeunes et de personnes âgées, jour et nuit. Montpellier, la métropole où il ne fait jamais noir...

Il est vrai que les Montpelliérains ont pris l'habitude de se déplacer dans les rues de leur ville, jour et nuit, sans se soucier de la lumière nécessaire pour trouver leur chemin ou de voir les gens qui viennent à leur rencontre. Que se passe-t-il, alors, si, un jour, l'éclairage public de Montpellier tombait en panne ?

Rien n'est parfait - et l'équipement de l'EDF n'en fait pas exception. Ainsi, les rues autour de la gare étaient plongées dans le noir pendant plusieurs heures. L'équipe des Gens de Montpellier a interrogé un groupe de jeunes qui, rigolant, trouvaient leur chemin dans le noir, comme si de rien n'était...

"Je trouve ça rigolo", répond spontanément un jeune homme. "On n'a pas besoin de tant de lumière, toujours, ce n'est pas naturel. En plus, il ne fait pas vraiment noir. Regardez, il y a des fenêtres qui sont éclaircies et des panneaux de publicité. Ça suffit, n'est-ce pas ?"

La nuit à MontpellierUne de ses copines n'est pas d'accord. "Pour toi c'est facile. Avec tes tennis, tu ne risques pas de tomber. Mais moi avec mes talons hauts, c'est plus difficile." - Son ami éclate de rire. "Viens près de moi, je te soutiens."

Un tel soutien aurait certainement plu à tous les Montpelliérains - et à leurs visiteurs - qui, cette soirée-là, se sont aventurés autour de la gare. Un homme d'une trentaine d'années chargé d'un grand sac sur ses épaules et d'une valise qu'il tire derrière lui est désespéré. "Ça fait presque une heure que je tourne en rond. J'ai une liste des rues que je dois prendre, ici, sur le papier." Pour démonstration, il éclaire une feuille à l'aide de son téléphone portable. "Mais ça ne me sert à rien - il n'y a pas assez de lumière pour lire les indications sur les murs." - Ne peut-il pas demander de l'aide aux gens ? - Il rigole un peu amèrement. "Les uns ont peur quand je les interpelle dans le noir, les autres me disent qu'ils ne savent pas..."

Une dame dans la soixantaine confirme ses paroles. Quand l'équipe des "Gens de Montpellier" l'aborde, elle recule et, automatiquement, elle presse son sac contre elle. Mais, finalement, la présence de femmes dans l'équipe la rassure. "Normalement, je n'ai pas peur", explique-t-elle un peu honteuse. "J'ai l'habitude de rentrer dans la nuit, et je n'ai jamais eu de mauvaises rencontres. Mais aujourd'hui, il fait si noir... n'importe quoi peut arriver."

La comédie : la nuit à MontpellierUne autre dame, un peu plus jeune, se pose une question qui, comme elle dit, est "essentielle" : "Normalement, vous voyez partout des voitures de police. Elles circulent tout le temps. Mais aujourd'hui ? Rien. Où est la police dans une nuit comme celle-ci ? Ils pourraient, par exemple, aider les séniors qui ont des problèmes de vue déjà sous un éclairage 'normal'. Aujourd'hui, ces gens ne peuvent pas se déplacer."

Elle a raison. Un Monsieur lui aussi d'une soixantaine d'années n'avance que pas à pas. "Je ne vois strictement rien," explique-t-il, et son pied tâtonne le sol à la recherche d'un endroit sûr pour se poser. "Vous devez croire que je suis handicapé, la manière que je bouge. Mais avec tous ces trous dans le trottoir, j'ai peur de tomber. Si, encore, la ville nous faisait des trottoirs corrects. Mais non, tout l'argent va dans la construction des routes et des trams. Il ne reste plus rien pour aplanir les trottoirs. Les piétons ne comptent pas à Montpellier."

