mercredi 31 décembre 2014

Quartiers « précaires » de Montpellier : qui veut vivre où ?

La Mosson, Figuerolles, Mas Drévon, Le Petit Bard, les environs de la gare - vivre aux quartiers populaires de Montpellier


« Ma fille m’a raconté », rapporte la dame dans la quarantaine, « que toutes ses copines d’extérieur demandent d’abord, quels sont les quartiers à éviter. » La fille de la dame qui parle à l’équipe de Montpellier Presse Online a commencé ses études à Paul Valéry en septembre dernier. La plupart de ses nouvelles copines ne sont pas de Montpellier, mais ont passé leur bac aux quatre coins de France ou à l’étranger. « Curieusement », continue la dame, « leur premier souci n’est pas les études, mais le quartier dans lequel elles cherchent un logement. »

« Bon quartier, mauvais quartier… » Les paroles du Monsieur dans la cinquantaine pourraient servir comme réponse aux jeunes étudiantes. « A Montpellier, on n’a pas de mauvais quartiers. On a beaucoup de quartiers populaires - et c’est bien comme ça. C’est une ville qui vit. Et pour vivre, il faut un peu de tout… »

Un Monsieur d’une quarantaine d’années qui vit à la Mosson depuis onze ans n’est pas de cet avis. « Je déteste ce quartier », dit-il franchement. « Quand je rentre le soir, je suis agressé souvent, verbalement, je veux dire. Parfois, je crains que la frontière entre l’agression verbale et l’agression physique ne soit pas très large. Mais ça ne compte pas pour les femmes - les femmes sont en général respectées. C’est les hommes qui sont molestés dans ce quartier. »

Que les jeunes étudiantes comprennent-elles par mauvais quartier ? « Les entourages de la gare », répond spontanément une Anglaise qui a commencé ses études à Montpellier il y a deux ans. « J’évite ce quartier, mais parfois, je suis obligée d’y passer. Et souvent, il y a des hommes, des jeunes, surtout, qui m’abordent. Je trouve ça très agressif. J’aime pas ça. »

Une Canadienne qui passe son doctorat à Montpellier n’est pas d’accord avec l’Anglaise. « J’habite à Figuerolles, j’adore ce quartier. Je connais tous les marchands du marché, tout le monde est poli et gentil. Je n’ai pas peur des gens ici - au contraire, j’ai l’impression qu’ils me protègent. Il y a toujours des gens dans la rue, on se dit bonjour, on est comme une grande famille. »

Une dame dans la cinquantaine a fait de mauvaises expériences à Mas Drévon. « On n’est sûr de rien, là-bas. Ils volent tout ce qu’ils trouvent. Un jour, ma fille a laissé un siège d’enfant dans sa voiture, juste pour quelques heures - quand elle a récupéré la voiture, le siège avait disparu. Un autre jour, j’étais dans la pharmacie. J’avais un collier qui n’était pas très cher, mais très joli. Après, je ne l’avais plus. Quelqu’un me l’a arraché. »

Mais pas tout le monde a vécu de telles expériences. « J’habite à Mas Drévon depuis huit ans », raconte une autre dame un peu plus jeune que la précédente. « Et je ne peux me plaindre de rien. Je n’ai jamais l’impression d’être en danger, même quand je rentre tard. Les gens sont aimables et respectueux. »

Une autre dame, habitante du quartier du Petit Bard parle elle aussi du respect. « Dans mon quartier, il y a beaucoup de chômeurs. Quand il fait beau, ils trainent à l’extérieur, dans les rues, devant les maisons. Mais ils ne font mal à personne, de toute façon pas à moi, et ils ne me manquent jamais de respect. »

Un Monsieur d’une quarantaine d’années pense différemment. Il habite près de l’hôpital Saint Éloi. « Normalement, je prends la voiture pour me déplacer. Mais il y a des jours où je ne peux pas faire autrement, je dois prendre le tram. C’est la ligne 1, sa fréquentation est affreuse. Vous vous croyez quelque part dans l’orient. Des femmes avec des voiles, des hommes qui portent des vêtements arabes - on n’est plus en France. Le quartier où j’habite est très correct. Mais il est situé sur la ligne de tram qui va à la Mosson, au fief des Arabes. »

Heureusement, pas tout le monde à Montpellier n’est raciste. Un autre Monsieur, à peu près du même âge, qui prend le même tram à la station Malbosc aime le tram et son « public coloré » : « Il ne vaut pas la peine de prendre la voiture quand on a à faire en ville. Le tram circule fréquemment et jusqu’à tard dans la nuit. Personnellement, je suis content de prendre la ligne 1 : on y voit toute sorte de gens, toutes les nationalités, on entend un tas de langues. Cette ligne 1 est le miroir d’une ville ouverte et internationale : la cohabitation paisible des peuples. »

Photos et texte : copyright Doris Kneller

mardi 30 décembre 2014

Être jeune à Montpellier : ce que les jeunes Montpelliérains attendent de la vie

Travail, mariage, famille - les anciennes valeurs ont-elles encore la côte à Montpellier ?

