jeudi 31 décembre 2009

Comédie, Antigone, Peyrou : Montpellier la jeune

Jeune, dynamique, écologique : faut-il être né à Montpellier pour être Montpelliérain ?

Louis XIV à Montpellier
Bonne année, Saint Louis de Montpellier

Montpellier et ses Montpelliérains... On ne peut pas dire qu'ils sont "entre eux", ce jeudi 31 décembre. La ville grouille de visiteurs. La place de la Comédie est une véritable "Tour de Babel" - on entend de l'anglais, puis de l'allemand, de l'espagnol, du hollandais, du japonais, du suédois et d'autres langues parfois difficiles à classer.

Londres, été 2009. Pascale, peintre, Montpelliéraine de naissance, raconte son histoire. "J'étais très heureuse à Montpellier", explique-t-elle, "mais j'avais besoin de voir le monde." Paris, New York, Londres, des stations en Italie, à l'Île Maurice, au Maroc, son chemin l'a menée loin. Et parfois, elle retourne à Montpellier. "Je ne retrouve plus la petite ville de mon enfance. Le centre, bien sûr, le centre existe toujours, avec ses ruelles étroites. Mais le reste - même la Comédie n'est plus ce qu'elle était. On n'est plus entre nous. Montpellier est devenu si... immense."

Non, il est vrai, Montpellier n'est plus ce qu'il était. Un homme âgé, probablement retraité, qui se promène à la Comédie hausse les épaules. "Désolé, ce ne fait que quatre ans que je suis à Montpellier. Je ne peu rien vous dire." Une dame, à peu près du même âge, se tient devant la fontaine des Trois Grâces. Elle attend son fils, mais elle a le temps. "Si je suis Montpelliéraine ?" Elle rigole. "Oui, on peut dire ça. Je suis ici depuis trente ans, ça fait une baille." Mais, en fait, elle n'est pas née à Montpellier ? "Faut-il être née à Montpellier pour être Montpelliéraine ?"

Montpellier, AntigoneOui, elle est d'accord avec Pascale. Montpellier a beaucoup changé. Les places sont devenues plus larges, les bâtiments plus hauts. "Mais pas plus hauts que l'arc de triomphe." Décidément, elle connaît bien l'histoire de Montpellier. Et il y a aussi les nouveaux quartiers, l'Antigone, le tram et beaucoup plus de gens. "Tous des jeunes", dit-elle, songeuse. Puis elle ajoute : "C'est bien. Montpellier est devenu jeune."

Il y a autant du monde au quartier de l'Antigone qu'à la place de la Comédie. Un groupe de jeunes filles se promène autour la statue du Poséidon. "Je suis anglaise", déclare la première dans un français bien compréhensible. "Ça fait trois semaines que je suis à Montpellier. J'étudie le français." Que pense-t-elle de Montpellier ? "J'aime", dit-elle avec un petit sourire. Vraiment ? Sans retenue ? "Oui, mais... well, les gens ne sont pas toujours gentils. Ils n'aiment pas dire bonjour. Et les commerçants sont", elle hésite, "unfriendly ?" - "Pas aimable", la soutient une copine, anglaise elle aussi. "Oui, si on veut savoir quelque chose dans un magasin comme ... (elle nomme un grand magasin du Polygone), ils ne répondent pas ou pas poliment."

Montpellier ville "pas aimable" ? Que cela ne tienne. "Oui, c'est vrai", consent une femme d'une quarantaine d'années. Elle sait de quoi elle parle, vu qu'elle fait partie "des rares bêtes qu'on trouve encore ici qui sont nées dans cette ville." Selon elle, Montpellier aurait perdu son amabilité. "Je ne sais pas à quoi c'est dû", dit-elle, "mais quand j'étais enfant, c'était normal de se dire bonjour. Aujourd'hui, les gens vous regardent bizarrement. On se connaît pas, on n'a plus rien à voir l'un avec l'autre. Peut-être y a-t-il un peu trop de gens à Montpellier ?"

Montpellier, Peyrou
Bonne fête, Montpellier, à l'année prochaine

Brigitte qui traverse juste le jardin de Peyrou est une autre de "ces bêtes rares... nées dans cette ville". Mais elle n'a que 16 ans. "On jour je partirai, c'est clair", elle sourit, "peut-être en Angleterre ou aux États-Unis. Pour apprendre l'anglais." Mais bien sûr, elle aime Montpellier. "Pas aimable ? Non, pourquoi Montpellier serait moins aimable que d'autres villes ?" Dit-elle bonjour aux gens qu'elle ne connaît pas, qu'elle rencontre, par exemple, dans l'immeuble où elle habite avec sa mère ? "Euh, non." Elle réfléchit, puis : "Bien sûr que je dis bonjour. Aux voisins, aux gens que je connais. Mais pas à des étrangers. Pourquoi ?"

Y a-t-il quelque chose qui ne lui plaît pas à Montpellier ? "Oh non", répond-elle spontanément, "on peut tout faire ici, c'est très bien. La ville est très dynamique. Et écologique aussi, c'est important. Et j'ai beaucoup de copains et de copines étrangers, c'est très bien, aussi." Toutefois, après réflexion, elle ajoute : "Ce qui est dommage, c'est que les copains étrangers partent tous si vite. Ils restent deux mois, trois mois, et après ils s'en vont. C'est un peu triste."

Montpellier, une ville qui a changé, qui est devenu immense, dynamique, écologique. Où même les "autres", nés "ailleurs", peuvent se sentir Montpelliérains. Où les étudiants arrivent, "aiment" et s'en vont de nouveau. "Mais c'est pas si grave". Brigitte se dépêche de corriger l'image "un peu triste" qu'elle a tracée. "Les uns s'en vont, les autres arrivent. Et on peut toujours s'écrire et se rendre visite. Comme ça, je peux voir d'autres pays."

"Oui, j'aime être à Montpellier", assure un jeune homme allemand, lui aussi étudiant. "Y a toujours quelque chose qui se passe. Je dois partir bientôt, mais je reviendrai."

Ils ne reviennent peut-être pas tous, mais ils en ont envie. Montpellier ne s'oublie pas si facilement. Montpellier, "c'est bien", c'est "devenu jeune". Si, l'année prochaine, cette "nouvelle jeunesse", peu importe son âge, pourrait dire "bonjour" un peu plus facilement, avec le sourire adéquat, Montpellier sera peut-être... une ville parfaite...
Photos et texte : copyright Doris Kneller

mercredi 30 décembre 2009

Linné à Montpellier : Boissier de Sauvages et le Jardin des Plantes

Jardin des Plantes : Carl von Linné, Boissier de Sauvages et l'échange de connaissances à Montpellier

Jardin des Plantes, Montpellier
Jardin des Plantes, jardin botanique, peu importe comment la presse appelle ce bijou montpelliérain de la botanique, il reste un des points d'attrait les plus importants pour ceux qui, à Montpellier, ont envie de se promener et de prendre l'air. Pour une fois, les habitants de la ville et les touristes sont d'accord : le Jardin des Plantes de Montpellier est une des jardins les plus beaux de la France. Mais cela n'est pas tout : il est aussi le jardin botanique le plus ancien de la France. Et comme si cela n'était pas suffisant - sa réputation scientifique est énorme...

