jeudi 31 mars 2011

Comédie du livre : littérature allemande à Montpellier

Bilan après la Comédie du livre consacrée à la littérature allemande : "Nous avons compris ce qui préoccupe la nouvelle génération allemande."

Littérature allemande à la Comédie du Livre de Montpellier
Plusieurs mois avant que la Comédie du Livre 2011 ouvre ses portes, les Montpelliérains n'étaient pas sûrs si le sujet de cette année leur convenait. Une dame allemande qui vit à Montpellier depuis plus de 20 ans a exprimé un malaise qui ne concernait pas seulement les Montpelliérains "venus d'ailleurs" : "La littérature allemande, oui, bien sûr, pourquoi pas. Elle est aussi riche qu'une autre. Mais pourquoi invite-t-on tant d'écrivains qui parlent de la deuxième guerre mondiale ?

Dimanche soir, après trois jours de Comédie du Livre avec des tables rondes, conférences et discussions entre les écrivains et le public, l'opinion de beaucoup de Montpelliérains avait changé. L'étonnement a cédé à un sentiment de compréhension : on n'est plus étonné voire choqué de découvrir à Montpellier des livres comme, par exemple, ceux de Peter Longerich - sa biographie sur Himmler ou celui qui porte comme titre la fameuse phrase "Nous ne savions pas" - où les policiers de Volker Kutscher qui essaient de répondre à la question, comment le régime Nazi a pu prendre pied en Allemagne.

Volker Kutscher à Montpellier
Volker Kutscher à Montpellier
"Jusqu'à maintenant", explique une dame d'un quarantaine d'années après une rencontre avec Volker Kutscher, "j'avais pensé que ce sommes nous, les Français, qui poussent les Allemands à ne pas oublier le point le plus noir de leur histoire. Mais pendant les jours de la Comédie du Livre, j'ai compris que la nouvelle génération d'écrivains allemands a été capable d'une performance impressionnante, sans en être obligé par les autres pays : ils se sont penché sur leur histoire pour s'interroger pourquoi tout cela a pu arriver."

Cela est vrai pour Volker Kutscher qui a inventé un commissaire qui travaille dans le Berlin des années 30. Ses romans ne reflètent pas seulement l'esprit contradictoire de panique, de crime américanisée et de fête qui, à cette époque-là, régnait dans la capitale allemande, mais ils montrent aussi le développement politique. Volker Kutscher explique qu'encore deux ans avant que Hitler soit élu chancelier, la plupart des Allemands n'auraient jamais eu l'idée que ces cogneurs du parti nazi qui passaient leur temps à des batailles de rue contre le communistes atteindraient un jour un pouvoir politique légal.

Peter Longerich, par contre, l'historien allemand et professeur d'université à Londres dont on dit qu'il serait un des plus grands experts de l'histoire du holocauste, va encore plus loin. Il a entamé un travail scientifique sur les sources écrites de l'époque des Nazis - la presse, des lettres, des documents officiels etc. - pour constater ce dont tant de jeunes Allemands s'en doutaient déjà : le peuple allemand savait très bien ce qui se passait "en secret". "Le plan de l'extermination des juifs était plutôt un secret de Polichinelle", résume un Monsieur ce qu'il a appris dans une conférence. Puis il répète une pensée qu'il avait entendu par Peter Longerich : "Mais entre apprendre quelque chose par la presse et l'accepter comme vérité pure, il y a un long chemin."

toutefois, quelques Montpelliérains ne voulaient pas se contenter de la question concernant la conscience du peuple allemand : la question sur ce qui se passait en France et ailleurs a surgi plusieurs fois. "C'est fabuleux", s'enthousiaste un Monsieur d'une cinquantaine d'années qui dit qu'il connaît très bien l'Allemagne et qu'il s'intéresse beaucoup à son histoire, "cette Comédie du Livre était la première occasion pour moi de discuter franchement sur tous les sujets concernant la shoah. Il n'y avait pas de tabous, ni du côté allemand, ni du côté français. Serions-nous enfin arrivé au point où nous pourrions tirer des leçons du passé, sans nous perdre dans les émotions ?"

Celui qui aurait pensé que le sujet de la littérature allemande en générale et celui de l'époque nazi en particulier n'intéresserait que des personnes plus ou moins âgées aurait eu tort : les conférences étaient fréquentées d'un bon nombre d'étudiants. Leurs questions montraient qu'ils ne connaissaient pas seulement le sujet, mais qu'ils y avaient aussi beaucoup réfléchi. Ce qui était remarquable : au contraire de quelques personnes plus âgées dont la connaissance - et l'habitude - de la propagande les fait parfois oublié la problématique de base, les jeunes ont mit en question l'esprit commun et la "réaction de masse" d'un peuple.