Si on lit la presse spécialisée - ou non -, on perd facilement l’espoir : la jeunesse, proclament beaucoup de média, veut faire la fête, mais ni travailler ni prendre des responsabilités. D’autres parlent de l’aversion des jeunes contre l’idée de créer une famille, d’avoir des enfants. Est-ce vraiment ce que pensent les jeunes de Montpellier ? - Montpellier Presse Online leur a posé des questions.

Marie-Anne a presque trente ans. Elle a la « chance », comme elle dit, d’avoir un travail - même si ce n’est pas un travail dans son secteur. « J’ai appris plusieurs langues », raconte-t-elle, « je parle et écris couramment l’allemand et l’anglais, et je me débrouille bien en espagnol. Mais je ne trouve pas de poste où je peux utiliser mes connaissances. » Au lieu de cela, elle est « aide de vie » - elle rigole. « C’est un joli nom pour quelqu’un qui fait le ménage. »

Mais Marie-Anne ne se plaint pas. Elle est consciente d’être enviée par beaucoup de gens de son âge qui n’ont pas de travail du tout. Il n’y a qu’un seul point qu’elle ne trouve pas juste : « J’aimerais avoir mon propre appartement. Mais je ne gagne pas assez. Je suis donc obligée de vivre chez ma mère. Quand on travaille toute la journée, ne devrait-on pas gagner assez pour se payer un appartement ? »

Avec trente ans, Marie-Anne ne fait plus partie des plus jeunes. Mais sa situation est pareille : chômage, acceptation des jobs qui ne correspondent pas aux compétences acquises, un niveau de vie très bas : « On est deux à travailler », rapporte une autre dame, avec ses 24 ans plus jeune que Marie-Anne, « mon ami et moi. » Au contraire de Marie-Anne, ils peuvent se payer un petit appartement, mais « tout notre salaire part dans les frais quotidiens : le loyer, l’EDF, la nourriture… Il ne reste rien pour un restau de temps en temps ou un petit voyage. En été et à Noël, on rend visite à nos parents, c’est tout ce qui est possible. »

Situation économique précaire, les joies de vie liées à l’argent deviennent de plus en plus inaccessibles. Mais ces nouvelles conditions ont-elles d’influence sur la philosophie de vie des jeunes ?

« Ma mère me raconte souvent que, dans mon âge, elle s’occupait déjà d’une famille », confie une dame de 28 ans à Montpellier Presse Online. « Elle ne comprend pas que les temps ont changé. Je ne pourrais jamais entretenir un enfant, et mon copain non plus. A quoi ça sert de se marier et d’avoir des enfants, si on n’a rien à leur offrir ? On gagne juste assez pour vivre et aller en boîte, le week-end. Et, franchement », continue-t-elle, « j’en aurais même pas envie. On est bien ensemble, mon ami et moi. Pourquoi se marier ? Pourquoi faire des enfants ? Pour les condamner à la même galère ? Non, merci. J’ai vu galérer mes parents, je veux pas faire pareil. Je veux être bien dans la vie. »

Cette notion de jouir de la vie revient dans beaucoup de réponses. « Si j’ai un job ? », répète un homme de 21 ans la question de Montpellier Presse Online. « Non, et je vous dis quelque chose : je suis heureux de ne pas en avoir. A quoi ça sert ? On bosse toute sa vie et à la fin, on n’a rien, sauf des maladies. J’ai pas besoin de mômes, j’ai pas besoin de travail, je me débrouille. Si je veux être avec une nana, j’ai pas besoin de la bénédiction d’un prêtre. Je vis ma vie comme je l’entends. »

Un autre jeune qui, dans un an, a l’intention de passer un bac brillant pense différemment sur le monde du travail. « Si on veut un bon travail, il faut être le meilleur », proclame-t-il. « Je serai premier au bac - ou presque - je serai premier à la fac et j’aurai mon job de rêve. » Quel est ce job de rêve ? « Je ne sais pas exactement, mais ça sera dans l’économie. Là, où se trouve l’argent. A l’étranger, je présume. Je n’ai pas l’intention de galérer. »