Les noms cités en relation avec le Jardin des Plantes de Montpellier font rêver non seulement les botanistes mais tout ceux qui, amateurs ou scientifiques, s'intéressèrent jamais à la botanique : Pierre Richer de Belleval, Pierre Magnol, Hervé Harant et, bien sûr, le plus grand aux yeux de beaucoup de botanistes, Carl von Linné. Que le naturaliste suédois - à l'époque, on préférait encore l'expression "naturaliste" à "botaniste" - est le père de la classification biologique est déjà un facteur important. Mais ce qui est encore plus important - au moins pour Montpellier - c'est que quelques traces de cette classification mènent directement au Jardin de Plantes de notre ville. Un exemple peu connu à l'extérieur de Montpellier : le nom de la Magnolia ne vient pas du latin ni de l'imagination de Linné, mais de l'envie du botaniste d'honorer son ami et collègue Pierre Magnol, directeur du Jardin des Plantes à Montpellier.

Montpellier, jardin botaniqueMagnol n'était évidemment pas le seul directeur à mériter qu'une plante éternise son nom. Mais les autres idées de Linné s'orientèrent plutôt vers la ville de Montpellier elle-même. Grâce à lui, on peut dire que le nom de Montpellier est connu par les botanistes du monde entier. Il y a, par exemple, la Chrysanthème de Montpellier - Chysanthemum monspeliense en latin - une des plus belles Chrysanthème qui proclame l'amour de Linné pour notre ville. Ou la Ciste de Montpellier ou le petit Œillet de Montpellier ou, parmi les arbres, l'Érable et l'Euphorbe de Montpellier... la liste est énorme.

On pourrait se demander, comment un Suédois pourrait à tel point s'intéresser à un jardin botanique au Sud de la France. Car bien que le Jardin des Plantes à Montpellier fût déjà bien réputé, il y a un long chemin à parcourir entre Stockholm et Montpellier - notamment au milieu du 18e siècle. - Le "chaînon manquant" s'appela François Boissier de la Croix de Sauvages. D'abord docteur de médecin, ce Montpelliérain s'intéressa beaucoup à la classification. En 1731, il publia une œuvre sur les "Nouvelles classes de maladies" et fut le premier à appliquer à la médecine les classes de la botanique. En 1752, la médecine ne lui suffit plus. Il devint alors professeur de la botanique et constitua un catalogue de 500 plantes de Montpellier, toutes classées selon la forme de leurs feuilles.

Linné à MontpellierIl est certainement dommage que Boissier de Sauvages et Carl von Linné ne se rencontrèrent jamais - ils étaient nés pour être amis. Mais leur correspondance comprend une bonne cinquantaine de lettres dont, comme on peut facilement imaginer, la plupart parle de leur passion commune, la classification des plantes. Ils n'étaient peut-être pas toujours d'accord : un jour, Carl von Linné, éternel sceptique, aurait écrit : "Il est certain que la méthode de M. Sauvage est nulle." Mais cela ne veut pas dire que l'un ne respecta pas les connaissances de l'autre, et, en général, la passion domina les différences d'opinion.

C'est aussi grâce à cette passion commune qu'un trouve un Montpelliérain dans les annales de l'Académie royale des sciences à Stockholm dont Boissier de Sauvages fut élu membre en 1749 - avec le soutien de son ami Carl von Linné - qui, déjà en 1743, fut nommé membre de l'Académie royale des sciences de Montpellier.

Sans doute : Montpellier, déjà à cette époque, sut "importer" et "exporter" la "qualité"…

Montpellier et son Jardin des Plantes : d'Edward Young à Paul Valéry
Pierre Magnol au Jardin des Plantes à Montpellier
Pierre Richer de Belleval et le Jardin des Plantes à Montpellier
Photos et texte : copyright Doris Kneller

lundi 28 décembre 2009

Culture à Montpellier : entre Comédie des livres et Festival de Radio France

Livres, cinéma, théâtre - Montpellier et son Agglo face à la culture

Montpellier, la Région
La Région : culture à Montpellier

Fin de l'année, époque des comptes rendus, des promesses et des bonnes intentions - notamment des promesses et des bonnes intentions que l'État prononce par rapport aux désirs de ses protégés. Et, déjà, l'année s'annonce bien pour Montpellier et son Agglo ou, au moins, pour les amateurs de livres ou, plutôt, pour ceux qui les vendent... Car les librairies de Montpellier et de son Agglo n'auront pas à payer la taxe professionnelle 2009. Une bonne nouvelle pour leurs propriétaires. Personne, toutefois, n'a dit que cela s'appliquerait aussi aux éditeurs installés à Montpellier. Et personne, non plus, n'a parlé d'un impact de la mesure sur le prix des livres...

Brigitte Choplain à l'orgue de BarbarieMais on ne peut pas avoir tout, et un soutien des librairies, cela n'est déjà pas mal. Et en plus, il y a les subventions pour montrer, à quel point Montpellier est proche de sa culture. Ainsi, selon un article de Midi Libre, le "Festival de Radio France à Montpellier" reçoit 300.000 € de subventions. En contrepartie, il ouvre les portes d'une grande série de concerts aux chômeurs et autres personnes qui ne peuvent ou ne veulent pas payer, organise une semaine de table ronde philosophique gratuite pour le public et programme plusieurs semaines de films, également gratuits.

Montpellier : Brigitte Choplain et son orgue de Barbarie

Le "Festival Montpellier Danse" qui, également, propose quelques manifestations gratuites, pense toutefois dans des chiffres différents : 1.219.600 € pour la danse à Montpellier. Une somme qui est bien plus large que celle adjugée au Théâtre des Treize-Vents et son nouveau directeur Jean-Marie Besset : le Centre dramatique national de Montpellier doit se débrouiller avec le chiffre (presque) magique de 750.750 €.

Mais Montpellier et son Agglo n'oublient pas non plus des manifestations un peu moins connues : le "Printemps des Comédiens", un "must" pour les Montpelliérains mais peut-être pas encore pour tous ses visiteurs est soutenu avec 400.000 € tandis que l'Opera junior de Vladimir Kojoukharov, cette institution si efficace pour rapprocher la jeunesse de la musique classique, n'est pas oublié non plus : il reçoit 80.000 €

Théâtre ou pas théâtre, cela n'est peut-être pas la question, mais pour ceux qui préfèrent le cinéma, les 400.000 € accordés au Festival international du cinéma méditerranéen sont certainement un bon investissement. Et puis, il reste tous ces autres théâtres, festivals et autres Club de la Presse a qui on a également pensé...