Une dame dans la quarantaine marche au milieu de la rue pour, elle aussi, "éviter les trous dans le trottoir." Mais une autre question la tracasse beaucoup plus : "Savez-vous, pourquoi il n'y a pas de lumière aujourd'hui ? Est-ce à cause de la grève ? Merci deux fois à notre gouvernement : nous souffrons déjà parce qu'il manipule nos retraites comme il le sent et jette dehors les gens qui ne lui plaisent pas - maintenant, il faut aussi subir les conséquences de la grève contre ses projets..."

Une autre dame d'à peu près le même âge n'est pas de cet avis. "Je pense qu'il s'agit d'une panne d'électricité. Mais pour qu'elle soit réparée, on peut toujours attendre. J'ai eu une panne chez moi, et ç'a pris une semaine entière à l'EDF pour m'envoyer quelqu'un. On aura alors pas mal de nuits noires devant nous..."

Un Monsieur d'une cinquantaine d'années est moins négatif. "Si c'est une panne, ils vont la repérer rapidement. Et si c'est la grève, ça va pas durer éternellement. On est à Montpellier, pas en Russie."

Un autre Monsieur, un peu plus jeune, se fait des soucis surtout pour la sécurité. "Si les filous se rendent compte que les rues ne sont plus éclairées, ils vont vite réagir. Et là, on aura tout intérêt à bien garder nos sacs. Même les maisons sont en danger d'être cambriolées."

Le noir est-il vraiment si dangereux ? Un jeune couple éclate de rire. "Oui, bien sûr," répond l'homme, "je vais en profiter pour violer toutes les dames qui osent aller dans les rues." Et sa copine ajoute : "Pendant qu'il viole les femmes, je leur pique leurs sacs..."

Une dame dans la cinquantaine éclate de rire elle aussi. "Regardez-en haut. Aujourd'hui, vous pouvez voir quelques étoiles. C'est pas beau ? C'est si rare à Montpellier de voir des étoiles."
Photos et texte : copyright Doris Kneller

jeudi 7 octobre 2010

Montpellier, Hélène Mandroux et les "nouveaux Montpelliérains"

Pourquoi les gens de tous les pays veulent vivre à Montpellier...

Accueil des nouveaux MontpelliérainsQui pourrait mieux accueillir les "nouveaux Montpelliérains" que Hélène Mandroux, maire de Montpellier, et son conseil municipal ? - La diversité des nations rassemblées dans le Corum lors de la dernière réception des derniers venus était impressionnante : tandis que le Canada est le "fournisseur" le plus fort en nouveaux Montpelliérains - onze pour cent des nouveaux habitants de Montpellier viennent de ce pays - dix pour cent arrivent de la Belgique et neuf pour cent des États-Unis. Mais ce n'est pas tout - seize autres pays nous ont envoyé leurs citoyens. Ainsi, six pour cent viennent d'Irlande contre uniquement deux pour cent ressortis du Royaume Uni, et des pays aussi variés comme l'Équateur, l'Espagne, la Colombie, la Malaisie, l'Écosse ou la Finlande sont représentés. Bref : la ville de Montpellier devient de plus en plus internationale.

Il est vrai que, selon les derniers sondages, Montpellier emporte le palmarès des villes où les Français ont envie de vivre : 43 pour cent des Français pensent que la vie est belle dans la ville près de la Méditerranée. Quant aux étudiants, Montpellier tient la troisième place dans leur liste des meilleures - et des plus agréables - universités de France.

Conseil municipal de MontpellierToutefois, cette réputation comme ville "où il fait bon vivre", est-elle suffisante pour expliquer les quelque 10.000 personnes venant de la France et de dix-neuf autres pays pour vivre à Montpellier ? Est-ce le soleil et la proximité de la Méditerranée qui attire les gens un peu partout dans le monde ? - Dans son discours de bienvenu, le maire Hélène Mandroux parla de la richesse culturelle de Montpellier, de ses plans d'urbanisation, de son dynamisme, de sa jeunesse : un Montpelliérain sur quatre est étudiant, cinquante pour cent des Montpelliérains ont moins de 30 ans, cette année 1000 enfants furent inscrits en maternelle et primaire, c'est-à-dire 500 de plus que l'année dernière - et, comme explique Hélène Mandroux, celui qui dit enfants dit jeunes parents - et avec un sur deux habitants qui sont actifs, l'économie ne peut pas être trop malade...