"Je comprends", s'ouvre un étudiant à l'équipe de Montpellier Presse Online, "que les Allemands cherchaient de l'aide pour se sortir d'une crise qui les a paralysés. Mais pourquoi ont-ils pris pour cible un groupe de gens, les juifs, qui étaient dans la même galère que tout le monde ?

Une étudiante qui a assisté à la conférence sur l'image de l'Allemagne dans les livres scolaires s'étonne : "Les auteurs de ces livres ont essayé de suggérer que tous les juifs auraient des nez longs et les yeux méchants. Mais si on regarde ces livres, " - elle fait allusion aux extraits qui ont été projetés pendant la conférence - "on se rend compte que ce ne sont que des dessins, des caricatures. Comment tout un peuple peut croire que ces caricatures correspondent à la vérité ? Ils avaient tous des voisins ou des connaissances juifs. C'était évident pour tout le monde que ces longs nez n'avaient rien à voir avec la réalité."

"J'ai beaucoup appris, ces jours de la Comédie du Livre", explique une autre étudiante. "On comprend un peu mieux, maintenant, pourquoi tout ça est arrivé. Mais ce que j'ai appris me fait un peu peur. Nous aussi, on est dans la crise. Nous avons pas de travail. L'économie va mal. Courrons-nous le risque de voir surgir un autre 'sauveur' qui, finalement, nous détruira tous ?"

Sa copine secoue la tête. "Non", dit-elle, l'air très sérieux. "L'humanité n'est peut-être pas l'élément le plus intelligent qui soit. Mais nous sommes capables d'apprendre quand même. Jamais plus on ne permettrait des excès de cruauté comme on les a vus à la deuxième guerre mondiale. Si les 'vieux' n'ont rien appris, nous sommes là, les jeunes. Nous, on veut la paix."
Photos et texte : copyright Doris Kneller

lundi 28 mars 2011

Comédie du Livre 2011 :
Andreas Eschbach à Montpellier

Les littératures de langue allemande à la 26e Comédie du Livre à Montpellier

Comédie du Livre à MontpellierPour les Allemands, il est le pape de la Science-Fiction. Pour les Français, il est un auteur de best-seller. Pour les Montpelliérains, il sera bientôt un invité de marque : dans moins de deux mois, Andreas Eschbach sera présent à la Comédie du Livre de Montpellier.

Jusqu'à maintenant, Andreas Eschbach ne sait pas encore ce qui l'attend à Montpellier. Il a entendu parler de la Comédie du Livre, bien sûr, et, il y a quelques années, il a déjà passé quelques heures dans la ville près de la Méditerranée. Mais cela est tout. Ainsi, il est curieux "de voir Montpellier et ce qui s'y passe." Surtout, il est prêt à tout ce que ses fans attendent de lui. Car rencontrer les gens qui lisent ses livres est toujours fascinant : "C'est le moment où je peux sentir les gens qui lisent mes romans." Selon Andreas, aucune forme de publicité n'arrive à faire connaître un livre - "sauf les gens qui l'ont lu et aimé et qui en parlent à leurs amis."

Le plus beau pour un écrivain, toutefois, est le moment où il apprend que ses livres plaisent aussi à ceux qui ne font pas partie des amateurs de la Science-Fiction. Ainsi, c'était un moment de bonheur pour Andreas Eschbach lorsque sa voisine, âgée de quelque 70 ans, s'est arrêtée pour lui dire que, normalement, elle ne lirait pas ce genre de littérature. "Mais j'ai lu votre livre, et il m'a plu."

À ce moment, Andreas Eschbach n'avait écrit qu'un seul livre ("Des milliards de tapis de cheveux"). "Je croyais même pas que mes voisins étaient au courant." Toutefois, un journal avait publié un petit article - et tout à coup, tous ses voisins savaient qu'il était écrivain... et ils étaient fiers de lui.

Publier son premier livre est un moment étrange dans la vie d'un écrivain. "Le sentiment que mon livre se trouve dans les librairies est formidable..." Peu après, toutefois, il y a désillusion. "...mais personne ne le remarque." Enthousiaste, Andreas Eschbach a fait le tour des librairies - pour constater que la plupart parmi eux ne l'avaient même pas en stock. "Je l'ai découvert dans une seule librairie... presque 'caché' dans une étagère, parmi beaucoup d'autres." C'est à ce moment que le jeune écrivain a réalisé, "combien il y a des livres..."