Corum, MontpellierEn tout, 13 867 650 € pour la culture - chapeau Montpellier et son Agglo. Toutefois - la distribution de cette somme est-elle toujours juste ? Certainement pas. Pleins d'associations qui font du bon travail sont oubliés ou presque. Mais qui est à blâmer ? Qui s'investisse pour montrer aux responsables dans quels profondeurs de Montpellier se cache une partie de notre valeur culturelle ? - Une tâche à suivre...

Le Corum, la culture à Montpellier

Mais l'argent n'est pas tout et les livres, sans doute, sont plus importants : et qui dit nouvel an dit aussi fin de la saison, bientôt, dans quelques mois. Et fin de la saison, à Montpellier, c'est la Comédie des livres sur la place de la Comédie. Cette année-ci, la vedette n'est pas accordée à un pays européen, ni asiatique. Cette année-ci, le comité de la Comédie a fait un choix qui plaît beaucoup au président de l'Agglo, George Frêche : Les États-Unis.

Photos et texte : copyright Doris Kneller

jeudi 24 décembre 2009

Place de la Canourgue, Montpellier : la fontaine des Licornes

Une ville et ses statues : Montpellier, la place de la Canourgue, d'Assas, d'Antoine et les licornes

Les Licornes, MontpellierAu XIXe siècle, elle était la place la plus belle de Montpellier : baignée dans l'ombre des micocouliers, la place de la Canourgue était entourée des hôtels particuliers dont le plus riche et noble fut celui des Richer de Belleval, la famille du fameux Pierre Richer de Belleval, créateur du jardin des plantes à Montpellier. Et ce fut ici que résidait la mairie de la ville.

Pour les Montpelliérains de l'époque, la place de la Canourgue représentait ce qui, aujourd'hui, est la place de la Comédie : un endroit où on se promenait pour voir et être vu, où des musiciens de rue et des professionnels donnaient des concerts, où on trouvait les stands de toute sorte de commerçants - une place qui était vivante.

Place de la Canourgue, MontpellierIl est clair qu'une place si belle - une place qui, en plus, s'étendait devant la mairie - méritait une fontaine et une belle statue. Et quelle autre fontaine pourrait être digne de cette place que celle qui ornait déjà la place devant l'ancienne mairie ? La fontaine de la Licorne fut donc déplacée.

Au moment de sa création, les Montpelliérains ne pensaient pas seulement à la beauté des Licornes éternisés en pierre, mais aussi - ou surtout - au besoin urgent de l'eau et, par conséquent, des fontaines. En ce moment, on était au beau milieu du XVIIe siècle, on avait déjà le viaduc du Pérou, mais l'eau ne suffisait pas. On décida alors de construire trois fontaines avec un débit d'eau énorme. La première de ces fontaines fut celle des trois Grâces - et la troisième fut couronnée par la statue des Licornes.

Licornes, Place de la CanourgueDès leur création en 1776, on jugea les Licornes dignes d'enjoliver la place de la mairie qui, en ce moment, s'appela Notre Dames des Tables - notre place Jean Jaurès actuelle. Car il est clair que les Montpelliérains avaient besoin des fontaines, mais, avec l'envie habituelle des responsables de la ville d'offrir à Montpellier tout ce qui est beau et cher, on décida que ces fontaines devaient être parées par les plus belles statues.

En 1865, après le déménagement de la mairie vers la demeure des Richer de Belleval - où elle devrait rester jusqu'à 1975 -, on replanta les Licornes sur la place de la Canourgue, d'où elles avaient une vue imprenable sur la cathédrale Saint-Pierre. Pendant un moment on réfléchit d'ailleurs si la place de la Canourgue ne serait pas aussi idéale pour accueillir la nouvelle cathédrale de Montpellier - mais cela est une autre histoire.

Licornes, fontaine à MontpellierLe créateur des Licornes fut Étienne d'Antoine, le sculpteur qui était déjà à l'origine des trois Grâces. Mais tandis qu'il devrait attendre plusieurs ans avant qu'on accepte ses trois Grâces - dont on critiqua la nudité - il était bien plus heureux avec la fontaine des Licornes. Toutefois, ceci ne fut peut-être pas le mérite des beaux animaux de légende, mais celui du maréchal de Castries à qui la statue fut dédiée. C'est que, en 1760, ce maréchal fut le héros de la bataille de Clostercamp en Westphalie qui, comme nous racontent les livres d'histoire, devenait décisive pour la guerre de Sept Ans. - Et comme, à l'époque, les Montpelliérains (ou leurs politiciens) s'enthousiasmaient pour tout ce qui était armée française, il est clair qu'une statue érigée à l'honneur d'un héros français fut bien accueillie.

On dit que les Licornes "parleraient" aussi du jeune Nicolas-Louis d'Assas, sans lequel la bataille aurait été perdue. Mais il est peu probable que le sculpteur d'Antoine pensait au jeune héros issu d'une famille huguenote, lorsqu'il donna à la statue sa forme de Licornes. Et il est encore moins probable qu'il voulait offrir aux Montpelliérains des bêtes fabuleuses. On dit qu'il choisit les Licornes surtout pour plaire à ses commendataires - car les Licornes rappellent, tout simplement, les armes de la famille des Castries.

Une ville et ses statues : Montpellier, Louis XIV et le Peyrou
Une ville et ses statues : Les trois Grâces de Montpellier
Photos et texte : copyright Doris Kneller

mercredi 23 décembre 2009

Bofill, Antigone, Montpellier et l'architecture en verre : écologique, beau et étonnant

Le verre à Montpellier - Bofill et l'architecture montpelliéraine

Montpellier, piscine olympique"Le contraste" pourrait être le mot clé pour comprendre Montpellier, la jeune, la traditionnelle, la ville moderne. Les vieilles maisons du cœur de la ville, du fameux Écusson, ne contredisent pas à ce principe : ancien et moderne, grand, petit et immense, nature et béton - tout cela est Montpellier. Et, depuis les années 80 où un homme de Barcelone du nom de Ricardo Bofill est "passé" en ville, on voit du verre, beaucoup de verre...

Montpellier, archtectureAu moment où l'architecte catalan entame l'immense projet de l'Antigone à Montpellier, son "Taller de arquitectura" est déjà créé, cet atelier d'architecture réputé pour ses idées spectaculaires et sa tendance du grandiose. Le style des maisons sur la Place de l'Europe à Montpellier ou la piscine olympique cadrent bien avec cette réputation du "Taller" de Bofill, ce style inventif, développé par un architecte qui ne craint pas l'emphatique. L'Antigone devient la contradiction et, en même temps, le complément de la vieille ville où, il y a encore trente ans, une "poigne de gens du Midi", comme l'expriment les vieux Montpelliérains de "souche", étaient "entre eux".