Qui dit job dit aussi famille ? « Non, je ne crois pas », répond-il. « Une famille empêche la carrière. Je veux être libre pour aller où je veux, là où je trouve le travail qui me convient. Créer une famille était bien pour la génération de nos parents, mais aujourd’hui, ç’a changé. Une famille ne sert plus à rien. »

Une jeune de 22 ans n’a pas la même confiance dans une bonne éducation. « A l’école, j’ai tout fait pour avoir de bonnes notes. Ensuite, je suis allé à l’université. Mais je l’ai pas fini. J’ai compris que les connaissances professionnelles ne comptent plus. Je préfère voyager, peut-être écrire un livre. De toute manière, si je finis la fac ou non, ça change rien. »

Et la famille ? « Une famille ? Pour vivre comme ma mère ? Non merci. »

En ce concerne un poste, les opinions sont différentes. Les uns croient encore à l’utilité d’un bon diplôme, les autres pensent que les connaissances sont plus importantes que les papiers. Mais il y a de moins en moins qui ont encore confiance dans les valeurs de famille. « Je n’ai pas besoin de me marier pour être heureuse », commente une dame de 26 ans. « De toute manière », ajoute-t-elle, « les temps sont révolus où une famille était encore la garantie du bonheur. Il me suffit d’être heureuse aujourd’hui. Demain, on avisera. »  
Photos et texte : copyright Doris Kneller

lundi 29 décembre 2014

Montpellier : Location de salle - association ou petite entreprise

Une association ou petite entreprise qui a besoin d'une salle pour fonctionner - peut-elle survivre à Montpellier ?

Bien sûr, il suffit de se brancher sur Internet pour trouver un grand choix de locations de salles à Montpellier. En général, les hôtels et autres lieux professionnels demandent à partir de 2500 euros par jour. « Cela veut dire que toute réunion est exclue », explique la représentante d’une association culturelle. « Nous pouvons pas nous réunir dans la rue - même s’il fait beau à Montpellier », ajoute-t-elle avec un sourire triste. « Sans salle, pas de réunion, pas de travail associatif. »

Toutefois, il y a un assez grand nombre d’associations qui disposent de leurs propres salles - financées en tant que subvention par la ville de Montpellier. Mais les membres de ces associations sont-ils contents ?

« Nous avons vraiment de la chance », dit par exemple le membre d’une association qui travaille pour l’amitié entre les peuples. « La mairie nous a donné une salle dans L’Espace Jacques 1er d’Aragon : plus belle subvention n’est pas possible. La salle est magnifique. »

Un membre d’une association de théâtre n’est pas aussi content. Il trouve que son association n’aurait pas la reconnaissance qu’elle mérite. « Pendant une année, la municipalité nous a offert une très jolie salle où on pouvait se rencontrer une fois par semaine. Elle était bien située, aussi pour ceux qui viennent en tram, elle était grande et agréable. Mais l’année suivante, sans argument, on nous a retiré la salle, c’est-à-dire échangé contre une autre. Cette autre salle nous a coûté beaucoup de membres : elle est petite, mal placée et désagréable. On pourrait penser que la municipalité aurait quelque chose contre notre association. »

Le président d’une association humanitaire n’est pas trop content non plus. Mais il comprend. « Nous disposons d’une petite salle au rez-de-chaussée d’une vieille maison. Quand on en sort, on est directement dans la rue, et il faut faire attention à ne pas se faire écraser par une voiture. Les réunions sont souvent dérangées par des gens qui entrent - par curiosité ou parce qu’ils veulent parler ou juste déranger. Puis, la salle est largement trop petite. On essaie de se serrer, mais c’est limite… D’un autre côté, je comprends la mairie. On n’est pas une association importante, on n’ajoute rien à la beauté ou à la richesse de la ville. On est juste là pour aider certaines personnes - et ce ne sont pas des personnes bien vues dans la société. Comme ça, on se considère heureux d’avoir le droit à utiliser cette salle. »

Est-ce la chance qui offre à certaines associations de « salles magnifiques » et à d’autres des salles moins agréables ou, même, pas de salle du tout ? Montpellier Presse Online a interrogé des membres de diverses associations.