"Pourquoi je suis venu à Montpellier ?" répète l'étudiant la question de l'équipe des Gens de Montpellier tandis qu'il se sert au buffet de bienvenue. Il est Parisien et sa ville d'origine lui aurait fourni toutes les chances de suivre ses études. "J'ai réfléchi longtemps", explique-t-il, "mais finalement, j'ai préféré Montpellier. Sa fac d'économie a très bonne réputation, et je crois que la vie est plus agréable à Montpellier. On est moins stressé, ce qui fait qu'on travaille mieux et qu'on finit les études plus rapidement."

Un autre étudiant, venu d'Irlande, apprécie surtout la taille "humaine" de la ville. "J'ai passé un an à Paris", raconte-t-il, "et j'en ai eu marre des transports en commun. Partout où on veut aller, il faut prendre le métro ou un bus. Finalement, on ne va nul part. À Montpellier, on peut tout faire à pied. Ça me convient mieux."

Hélène Mandroux, maire de MontpellierUn Monsieur français dans la soixantaine est d'accord. "Il y a tant d'événements culturels à Montpellier, on a de quoi faire chaque jour. Et tout est proche." Une dame allemande, un peu plus jeune que lui, est du même avis : "Je dirais qu'à Montpellier, il y a plus d'événements culturels par habitant qu'ailleurs. Ça me plaît, et c'est une des raisons principales pour lesquelles j'ai choisi Montpellier..." "...et beaucoup de ces événements sont gratuits", sourit une jeune dame danoise à sa table qui, comme elle raconte, est arrivée à Montpellier "pour y vivre, travailler et être heureuse" il y a plus de six mois et qui n'a pas l'intention de repartir de si vite.

La plupart des étudiants, toutefois, pensent à leurs études et la qualité de l'université. "J'ai lu que Montpellier fait partie des meilleures universités de France", dit une jeune Colombienne qui souhaite d'abord perfectionner son français pour, ensuite, se lancer dans des études d'économie internationale. Une autre étudiante, canadienne, qui veut faire des études de médecine connaît bien l'histoire de la faculté de Montpellier : "Déjà Nostradamus a fait la médecine à Montpellier. Et les rois de France ont recruté presque tous leurs docteurs à Montpellier. Rabelais, par exemple. Ou Lapeyronie, le 'père' de la médecine française."

Un Monsieur belge d'une quarantaine d'années qui attend sa femme qui livre juste "la bataille au buffet", comme il l'exprime, explique qu'il a "accompagné sa femme à Montpellier qui y a trouvé un travail." Et il en est content. "Oui, la ville me plaît. J'aime beaucoup son opéra - je parle de la petite opéra place de la Comédie - et les gens sont très agréable."

Une dame d'à peu près le même âge n'est pas tout à fait d'accord. "J'aime Montpellier, mais pas ses habitants. Je préférerais Montpellier avec des habitants du Nord de la France - ça serait parfait." Toutefois, autour du buffet de bienvenue, elle est la seule à exprimer un malaise. "J'ai choisi Montpellier", explique une dame japonais, "à cause de sa 'légèreté de l'être'. Les gens travaillent sérieusement, mais au moment du loisir, ils ne se prennent pas au sérieux." Il paraît qu'elle sait de quoi elle parle. Elle raconte qu'elle travaille pour une grande société internationale et que, grâce à elle, elle aurait beaucoup voyagé. "D'abord, j'ai vécu en Allemagne. Mais je n'ai pas beaucoup aimé les Allemands. Puis j'avais un travail à Barcelone, ensuite à Paris et, maintenant, à Montpellier." Et c'est ici où, pour le moment, elle a envie de rester...
Photos et texte : copyright Doris Kneller