Comment comprendre cette face d'une ville ancienne redevenue jeune, ce monde où un ancien bâtiment comme l'Opéra-Comédie étincelle sous des lumières modernes et écologiques, où la vie se reflète dans le verre de l'Antigone, de la piscine olympique, de la région, dans toutes ses fenêtres grandeur vie qui témoignent de l'époque ou un maire nommé George Frêche a fait appel à un catalan nommé Ricardo Bofill…

Place d'Europe, Montpellier"Le verre", apprenons-nous de Robert James, architecte londonien en retraite à Montpellier, "est un matériau étonnant. Il est beau et fonctionnel. Aucun autre matériau n'est capable de capter et de garder la chaleur comme le verre. Il fait économiser l'énergie et, par conséquent, il est hautement écologique."

Hautement écologique, cela cadre avec la réputation envisagée par Montpellier. Mais capter et garder la chaleur, est-ce utile dans une ville du Midi ? - "Bien sûr", Christine, la femme d'origine allemande de l'architecte, éclate de rire. "Bofill n'était pas si bête. Il a utilisé des techniques d'isolation qui était exemplaires pour son époque."

Et la beauté du matériau ? - Cela dépend de l'environnement, de ces maisons, des arbres et du ciel qui se reflète dans le verre des façades en verre. Bofill aimait les lignes droites, symétriques, aptes à souligner la différence avec l'ancien. Ces maisons, au moment de leur planification, n'étaient pas des "bâtiments", mais des concepts, évoquant la tradition des jardins français qui se considéraient comme point central, point de départ de l'œil qui glisse sur un paysage formé et déformé par la main du jardinier...

Architecture à MontpellierBofill, un jardinier dont Montpellier est le jardin ? Ses façades en verre - et celles qui, plus tard, furent construites sur son modèle - ne sont pas la vie, mais elles la reflètent. Elles enlèvent le spectateurs de la réalité et l'amènent dans un monde parfait, un univers idéalisé, irréel, rempli de lumière.

Un univers, aussi, du tourisme : "Aimez-vous l'Antigone ?" Une petite famille, mère, père, deux enfants qui s'arrêtent devant la piscine olympique pour contempler les reflets - les enfants rient, le père hésite. "Je ne sais pas", répond la mère, "je ne suis pas sûre. Et toi ?" s'adresse-t-elle à son mari. L'homme hausse les épaules. "Je ne sais pas non plus. Ce n'est pas vraiment beau ou, peut-être si, c'est d'une certaine beauté. De toute manière", ajoute-t-il, "c'est très impressionnant." Il hésite de nouveau. "Et, je pense, unique."
Photos et texte : copyright Doris Kneller

mardi 22 décembre 2009

Place de la Comédie à Montpellier : deux jours avant Noël...

Noël à Montpellier : les Montpelliérains et le courage d'être heureux

Noël à Montpellier"Je sais, tout le monde dit qu'on a horreur de Noël. Mais pas moi", dit la jeune femme en ajustant ses nombreux paquets. Elle a un sourire heureux. "Moi, j'aime Noël."

Mardi 22 décembre, place de la Comédie, Montpellier. L'air est festif. Un haut-parleur diffuse les mélodies classiques de Noël. Il fait doux de nouveau, oublié le froid des derniers jours. Des gens stressés traversent le marché de Noël, d'autres traînent, regardent les stands avec des yeux brillants - ou tristes.

"Non, ne me parlez pas de Noël, s'il vous plaît", dit une autre femme, un peu moins jeune. "C'est une époque si triste. Tant de gens sont seuls. On parle d'une fête de famille - comme si tout le monde avait des familles…"

Sera-t-elle seule pour Noël ? "Non", elle sourit, "il y aura mon fils et mon copain." Ainsi, pourquoi n'est-elle pas heureuse, en pensant au réveillon de Noël qu'elle fêtera "avec un petit repas sympa, entre nous trois" ? - "Parce qu'il y a tant de gens tristes autour de moi que je n'arrive pas à être heureuse."

Montpellier, place de la ComédieNoël, une fête triste ? Une fête de solitude ? - "Il est vrai que les média exagèrent l'importance de Noël," commente un homme lui aussi couvert de paquets. "Surtout son côté commercial. Ce n'est pas normal que les gens soient obligés de s'endetter juste pour faire des cadeaux de Noël."

Ne serait-ce pas temps de revenir un peu aux idées initiales de Noël ? "Oui", répond une dame âgée, "Noël est la fête de l'amour. Et je veux montrer à mes petits-enfants que je les aime. Mais je n'ai pas besoin d'acheter des cadeaux chers pour qu'ils comprennent. Je les aime, et ils m'aiment." Toutefois, il n'y a pas tout le monde qui a des enfants ou des petits-enfants : "Je suis toujours seul", se plaint un homme d'environ 70 ans. "Noël ou pas, c'est pareil. Mes enfants ne viennent jamais me voir. Une carte, de temps en temps, ou un coup de fil, c'est tout. Ils ont fait leur vie…"

Les Montpelliérains au marché de NoëlC'est quoi, alors, Noël a Montpellier ? Une discussion sur être seul ou non, sur dépenser beaucoup ou peu d'argent ? - "Personne ne doit être seul à Montpellier", dit une autre jeune femme en souriant. "Heureusement, il y a OVS." OVS, ce fameux site "On Va sortir" qui lie les gens à Montpellier, qui les fait sortir ensemble, "qui fait en sorte que personne ne soit seul". Mais est-ce suffisant ?

"Je trouve qu'on devrait oublier toutes ces idée préconçues." C'est de nouveau un homme qui parle, d'une quarantaine d'années. "Toutes ces idées d'être seul à Noël, de s'aimer ou non, de se faire des cadeaux - ça ne sert qu'à se faire du mal. Pour les gens non croyant, c'est une journée hivernale comme une autre. Ou, au moins, ça devrait être une journée comme une autre…"

"Il a raison", répond une jeune femme qui a capté ses mots. "Mais, malgré tout, ce n'est pas facile."

"Si, c'est facile", s'en mêle une femme qui s'approche de la cinquantaine. "Il faut juste oublier ses préjugés. Et avoir le courage d'être heureux. Parce que c'est ce qui manque le plus : le courage d'être heureux."

Faut-il être courageux pour être heureux, notamment à Noël ? "Oui", consent un jeune homme, "parce qu'on a toujours tendance de penser aux malheureux, surtout à l'époque des fêtes. Et il faut faire tout pour les aider. Mais il faut aussi penser aux priorités : à ce qu'on a - une famille, une petite amie, des amis en général. Ou, tout simplement, une invitation à une fête. Tout le monde devrait être invité, quelque part. Et rire, surtout rire." Le jeune homme sourit. "Qui a dit que Noël doit être une fête sérieuse ?"