« Cela dépend certainement des activités de l’association », réfléchit un membre d’une association écologique. « Nous, par exemple, on dérange. Donc on n’a ni salle ni subvention. » - « Je pense », le membre d’une association qui incite les enfants à lire prend la parole, « que le nombre des manifestations compte aussi. Une association qui organise régulièrement des manifestations a probablement plus de chances qu’une autre. » - « Et n’oublions pas », fait remarquer la représentante d'une association qui défend les droits des femmes, « le nombre de membres. Je pense que la municipalité préfère offre une salle aux associations avec plusieurs centaines de membres qu’à celles qui ne comptent que dix ou quinze personnes. »

Toujours est-il qu’une association peut se considérer comme chanceuse lorsqu’elle n’a pas besoin de payer pour une salle. Un jeune entrepreneur qui organise des stages se plaint du prix des locaux municipaux. « Je ne parle évidemment pas de salles si prestigieuses comme la salle des rencontres de l’ancien Hôtel de Ville qui coûte 2700 euros. Ou du centre Rabelais - que, personnellement, je trouve encore plus beau que la salle des rencontres - pour qui la Mairie demande 1300 euros. Il y a des salles qui sont moins chères : par exemple la salle Pétrarque avec ‘seulement’ 600 euros de location, la jolie petite salle de Belvédère avec 300 euros ou la salle Guillaume de Nogaret avec 310 euros. Mais pour gagner 300 euros, il me faut beaucoup de clients. Je ne suis que débutant. Et avec ses prix », finit-il avec une voix presque désespérée, « je resterai débutant pour toujours. »

La municipalité devrait-elle offrir des salles non seulement à des associations, mais aussi aux jeunes entrepreneurs qui en ont besoin pour se bâtir une existence ? - Un Monsieur dans la cinquantaine, membre d’une association linguistique reconnue depuis longtemps, ne connaît pas non plus la réponse : « Dans les temps qui courent, les institutions de l’état - mairies, préfectures etc. - devraient aider tout le monde qui a le courage d’entreprendre quelque chose. Association ou entreprise, pour moi c’est pareil. Mais comment décider qui ‘vaut’ d’être aidé ou non ? Comment définir les critères ? Qui se sentirait capable de trancher ? Si j’étais maire, j’aiderais tout le monde. Mais comme le maire actuel - et tous les maires - je n’aurais pas les moyens suffisants. Je ne connais donc pas de solution. Il y a toujours des gens valables qui pourraient monter une association ou une entreprise qui ferait du bien à la ville, mais qui ne peuvent pas le faire parce que les décideurs ne comprennent pas leur valeur. C’est la vie. »

Photos et texte : copyright Doris Kneller

dimanche 28 décembre 2014

Montpellier et les bonnes œuvres de Noël

Les Montpelliérains et leur bon cœur : Téléthon, Croix Rouge et autres SDF...


Jeudi 26 décembre dans une rue piétonne de Montpellier. Beaucoup parmi ceux qui ne sont pas partis en vacances et ne travaillent pas se promènent en ville. On regarde les vitrines, les gens, on se délasse avec un café - certains même sur les terrasses - on fait des courses. D’autres échangent des cadeaux mal choisis. Encore d’autres dépensent l’argent qu’ils ont trouvé sous l’arbre de Noël.

Tout à coup, des cris percent le murmure ambiant. Un vieil homme se précipite dans la rue, une jeune vendeuse derrière lui. Les deux crient. La jeune attrape le vieux qui porte tous les signes d’un SDF. Ses mains tremblent : un cas avancé de Parkinson.

Le vieux SDF se cramponne à un stylo qu’il défend comme si c’était un trésor. Mais la jeune est plus agile et plus forte - elle l'arrache des mains tremblantes, l’homme gueule, elle le réprimande. Les deux sont au bord des larmes - elle rentre dans sa boutique, l’autre s’éloigne. La colère est passée, il baisse la tête, murmure, pleure.

Quelques passants se sont arrêtés pour observer la scène. La plupart part dès que le spectacle est terminé. Une dame dans la cinquantaine reste. Elle fixe la porte de la boutique et murmure : « Bon Noël. » - Par hasard, un membre de l’équipe de Montpellier Presse Online était témoin de l’incident. Il interroge la dame qui semble choquée : « Il a volé, d’accord. Peut-être pour se faire plaisir ou pour faire plaisir à quelqu’un d’autre, nous ne pouvons pas le savoir. Mais ce stylo était important pour lui. En ce concerne le magasin - les assurances, ça existe. Je sais, je sais », ajoute-t-elle, « le type n’est qu’un SDF, criminel, voleur… Mais c’est Noël ou pas ? Est-ce vraiment impossible d’offrir un malheureux stylo à un SDF et le rendre un peu plus heureux ? Ou de faire subir la perte par l’assurance ?

Le membre de l’équipe de Montpellier Presse Online suite la jeune dans sa boutique. Il la voit bouleversée - et renonce à lui parler.