Ainsi, il reste l'éternelle question : vaut-il la peine d'écrire un livre ? Peut-on faire "concurrence" à tout ceux qui remplissent déjà les librairies ? Si un jeune écrivain demandait conseil à Andreas Eschbach - "dois-je écrire ou laisser tomber ? - l'auteur n'hésiterait pas. Il lui dirait de foncer... mais de faire en sorte d'avoir aussi une autre profession. Pour la sécurité.

Il est vrai qu'en 1992, quand son premier livre est apparu, le succès n'était pas trop grand. "Très peu de gens l'ont acheté." Mais peu après son apparition, il a reçu le Prix allemand de science-fiction, dans la catégorie "meilleur roman" - ce qui prouvait ce que ses lecteurs savaient déjà : qu'Andreas avait du talent.

"J'y ai cru dès le début", raconte-t-il aux Gens de Montpellier. Bien que "des personnes" aient tout fait pour le décourager - qui, en théorie, n'avaient pas tort : "Il n'y a qu'une centaine d'écrivains en Allemagne qui peuvent vivre de leurs livres." Mais à douze ans, lorsqu'il rédigeait sa première histoire, Andreas Eschbach savait déjà qu'un jour, il serait écrivain. D'abord, toutefois, il a accompli beaucoup d'autres choses comme, par exemple, faire des études d'informatique, créer une famille ou, plus tard, une entreprise de software.

Cependant, "y croire" ne suffit pas : avant tout, il y a le travail. Andreas Eschbach a l'habitude d'écrire tous les matins - "écrire est ma seule profession". Auparavant, par contre, au moment où il n'avait pas encore réussi de "best-seller", il travaillait en "alternance" : "Un jour, j'ai programmé, l'autre jour, j'ai écrit."

Jusqu'à ce qu'en 1998, il publie "Jésus Vidéo", un roman qui n'a pas seulement reçu deux prix littéraires - le Prix Kurd-Laßwitz et le Prix allemand de science-fiction - mais qui a aussi été proclamé "meilleur roman de science-fiction allemand" et transformé en film et série télévisée. Dans une histoire de voyage dans le temps, il lie des réflexions sur les mythes religieux fondateurs à des interrogations sur la société moderne et expose l'image de Jésus divulguée par l'église catholique. Certains disent qu'il ne serait pas seulement critique, mais aussi d'une ironie mordante...

"Non", assure l'écrivain, "mes romans ne sont pas ironiques. Ce que j'y exprime est sérieux. Je pense tout ce que j'écris." - Mais pourquoi a-t-il choisi un sujet du monde de la religion ? - "Je ne suis pas spécialement religieux. Mais je suis un observateur sceptique de tout ce qui est en relation avec la vie humaine. On se demande, ce qui est le sens de la vie. Où elle nous mène..."

Depuis sept ans, Andreas Eschbach et sa femme Marianne vivent en Bretagne. - L'écrivain sourit. Probablement, il a choisi la France pour la même raison pour laquelle il écrit : vivre l'aventure. Et l'aventure, pour Andreas, c'est "réapprendre tous les jours ces petites choses qui, finalement, constituent la vie."
Photos et texte : copyright Doris Kneller

lundi 21 mars 2011

La Comédie du Livre 2011 à Montpellier

La littérature allemande et ses écrivains : Paul Nizon, Andreas Eschbach, Volker Kutscher, Katharina Hagena

Comédie du Livre à MontpellierEncore, la saison hivernale à Montpellier est en pleine "boum" : tous les jours, les Montpelliérains peuvent choisir entre des conférences, cafés à thème, clubs et festivals de film, ... Toutefois, le printemps arrive et avec lui, la fin de la saison. Et avec la fin de la saison, arrive la Comédie du Livre de Montpellier.

Comme chaque année, les écrivains d'un pays "élu" sont à l'honneur. Les organisateurs de la Comédie du Livre 2011 ont voté pour l'Allemagne - un bon choix, comme constatent les visiteurs et fidèles de la Maison de Heidelberg, du centre culturel allemand à Montpellier. "En France", explique une dame qui vit depuis plus de 20 ans dans la région méditerranéenne, "on ne sait pas beaucoup sur les auteurs allemands. Au cours des dernières années, la littérature allemande s'est beaucoup développée, de nouveaux écrivains et de nouveaux styles ont surgi."