Noël à Montpellier : bonne ambiance sur la Comédie et l'Esplanade
Marché de Noël : Montpellier se prépare
La ville de Montpellier à l'ère "avant"... le marché de Noël
Photos et texte : copyright Doris Kneller

lundi 21 décembre 2009

Montpellier, Le Bookshop : Benoît Ivernel chante Gershwin et Jacques Brel

Benoît Ivernel à Montpellier : son premier concert "grand public", accompagné par Maren Carlsen

Benoit Ivernel et Maren CarlsenAprès ses premiers succès à New York, c'est maintenant à Montpellier que Benoît Ivernel fit ses débuts comme chanteur. Au "Bookshop" au cœur de l'Écusson, Benoît Ivernel, accompagné par la pianiste Maren Carlsen, régala son public avec des chansons américaines telles que "Summertime" ou "Someone to watch over me" de Gershwin ou une adaptation anglaise du fameux "Ne me quitte pas" de Jacques Brel, traduite par "If you go away".

Initialement, Benoît Ivernel qui interprète ses chansons avec une sensibilité qui ne peut que toucher son public commença à chanter "pour faire plaisir aux personnes âgées". Et ce fut effectivement un tel public qui fut le premier à avoir le plaisir d'entendre sa belle voix sonore et assez grave. "C'était le film I feel good qui m'a donné le déclic." L'histoire d'une chorale de gens du "troisième âge" qui s'éclatent en voyageant et chantant un peu partout, qui se font plaisir et amènent le plaisir aux autres, l'impressionna au point de comprendre que ce fut la voie qu'il avait cherchée. "Début 2009, j'avais décidé de passer quelques mois à New York. Je voulais y faire le bénévolat, mais je savais pas encore, quoi." Grâce au film, il comprenait ce qu'il voulait faire.

Benoit Ivernel à MontpellierMontpellier, Benoit IvernelBenoit Ivernel au BookshopBenoit Ivernel débute à Montpellier
Benoît Ivernel commença donc à prendre des cours de chant d'abord à Montpellier, puis à New York, jusqu'à ce que, un jour, il ose se produire devant un club de personnes âgées. Et son public fut enthousiasmé. "Our very Charles Aznavour", apparut bientôt sur les affiches, "notre Charles Aznavour à nous". Ils adorèrent qu'il chantait en français. "Mes chansons leur ont rappelé les vacances à Paris."

Que Benoît Ivernel sent-il lorsqu'il chante devant un public ? - Il sourit. "Une question bien difficile." Il aima toujours chanter. "Quand j'était gamin, j'ai chanté avec des disques - Jacques Brel, Charles Aznavour, Charles Trenet, Gilbert Bécaud,..." Plus tard, il chanta dans les chorales. "Ce que j'ai aimé le plus ? Le classique, la variété - oui, c'était la variété qui m'a toujours plue."

Benoit Ivernell à Bookshop, MontpellierLe concert au "Bookshop" fut une première : "Jusqu'à maintenant, j'ai toujours chanté dans des clubs de troisième âge ou pour des amis." Mais là, ce fut le "grand public", un public où il y avait aussi des inconnus, qui écoutaient ses chansons. "J'avais le trac", confie Benoît Ivernel au blog des "Gens de Montpellier". Mais une fois lancé, le trac était parti - "au moins partiellement", ajoute-t-il, souriant.

Mais "Gens de Montpellier" insiste : que Benoît Ivernel ressent-il quand il chante ? - "Pour le moment, du soulagement que je suis arrivé jusqu'au bout", plaisante-t-il et éclate de son rire contagieux. Ensuite, il devient sérieux. "Quand j'arrive à me détacher de la technique, je plonge vraiment dans l'histoire de la chanson" - ce qui, sans doute, se sent par la sensibilité avec laquelle il déclame des mélodies comme "Summertime". Et maintenant ? "Maintenant, je ressens la joie d'avoir - j'espère - diverti les gens et, peut-être, de les avoir un peu émus."
Photos et texte : copyright Doris Kneller

samedi 19 décembre 2009

Opéra-Comédie : Montpellier, ville écologiste, ville pionnière

Place de la Comédie à Montpellier : l'esprit écologique fait école

"L'éclairage de l'Opéra-Comédie vous semble-t-il différent des autres années ?" Oui, sans doute, ils l'ont tous remarqué, les flâneurs sur la Place de la Comédie : "Il y a quelque chose de différent - mais je ne sais pas… si, les lumières sont plus douces, plus jolies…"

Montpellier, place de la ComédieQue l'éclairage soit plus joli, ceci est certainement appréciable. Mais ce qui est plus important : il est aussi plus économique et, surtout, écologique. Non seulement que la consommation d'énergie est diminuée, ce qui fait certainement du bien au portefeuille de la ville, il y a aussi moins d'émission de gaz - de ce gaz qui provoque le fameux effet de serre et le changement climatique tant discuté ces jours-ci.

Déjà l'année dernière - et les années auparavant - les Montpelliérains et leurs visiteurs étaient d'accord que l'éclairage de l'Opéra-Comédie et de la place de la Comédie en général était très agréable : 600 lampes halogènes, cela fait effet. Mais si on remplace ces 600 lampes avides d'énergie par des lumières "fluo compactes", l'idée des bienfaits écologiques les rend encore plus appréciable.

Montpellier écologieLa mairie a fait ses calculs : si, selon elle, on allume ces lumières pendant cinq heures par jour, sur la base de 200 jours par an, on ne dépense que 12.460 KWh au lieu des 48.840 KWh consommés par l'ancien système d'éclairage. Ces chiffres sont déjà impressionnants. Mais ils vont encore plus loin : tandis que les anciennes lumières ont diffusé 43,956 tonnes de gaz à effet de serre, cette production si nuisible pour notre atmosphère est maintenant réduite à 16,356 tonnes pour le même temps d'éclairage, c'est-à-dire pour 200 fois cinq heures par an.

Toutefois, l'idée est aussi d'épargner de l'argent - peut-être au contribuable, mais de toute manière à la ville. Ainsi, une ampoule du nouveau type aurait une espérance de vie 15 fois plus longue que l'ancienne. Ceci signifie non seulement que, tout compte fait, les nouvelles ampoules sont moins chères - bien qu'au moment de l'achat, elles coûtent deux fois et demi plus cher que les ampoules "classiques" - mais on a aussi besoin de beaucoup moins de main d'œuvre pour les changer. Alors moins d'employés à payer... et moins d'emplois à Montpellier... Serait-ce possible que l'idée de l'écologie rimerait à - chômage ?