Depuis quelques semaines, les rues de Montpellier sont remplies de mendiants, plus que pendant le reste de l'année. Les uns demandent de l’argent pour des organismes tels que Téléthon ou Croix Rouge, des autres demandent de l’argent pour améliorer leur quotidien : « Vous n’avez pas quelques coins pour moi ? » - Les Montpelliérains que pensent-ils de cette « attaque organisée par le Père Noël », comme l’exprime une dame dans la trentaine ?

Parmi les premiers interrogés se trouve un homme dans la quarantaine qui est bien en colère : « Téléthon, Téléthon, je ne peux plus l’entendre. A Noël, tout le monde demande de l’argent pour le Téléthon, comme s'il n’y avait pas d’autres organismes qui ont besoin d’aide. Mais comme ça se passe à la télé - c’est pourquoi ça s’appelle ‘Téléthon’ - personne ne donne à autre chose. Il est bien connu que les recherches génétiques qui, soi-disant, sont soutenues par le Téléthon ne servent pas seulement aux malades, mais aussi à créer la nourriture génétiquement manipulée. En plus, je viens de lire un article dans un journal sur Internet qui explique ce que le Téléthon fait avec l’argent : pratiquement cent pour cent vont dans l’administration et pas dans les recherches. »

Une dame d’à peu près le même âge est moins dure. « Je ne dis pas que tout le monde devrait donner aux pauvres, mais il est Noël. On peut montrer son bon cœur. Et partager un peu du troisième mois du salaire - enfin, ceux qui ont un travail. »

Une autre dame, plus âgée que la précédente, est également pour l’aide, mais pas pour tout le monde. « Moi je donne avec plaisir, pas beaucoup, mais ce que je peux. Pendant toute l’année. Mais je ne donne pas à des organismes pourris. Je donne aux gens qui sont dans la rue, ici, chez nous. Parfois je leur donne de l’argent, parfois j’achète à manger pour eux. »

Une dame dans la trentaine exerce son bon cœur sur une personne choisie : « Il y a un vieux SDF que je vois presque toujours quand je vais à la station du tram. Je lui donne un petit quelque chose tous les jours. Il est pauvre, mais toujours souriant. »

Un Monsieur dans la cinquantaine donne aussi, mais uniquement à ceux qui le « méritent » : « J’aime pas les gens qui font la manche. Ceux, par contre, qui m’offre quelque chose, un spectacle, même une chanson, je leur donne de bon cœur. Ces gens-là travaillent pour notre plaisir, et tout travail mérite salaire. »

Un membre de l’équipe de Montpellier Presse Online, s’étant arrêté près d’un jeune homme qui demande de l’argent pour la Croix Rouge, est témoin d’une scène de mécontentement. Une dame dans la quarantaine vise le jeune homme : « Vous faites ça bénévolement, n’est-ce pas ? » demande-t-elle. Le jeune consente. « Et vous faites ça, parce que vous avez bon cœur. » Le jeune hausse les épaules. « Oui », dit-il, « et parce que c’est nécessaire. Tout le monde peut avoir besoin d’aide. La Croix Rouge nous aide tous. » La dame continue : « Vous passez votre temps bénévolement dans la rue. Et les grands chefs de la Croix Rouge ? Est-ce que vous connaissez leur salaire ? » Elle fait une pause pour reprendre : « Si les directeurs de la Croix Rouge donnaient chacun deux pour cent de leur salaire, vous n’auriez pas besoin d’être dans la rue. Quatre-vingt pour cent de ce que vous recevez finit dans leurs poches. »

Un représentant de Greenpeace est déçu lui aussi. Il est dans la rue non pour collectionner des fonds, mais pour trouver de nouveaux membres. « Il y en a plein qui me disent ‘bravo’, ‘vous faites de bon travail’, qui me souhaite du courage et me demande de continuer. Mais ils n’ont pas envie de s’inscrire et de faire quelque chose eux-mêmes. Beaucoup disent aussi qu’ils seraient déjà membre de Greenpeace : si Greenpeace Montpellier avait tant de membres, on n’aurait pas besoin d’être ici pour en chercher d’autres. »

Un Monsieur dans la soixantaine rappelle le sujet de Noël. « On dit qu’à Noël, il faut donner. Mais la misère n’est pas plus grande ni plus petite à Noël. Pour les gens, ce n’est pas le moment de donner : ils doivent débourser pour des cadeaux, pour le repas de Noël, pour leurs vacances. C’est le moment où les organismes demandeurs sortent de leurs trous, mais ce n’est pas le moment pour les gens d’avoir moins de soucis. J’attends le jour où les grands maîtres de la politique et de l’économie font un geste de Noël : eux, ils peuvent se payer la pitié de Noël. Mais ça restera un rêve. »
Photos et texte : copyright Doris Kneller

samedi 27 décembre 2014

Montpellier et la force de l'ordre : les policiers

Que les Montpelliérains pensent-ils de la police et la police municipale ?


Les statistiques sont claires : l’agression contre les forces de l’ordre augmente de plus en plus. Les gendarmes sont encore un peu « mieux vus » que les policiers, mais si on croit les chiffres, les Français considèrent les agents de l’état plutôt comme ennemis que comme amis.

Ainsi, déjà en 2013, par rapport à l’année précédente, le nombre des agressions verbales contre les forces de l’ordre a augmenté de 5,6 pour cent (source : Observatoire national de la délinquance et des réponses pénales) - ce qui n’est rien contre les 17 pour cent d’augmentation des agressions physiques. En chiffres, cela signifie que les 200.000 policiers de France ont subi 41.000 agressions, tandis que les gendarmes dans les zones rurales ont vécu 3700 agressions. A peu près une tierce des agressions était de nature physique.

Bref, le travail d’un policier ou gendarme qui, il n’y a pas très longtemps, avait encore la réputation d’être dédié au bien-être et la sécurité des citoyens, est devenu dangereux. La frustration et la haine de la société s’abattent sur eux, ils ont perdu leur statut de personnes qui sont là pour ceux qui ont besoin d’aide et de soutien.

Montpellier fait partie des villes où l’agression - et l’agression envers la force de l’ordre - ne fait pas partie du quotidien. Son taux de violence (source : le palmarès de la violence) est en dessous de huit (huit agressions commise par 1000 habitants) contre presque à treize à Marseille et jusqu’à 30 dans les banlieues de Paris.

L’équipe de Montpellier Presse Online voulait savoir ce que pensent les Montpelliérains de leurs forces de l’ordre. Les habitants de leur ville ont parlé de leur impression sur les policiers, mais beaucoup ont associé « force de l’ordre » avec police municipale.

« Si j’ai confiance dans la police de Montpellier ? » La dame dans la trentaine hausse la tête. « Tout franchement, non. Elle est là pour déranger certaines couches de la population, mais s’il y a vraiment un problème, on ne peut pas compter sur elle. »

Une autre dame, un peu plus âgée que la précédente, n’est pas d’accord. « Oui, j’ai confiance dans nos policiers », déclare-t-elle, « ces garçons font ce qu’ils peuvent. Mais ils n’ont pas la vie facile, et je comprends qu’ils ne veulent pas mourir juste parce qu’il y a un petit connard qui déconne. Les gens sont frustrés parce qu’ils ne travaillent pas - ou parce qu’ils ne veulent pas travailler, ça dépend - et ils se prennent à la police. »

13 heures, station de tram du Rondelet. Une dame dans la cinquantaine est assise sur un banc et attend le tram, entourée d’autres personnes. Elle sort son téléphone pour appeler une amie. « Il faisait jour », raconte-t-elle avec une voie amère, j’étais pas seule. Je ne pensais pas que quelque chose pourrait m’arriver. » Tout à coup, un jeune homme - « qui avait l’air tout à fait français », souligne-t-elle - se penche sur elle et lui arrache son téléphone. « Tout n’a duré qu’une seconde. Il m’a arraché le téléphone avec force et, une seconde plus tard, il avait disparu. »

Jusqu’ici, une scène de petite délinquance qui, malheureusement, est fréquente. Plus intéressante, toutefois, est la réaction des gens : « Tout le monde m’a dit qu’il ne vaut même pas la peine de porter plainte. Sauf si on a une assurance. Un homme a dit que la police ne ferait rien. Et je pense qu’il avait raison. » Plus tard, elle en a discuté avec un vendeur dans une boutique SFR : « Lui aussi m’a dit que je perdrais mon temps, si je porte plainte. La police a autre chose à faire que s’occuper de mon téléphone. »

Récit d’une autre dame, d’une quarantaine d’année : « Un jour, je suis rentrée tard, vers minuit peut-être. Sur une petite rue près de la gare - à côté du parc - un groupe de jeunes m’a entouré et menacé. Plus tard, j’ai compris qu’ils ne voulaient que me faire peur… et ils ont pleinement réussi. J’ai pensé qu’ils voulaient me blesser, m’arracher mon sac. Mais finalement, ils sont partis en rigolant. »