Le projet de l'Opéra-Comédie représente la première réponse à l'appel - renouvelé lors du sommet de Copenhague - de diminuer la production des gaz à effet de serre et, bien évidemment, d'utiliser moins d'énergie. Avec cette initiative - entamée déjà fin 2008 -, Montpellier s'est fait pionnier du concept général récemment conçu qui a été baptisé le PCET : Plan Climat Énergie territorial. Il concerne les collectivités, c'est-à-dire les villes et villages français de toutes les tailles, censés participer activement à la diminution des effets de serre et, par conséquent, à la lutte contre le changement climatique.

Montpellier, Opéra-ComédiePour Montpellier, le sigle PCET se traduit par PCT, Plan climat territorial, qui a vu le jour à Castelnau le Lez et représente un partenariat entre Montpellier et Castelnau. Avec ce projet, les deux communes sont les premières en France à réagir au concept du Plan Climat Énergie territorial.

Le Plan climat territorial de Montpellier et Castelnau le Lez part du principe que beaucoup de communes pourraient se joindre à la lutte contre le changement climatique si elles avaient le "savoir faire" et les moyens nécessaires. Ainsi, le PCT représente une sorte d'appel à projet pour donner de l'aide financière et des conseils techniques aux communes qui ont envie de s'engager dans la course contre les gaz à effet de serre.

Le concept est mis en forme, la base pratique établie. Ce qui manque, maintenant, ce sont les bonnes idées - affaire à suivre.

En attendant : "Oui, bien sûr, la ville a encore eu une idée sympa. La comédie est plus belle que jamais. Et tout ça pour Noël..."
Photos et texte : copyright Doris Kneller

vendredi 18 décembre 2009

Montpellier : Jean-Marie Besset au Théâtre des Treize-Vents

Jean-Marie Besset amène des comédies à Montpellier

Peut-on être trop intellectuel ? - Son "intellectualité" fut l'argument avancé par la presse en 2006, au moment où Jean-Marie Besset convoita en vain le poste de la direction du Théâtre National de Toulouse. La question ne fut jamais répondu, ce qui n'empêcha pas le public de continuer à discuter les divers talents de cet auteur de théâtre qui, malgré toute polémique, fut finalement nommé directeur du Théâtre des Treize-Vents à Montpellier où, à partir du 1er janvier, il veut présenter ce qu'il appelle un "nouveau théâtre populaire".

Jean-Marie Besset, Montpellier
Montpellier et le monde de la comédie
Qui est Jean-Marie Besset, cet homme, protégé de George Frêche et de Frédéric Mitterrand, qui, bientôt, fera "la pluie et le beau temps" dans le monde du théâtre montpelliérain ? - D'abord, il fut économiste, diplômé des sciences économiques et de l'Institut d'Études Politiques à Paris. Mais déjà deux ans plus tard, son cœur appartenait entièrement au théâtre. Son succès fut immédiat : à peine avait-il écrit ses premières pièces qu'elles furent déjà jouées à Paris et à New York.

Mais écrire les pièces ne le satisfaisait pas entièrement : en 1995, il créa sa propre compagnie de théâtre et le "simple" écrivain se transforma en auteur, metteur en scène et acteur en même temps. - Jean-Marie Besset est-il donc un homme qui sait tout faire ou quelqu'un qui fait tout ? Ses adversaires, de toute manière, lui reprochent de ne pas être un "véritable" metteur en scène - ce qui ne veut pas dire que son travail n'aurait pas été récompensé : en 1993, Jean-Marie Besset reçut le prix du Syndicat National de la Critique Dramatique, en 1998 celui du Jeune Théâtre et en 2005 le Grand Prix du Théâtre, les deux décernés par l'Académie Française, et en 2002 il fut déclaré Officier des Arts et des Lettres.

Des comédies à Montpellier
Montpellier et le théâtre
Il n'y a pas de doute, Jean-Marie Besset prouva déjà son talent. Reste alors la question si ce talent est apprécié par les Montpelliérains. De toute manière, il fit une promesse bien accueillie par le public : il veut présenter des comédies - ce qui est très rare dans l'univers du théâtre public. Mais il annonce aussi qu'il mettrait en avant les auteurs contemporains ou ces auteurs classiques qui, à leur époque, avaient plus ou moins de succès mais qui, de nos jours, sont presque oubliés.

Peut-être ces idées d'un "théâtre populaire" indiquent-elles que Jean-Marie Besset serait plus proche de son public que des collègues qui passèrent leur jeunesse dans un "milieu littéraire" ? - Le nouveau directeur du Théâtre des Treize-Vents à Montpellier, de toute façon, naquit dans l'ambiance d'une petite ville dans l'Aude où, comme il souligne, les "lettres" étaient "suspectes". Il raconte que sa scolarité et les expériences de son enfance l'auraient mené tout naturellement sur la voie des maths et de l'économie. Mais le milieu qui l'attirait fut celui de la littérature et du théâtre. Pour lui, les dialogues sont importants, le comportement des personnes, leur caractères, l'environnement. Ce qu'il aime, ce sont les gens...

Si les gens de Montpellier retourneront son amour, ceci reste à voir. Mais Jean-Marie Besset n'en doute pas. Il demande, uniquement, qu'on le juge - sur son travail.
Photos et texte : copyright Doris Kneller

mercredi 16 décembre 2009

Un Arc de Triomphe pour Montpellier,
Louis XIV et le Peyrou

Trois hommes et un Arc de Triomphe à Montpellier : d'Orbay, d'Aviler et Philippe Bertrand

Montpellier, PeyrouUn Arc de Triomphe pour Montpellier ? - À qui pourrait-il être dédié sinon à Louis XIV, ce roi tant aimé et en même temps haï par les Montpelliérains. Il fut construit en 1691, lorsque Louis XIV avait 53 ans et était à la hauteur de sa carrière en tant que roi envahissant et pacifiant. Il était l'occupant, l'ennemi et le libérateur. Un roi de la guerre et de la paix. Un roi dont on parlait. Un roi Soleil, un vainqueur. Il savait ce qu'il voulait, et il le reçut.

Arc de Triomph au Peyrou, MontpellierC'était ces victoires que les pères de Montpellier voulaient honorer avec l'édification de leur Arc de Triomphe. C'est-à-dire - ce n'était pas vraiment les pères de Montpellier qui avaient l'idée de fêter leur roi par une telle construction, mais l'intendant du roi qui, évidemment, travaillait dans ce que, aujourd'hui, on appellerait la "communication" : il était chargé de la gloire du roi.

À cette époque, Montpellier était envahi par des travaux d'embellissement de la ville. Déjà, on avait inauguré la première partie du Peyrou, ce jardin magnifique qui devrait être comblé par l'immense statue de Louis XIV. Mais pour s'y rendre, on était obligé de franchir une porte simple, sans ornements, intégrée aux remparts, qui était liée à un pont-levis. Ce pont enjambait un fossé qui servait à la défense de la ville. La légende dit qu'il était rempli de lions...

Le sujet des lions qui surgit souvent en relation avec Louis XIV revient d'ailleurs aussi sur un des médaillons qui ornent l'Arc de Triomphe. Dans ce cas, le fauve symbolise la force des ennemis, les Anglais, évidemment vaincus par Louis XIV : le triomphe de celui qui, selon l'inscription latine sur l'édifice, aurait apporté la paix "sur terre et sur mer" et qui, ensuite, aurait réussi à "s'attacher à des peuples alliés dans une guerre de quarante ans."

Montpellier, PeyrouIl est vrai que la construction de l'entrée du Peyrou fut initiée par l'intendant du roi, mais les pères de Montpellier n'étaient évidemment pas opposés à ce qu'on remplace la porte simple par un Arc de Triomphe. Leur ville ne méritait-elle pas toujours les projets les plus spectaculaires ? - Un monument qui rappellera Louis XIV aux générations futures devait évidemment être placé au plus haut point de Montpellier, sur 52 mètres, aussi haut que sa future statue.

Bien que l'Arc de Triomphe ressemble fortement à la porte Saint Martin à Paris, il a fallu trois artistes pour la construire. Le premier fut François d'Orbay qui dessina ses plans. Mais occupé à bâtir d'autres monuments pour le roi - il dirigea par exemple les travaux sur Versailles - ce fut Augustin-Charles d'Aviler, un architecte né à Paris et mort à Montpellier, qui réalisa les plans de François d'Orbay. Toutefois, celui qui prenait les travaux en main, ce fut Philippe Bertrand, un artiste né à Montpellier, qui sculpta aussi les médaillons sur l'Arc de Triomphe.


Arc de Triomphe du PeyrouLouis XIV à Montpellier
Car le lion vaincu n'est pas le seul relief sur l'Arc voué à la gloire de Louis XIV. Il y a aussi Neptune, le Dieux de la mer, représentant le Roi Soleil, qui a le pouvoir d'inviter la Méditerranée à l'intérieur des terres. Ce qui les Languedociens faisaient par la construction du Canal du Midi, réussit à Neptune par un simple geste de bras. Grâce à Neptune ou, comme le veut l'allégorie, Louis XIV et ses victoires, "Junctios Oceano et Mediterraneo mari", ce qui signifie que l'Océan et la Méditerranée sont maintenant unis.
Photos et texte : copyright Doris Kneller

mardi 15 décembre 2009

Montpellier et ses parcs : le Jardin du Champ de Mars

Napoléon, Édouard André, Montpellier et le Champ de Mars : une histoire de verdure...

Jardin du Champ de Mars, MontpellierUn jour, Napoléon III avait envie d'un jardin à Paris qui, plus tard, sera lié à son nom. Il est vrai qu'à époque, il y avait déjà beaucoup de parcs et jardins à Paris - or, Napoléons voulait qu'un espace vert soit créé par lui-même, tout seul... Il est clair que la création de ce jardin ne pouvait être confiée qu'au meilleur paysagiste de France : et ce meilleur fut Édouard André. Ainsi, il créa le parc des buttes Chaumont. Et il créa aussi le parc de Monte-Carlo, celui de Luxembourg,… - et le Jardin du Champ de Mars, à côté de l'Esplanade à Montpellier.

À cette époque, à l'année 1900, la "tradition" - poursuivie jusqu'à nos jours - fut déjà bien établie : tous les pères de la ville étaient d'accord : rien que le meilleur n'était suffisant pour leur ville de Montpellier. Mais bien que Édouard André ait le droit de dessiner ce nouveau jardin de Montpellier, ce fut un autre qui s'occupa des plantations : Désiré Guéry.

On peut dire que Guéry était un véritable "fou" de l'horticulture. Après une carrière dans l'armée, il devint adjoint au maire et s'engagea dans la Société d'Horticulture de l'Hérault dont il devint le président. Jusqu'au jour où il commença à planter le Jardin du Champ de Mars à Montpellier…

C'est sans doute à Désiré Guéry que Montpellier doit les essences exotiques qu'on peut toujours admirer dans ce petit espace vert à côté de l'Esplanade. Il planta même un Ginkgo Biloba, cette espèce de longue vie qui exista déjà à l'époque des dinosaures...

De nos jours, le Jardin du Champ de Mars est devenu un lieu de détente pour les visiteurs et les habitants de Montpellier et un terrain de jeu pour les enfants. On y fait son pique-nique, on flâne, on observe les canards qui, au printemps, se font la cour et promènent leurs petits - jusqu'à ce que des enfants se mettent à les chasser - et les amoureux oublient le monde, le soir, assis sur une des banques qui entourent le petit lac.

Mais il est vrai que le Jardin du Champ de Mars ne nous laisse pas oublier l'histoire de Montpellier. Déjà, il y a son nom qui évoque le passé militaire de la ville. Là où Désiré Guéry planta le Ginkgo Biloba et toutes les autres plantes exotiques et méditerranéennes, se trouva un terrain d'entraînement militaire, lié au champ où, aujourd'hui, s'élève le Polygone. Le maire, Alexandre Laissac, n'était pas trop content de voir le militaire juste à côté du centre de sa ville, en voisinage direct avec l'Écusson. Laissac commença à négocier avec les propriétaires du champ d'entraînement - et il réussit. Il parvenait à les persuader que les soldats seraient aussi bien - au mieux - à l'extérieur de la ville, sur l'avenue de Toulouse où la mairie possédait un terrain qui ne lui servait à rien.

Ainsi, le militaire construisit son école d'application de l'infanterie sur l'avenue de Toulouse, et le Champ de Mars fut libéré pour faire plaisir aux Montpelliérains.

Toutefois, le petit parc ne nous parle pas seulement de l'histoire, mais aussi de la mythologie. Il y a, par exemple, la statue de Marsyas, le "chanteur rustique" qui avait le courage de provoquer le Dieu Apollon. Il proposa un concours de chant : qui chanterait mieux, le Dieu ou Marsyas ? - Marsyas le musicien, bien sûr. Mais Apollon fut un mauvais perdant. Au lieu de s'entraîner à chanter mieux ou d'accepter, tout simplement, que Marsyas avait gagné le concours, il le ligota à un arbre et l'écorcha.
Photos et texte : copyright Doris Kneller

lundi 14 décembre 2009

Claude Vasconi et le Corum de Montpellier

Au Corum de Montpellier, la musique reste pure…

Le Corum à Montpellier10 novembre 1990. À Montpellier, tout ce qui a une fonction, tout ce qui appartient à la ville, à l'administration, tout ce qui aime sourire au public est sur pied. Parmi tous ces hommes et femmes importants, se trouve un Alsacien qui, ce jour-ci, fête un triomphe : Claude Vasconi, architecte, grand prix national d'architecture en 1982. Son œuvre l'a immortalisé. Mais ce qui l'a immortalisé à Montpellier c'est le Corum.