Après le départ des jeunes, elle se rend compte qu’il y avait une voiture avec quatre policiers en uniforme qui, « cinquante ou soixante mètres plus loin » ont observé la scène. « Ils ont laissé faire, ils auraient pu m’éviter la peur. Et si les jeunes m’avaient vraiment blessée, ils n’auraient pas eu le temps de s’approcher pour me sauver non plus. »

Les jeunes partis, la voiture se serait approchée d’elle. « Là, je me suis mis en colère, j'ai crié que la police arrive toujours trop tard, comme dans les mauvais Western. Ils se sont fâchés et ont menacé de m’amener au poste. Et voilà. Ils sont courageux s’il s’agit d’une femme seule, dans le choc, mais envers de jeunes bandits, ils n’osent rien. »

« Si j’ai confiance dans la police de Montpellier ? » répète aussi une jeune femme pour, ensuite, raconter qu’elle était témoin d’une action de la police contre les « indignés ». « J’ai vu, comment ils ont traité des gens tout à fait paisible. Dont le seul crime était d’être assis sur la Comédie. Non, ça m’a pas fait confiance. »

Un Monsieur dans la trentaine raconte que, la nuit d’un match de foot, il a observé des jeunes de son quartier brûler deux voitures. « Le feux était visible pour tout le monde, mais la police ne s’est pas montré. Curieusement, il y avait quelqu’un pour s’occuper très rapidement des voitures brûlées : le lendemain midi, on n’en voyait plus rien. »

Un Monsieur dans la cinquantaine parle de bruit. « Dans une maison dans mon voisinage, ils font la fête jusqu’à sept heures le matin, plusieurs fois l’année. Ils mettent leurs enceintes à l’extérieur, et j’ai beau fermer ma fenêtre, je ne peux pas dormir. Parfois les basses sont si fortes que les meubles dansent. » Un jour, vers trois heures, il a appelé d’abord la police municipale, « le numéro spécialisé au bruit », ensuite la police. « A la police municipale, on m’a dit qu’on pourrait rien faire faute de personnel. Et à la police, on m’a clairement fait comprendre que je les embête. On a promis de venir voir, mais quand j’ai demandé à quelle heure ils penseraient se présenter, le policier m’a répondu : ‘ça ne vous regarde pas’. Évidemment, personne n’est venu, la fête a continué. »

Mais pas tout le monde n’a de mauvaises expériences. « Je trouve que la police de Montpellier est très polie. J’imagine qu’elle fait ce qu’elle peut, mais il y a trop de délinquance », explique une dame dans la quarantaine. Et un Monsieur d’à peu près le même âge raconte qu’il aurait été pris dans un grand contrôle devant la gare : « Je ne sais pas, pourquoi la police a contrôlé tout le monde, mais c’était rapide et calme. Ils avaient certainement une raison pour leur action. Ils sont là pour notre sécurité, et on devrait leur remercier tous les jours. »

Un Monsieur dans la cinquantaine n’est pas persuadé de l’efficacité des policiers. « Mais qu’est-ce que vous voulez qu’ils fassent ? Ce n’est pas une question de la police, mais de la société. C’est au gouvernement de bouger. Qu’il donne du travail à tout le monde, assez pour se loger et manger correctement, et le problème sera résolu. » 
Photos et texte : copyright Doris Kneller

vendredi 26 décembre 2014

Gare de Montpellier : la nouvelle gare à l’Odysseum

Les gares de Montpellier dans la discussion : les pour et les contre

Les Montpelliérains sont rarement d’accord - heureusement, car c’est la multitude des opinions qui entretient le mouvement et rend la vie dans une ville intéressante. Mais en ce qui concerne la nouvelle gare TVG de Montpellier, il y a plus ou moins conformité d’avis : presque tous les Montpelliérains la jugent superflue…

Toutefois, personne ne nie qu’elle implique beaucoup d’avantages pour la ville. Déjà, elle amènera à Montpellier encore plus de trains à grande vitesse, ce qui sera un plus pour l’industrie et le tourisme. Montpellier pourrait accueillir encore plus de congrès - la ville figurera parmi les plus accessibles en France. Le temps du trajet Paris-Montpellier, par exemple, sera réduit à trois heures.