Montpellier internationalLe Corum domine toujours l'Esplanade et la vue imprenable sur le toits de Montpellier. Mais Claude Vasconi ne l'admirera plus : le 8 décembre, il est décédé - un homme admiré, parfois aimé mais souvent envié, toujours élégant, toujours sûr de lui. Si quelque chose ne lui plaisait pas, il n'avait pas peur de le dire, de "gueuler" même : Claude Vasconi, une institution, presque, de l'architecture d'abord en France et, finalement, en Europe.

Nous le savons, les pères de Montpellier ont toujours su choisir leur projet : l'aqueduc du Peyrou, l'Opéra-Comédie, le Polygone, - toujours le plus beau, le plus cher, les architectes les plus connus… Lorsque George Frêche et son équipe ont choisi Claude Vasconi, ils ne renonçaient pas à la "tradition".

Ce jour-là, le fameux 10 novembre 1990, le Corum était la une de la presse du pays. Un opéra, ont dit les uns. Un palais de congrès, les autres. Ou : un projet monumental. Et encore d'autres ont proclamé: une cathédrale.

Corum, la CathédraleCathédrale de la musique, cathédrale d'un public international, déclaration de foi d'une ville qui s'étend vers le monde. George Frêche, poursuivant le projet entamé par François Delmas, son prédécesseur à la mairie de Montpellier et, bien sûr, par des générations des hommes à la tête de Montpellier, a vu "grand". Les pierres de la façade, un granit baptisé "Carmen red", viennent directement de la Finlande. Le salon du Belvédère, cette petite salle tout en haut du bâtiment, dont la vue sur Montpellier tient ce que son nom promet, qui n'accueille que peu de gens, mais tous émerveillés après la promenade sur les toits de Montpellier qui mène à la salle, est ornée d'une véritable fresque murale. Elle est une œuvre de Herve di Rosa, cet "éternel voyageur" né à Sète dont on dit qu'il aurait inventé l'Art Modeste. De la moquette, du parquet dans les loges, des panneaux de bois dans la fosse d'orchestre…

Le CorumMais ceux qui fréquentent le Corum ne viennent généralement pas pour admirer le "Carmen red", les fresques murales et les panneaux de bois. Amateurs des concerts, de l'opéra, des congrès, du festival de Radio France, les visiteurs de ce "navire" au bout de l'Esplanade attendent d'être gâtés. Et le Corum, tout simplement, est fait pour cela : 1884 personnes peuvent profiter d'une présentation théâtrale, 2010 d'un concert, 1927 d'une soirée lyrique.

Corum, EsplanadeEt le plafond : en trois volumes, il peut se déplacer verticalement, relevé pour les concerts, mis en position basse pour les opéras, en intermédiaire quand il y a des ballets. Tout est possible au Corum, aucune œuvre musicale n'est trop belle pour y être jouée. Ce sont les "autres" qui restent dehors. À l'intérieur est loin du monde et de son bruit, car le Corum n'est pas placé sur le même sol que le "reste" de la ville de Montpellier : il est monté sur un système antivibratoire, sur des boîtes à ressorts qui évitent tout dérangement. Dehors, les trams, les voitures, la vie quotidienne peut faire trembler la terre, la musique du Corum reste pure.
Photos et texte : copyright Doris Kneller

dimanche 13 décembre 2009

Rassemblement sur la Comédie : Montpellier manifeste pour le climat

Dernier défilé des écologistes à Montpellier avant la fin du sommet à Copenhague

Rappeler encore une fois aux dirigeants ce que les peuples attendent d'eux - ceci était l'objectif du dernier défilement des associations et partis écologistes à Montpellier avant la fin du sommet de Copenhague. La date de ce défilé n'était pas choisi par hasard : elle tomba juste la veille du "grand jour de la forêt" de dimanche.

La discussion eut lieu dans l'hôtel de congrès le plus grand de Copenhague - mais l'intérêt des écologistes et curieux qui voulait y assister était si immense que l'entrée fut refusée à beaucoup de gens. Ceux qui, avant tout, attiraient tout ce monde étaient Ellinor Ostrom, la première femme à recevoir le prix Nobel en économie, et Rajendra Pachauri, prix Nobel de la paix et directeur de l' Institut de l'énergie et des ressources indiennes.

Montpellier-CopenhagueL'importance de la forêt dans le cadre d'un sommet sur le climat mondial est évidente - même l'ancien président des États-Unis, Bill Clinton, aurait dit que ce qu'ils feraient "serait important" et qu'il faudrait "continuer le travail"... - Toutefois, selon les écologistes de Montpellier, il ne suffit pas de "continuer", mais il faut être concret - et cela très rapidement. Mais ils ne pensent pas seulement au "monde", c'est-à-dire aux endroits un peu vagues, loin d'ici. "C'est dans la région même qu'il faut commencer, à Montpellier."

écologistes à MontpellierPlus ou moins tout le monde est d'accord que Montpellier est privilégié par rapport à ses transports publics. "Mais cela ne suffit pas", se fâche un membre du public "sans parti, mais particulier", "à quoi bon d'avoir deux ou trois trams à Montpellier si, ailleurs, il n'y a rien ?" Et un autre confirme : "Même à Montpellier, le tram n'est pas là pour tout le monde. Ceux qui habitent en dehors du trajet doivent toujours prendre leur voiture, surtout le soir."

Autre exigence : arrêter l'utilisation des autoroutes en faveur du développement du ferroutage. Puis, il faudrait stopper le financement des compagnies aériennes "low cost" par les collectivités. Et, bien sûr, développer les énergies renouvelables. Il fut évidemment aussi question de l'implantation de l'Agrexco dans le port de Sète : "L'Agrexco", commente une jeune femme, "c'est un crime contre l'écologie et contre la justice entre les peuples"…

Comme toujours, la manifestation partit de la place de la Comédie pour, ensuite, faire le tour du centre de Montpellier, passer par le marché de Noël et, finalement, revenir sur la place de la Comédie. On portait des masques blancs, amenait des planètes symboliques en papier et un ours en peluche qui, gentiment, demandait aux humains de lui rendre sa banquise. Lorsque, à la fin de la manifestation, on brûlait symboliquement une "planète" en papier et, en même temps, allumait des bougies, la bonne humeur se transforma en ambiance pensive. "Ouais", l'exprima un homme âgé qui se joignit au public au dernier acte de la manifestation, "encore, vous rigolez. Mais dans vingt ans, ça sera peut-être trop tard pour attendre les résultats des sommets politiques…"
Photos et texte : copyright Doris Kneller