Pour favoriser encore plus la vie économique à Montpellier, on prévoit même un véritable pôle d’affaires autour de la gare, avec lien direct vers l’autoroute, un bus vers l’aéroport et deux trams - la ligne 1 qui sera prolongée et la ligne 3 - qui amèneront les voyageurs en ville. Bref, celui qui arrive à Montpellier ne sera plus immédiatement en ville - comme c’était toujours le cas - mais il pourra tranquillement prendre le tram    

Toutefois, peut-être le voyageur n’aura-t-il même pas envie de se déplacer jusqu’au centre de Montpellier. Car autour de la gare, il trouvera tout ce dont il aura besoin : des appartements qui d’ici-là seront construits, des commerces, des entreprises et, comble de tout, deux cents hectares d’espace nature qui, lui aussi, sera à construire…

Mais ce n’est pas tout : la nouvelle gare aura assez de parkings pour que les voyageurs puissent y laisser leurs voitures, et elle sera même desservie par des voies cyclables. Bref, elle sera plus accessible que jamais une gare à Montpellier.

On ne circulera pas uniquement à l’extérieur de la gare, mais aussi à l’intérieur : les huit voies destinées aux trains grande vitesse seront placées dans un espace de dix mille mètres carrés. Et le commerce ne sera pas oublié non plus : à lui, les décideurs ont réservés mille cinq cents mètres carrés - le voyageur aura de quoi acheter.

Les Montpelliérains pourraient donc être contents - pense la Municipalité. Toutefois, il y a mêmes des élus qui ne sont pas d’accord : les écologistes rappellent gentiment que la gare sera placée en zone inondable.

« Ce que je pense de la nouvelle gare ? », répète une dame dans la quarantaine la question de Montpellier Presse Online. « Je ne l’aime pas, tout simplement. Elle a l’air pompeux, en été on étouffe sous la coupole en verre, et elle n’est pas agréable. J’aimais bien l’ancienne gare, il faisait partie de Montpellier. »

La dame parle de la nouvelle gare au centre de Montpellier. Et la toute nouvelle gare planifiée près de l’Odysseum ? En est-elle au courant ? « Bien sûr. Encore un projet de prestige qui ne sert à personne, mais qui coûte notre argent. »

Un Monsieur dans la trentaine parle également de l’argent pour payer la construction de la nouvelle gare TGV. « J’ai lu qu’elle coûtera 350 millions d’euros », explique-t-il. « Imaginez ce que ça signifie. Une somme qui, pour nous, est totalement virtuelle. Qu’est-ce qu’on ne pourrait pas faire pour les Montpelliérains, avec tout cet argent. Mais non, il faut qu’on la mette dans une nouvelle gare qui ne servira qu’à enrichir les riches. »

Un autre Monsieur, beaucoup plus âgé que le précédent, pense plutôt à sa commodité. « Je vais souvent à Paris, pour mon travail », raconte-t-il, « et je prends le TGV. Parfois, je pars très tôt et j’ai besoin de prendre le premier tram pour le capter. Ou je rends très tard le soir. Si je suis obligé d’aller jusqu’à l’Odysseum pour le prendre, j'ai besoin d'un taxi, le matin. Parce que le voyage en tram sera plus long pour moi, et le premier tram partira trop tard. Mais mon employeur ne me payera pas de taxi, c’est pas son problème. Je dois payer, moi. Monsieur le Maire ne me remboursera pas non plus, la ville est là pour encaisser », il commence à se mettre en colère, « pas pour rembourser les victimes de sa politique. Pourquoi on ne laisse pas la gare au centre-ville ? C’est plus commode pour tout le monde et plus logique. »

En autre Monsieur évoque également ses voyages professionnels à Paris qui, pour lui aussi, seraient moins commodes. « Heureusement je serai bientôt en retraite, j’aurai pas besoin d’utiliser la nouvelle gare. » Et il ajoute : « Montpellier n’est plus ce qu’il était. »

Cette notion nostalgique revient dans plusieurs réponses. « Les nouvelles gares sont certainement bien pour l’économie », avoue une dame dans la trentaine, « mais j’ai bien aimé l’ancienne. » Ou une dame une dizaine d’années plus âgée qu’elle : « On ne reconnaît plus le centre-ville. L’ancienne gare nous servait bien, la terrasse du ‘Lezard’ était agréable. On n’a pas eu besoin d’une nouvelle gare et on n’a pas non plus besoin de deux gares. »

Un Monsieur dans la cinquantaine, en revanche, est contre la nostalgie. « La ville de Montpellier s’est développée est se développera encore plus. Que veulent les gens ? Un petit bled dans le Sud où personne ne trouve du travail ? Une ville de retraités ? Si ils veulent que Montpellier soit une ville avec avenir, postes de travail, moderne et internationale, il faut accepter qu’elle grandisse. Et les nouvelles gares la lancent dans cette direction. On ne peut pas grandir avec une petite gare qui date encore de… », il hésite ne connaissant pas la date, mais il se rattrape rapidement, « d’une époque où Montpellier n’était qu’un village. »
Photos et texte : copyright Doris Kneller