Certes, quelques-uns de ces "nouveaux écrivains" seront présents à la Comédie du Livre. Mais comme toujours, les organisateurs ont préféré d'inviter surtout les "gros calibres", du style du Suisse Paul Nizon qui s'est déclaré "autofictionnaire" déjà avant que le genre apparaisse dans les pages "officielles" de la littérature et dont la première œuvre - sa thèse - était consacrée au peintre Vincent Van Gogh. Lorsqu'il écrit ses livres de fiction, Paul Nizon se considère comme son propre personnage principal. Ses sujets sont souvent dominés par la question de la solitude et des considérations du point de vue d'un "étranger".

Littérature et écrivains à MontpellierMais qui dit fiction dit aussi science-fiction. Et là, tout Allemand qui aime le genre pense automatiquement à Andreas Eschbach qui, lui aussi, sera présent à la Comédie du Livre de Montpellier. Il n'y a pas beaucoup d'auteurs allemands de science-fiction qui ont été traduit. Mais Andreas Eschbach, né à Bade-Wurtemberg, n'a des fans non seulement en Allemagne - on peut acheter ses livres en 15 langues. Pour les amateurs allemands de la science-fiction, ce n'est peut-être pas seulement le nom de l'auteur qui provoque un déclic dans leur tête, mais un héro, le fameux Perry Rhodan, à qui Andreas Eschbach - en collaboration avec beaucoup d'autres écrivains de son calibre - a offert des traits de caractère "typique" et, bien sûr, des aventures. Perry Rhodan devrait être le héro le plus connu parmi les garçons (et les filles) allemands des années 1960 : plus de 2500 volumes ont été écrites sur ses aventures, avec plus d'un milliards d'exemplaires vendus en Allemagne.

Mais Andreas Eschbach ne vit pas seulement dans le monde de la science-fiction. Dans son blog, il parle des sujets bien actuels, comme du danger du nucléaire ou du rôle des ordinateurs dans les élections...

Le Colonais Volker Kutscher est un autre écrivain allemand que les Montpelliérains amateurs de la littérature germanique attendent avec impatience. Il écrit des policiers - mais des policiers qui intriguent. Son "héro" et commissaire, un certain Gereon Rath, vit dans le Berlin des années 1929/30, une métropole d'un côté totalement américanisée, mais d'un autre côté sous le joug du nazisme naissant.

Katharina Hagena fait partie de ces écrivains allemands qui ont eu un grand succès non seulement dans leur propre pays, mais aussi en France. Déjà son premier roman était ce que Le Nouvel Obs appelle un "étonnant best-seller". Ce qu'elle écrit est un mélange entre une comédie et le genre "secret de famille". Et elle aussi, comme Volker Kutscher, fait partie de cette génération d'écrivains allemands qui éprouvent le besoin de réfléchir sur un passé qui, entre-temps, n'est plus que celui des ancêtres. Mais chez Katharina Hagena, au contraire de chez Volker Kutscher, ce passé est déjà du passé - bien qu'il surgisse de nouveau, comme il surgit dans les têtes des Allemands d'après-guerre, sur le poulailler, en forme du mot "nazi" en lettres rouges, prêt à détruire la vie d'une génération innocente...

Montpellier et la Comédie du LivreLe sujet du soi-disant "troisième Reich, de Hitler et de la Shoah est un thème qui apparaît d'une fréquence frappante dans la littérature moderne de l'Allemagne. L'équipe des Gens de Montpellier a interrogé des Montpelliérains français et allemands sur la question, si on devrait toujours parler de cette époque.

"Non." La réponse d'une dame dans la cinquantaine est catégorique. "Je trouve qu'il faut enfin ouvrir un autre chapitre. Les relations entre la France et l'Allemagne sont amicales, personne ici n'a quelque chose contre les jeunes Allemands. Et non plus contre les vieux."

Un Monsieur d'à peu près le même âge, français lui aussi, va encore plus loin. "On parle des Allemands et de ce qu'ils ont fait pendant la deuxième guerre mondiale. Mais nous, les Français, on ne parle pas souvent du rôle que notre gouvernement a joué dans la Shoah."

Une Allemande de quelque trente ans parle elle aussi du "gouvernement". Elle raconte une expérience "anti-allemand" douloureuse qu'elle a vécu en plein Montpellier et conclut : "Beaucoup de Français confondent les Allemands d'aujourd'hui avec un gouvernement qui a semé la terreur non seulement à l'étranger, mais aussi chez les Allemands. S'ils ne veulent pas comprendre que tout cela est du passé, ils devraient au moins s'informer sur ce qui s'est passé. Ce n'était pas "les Allemands" qui ont fait la guerre, mais un gouvernement."

Toutefois, pas tout le monde est de cet avis. "Une Comédie du Livre avec des bouquins allemands ?", demande un homme âgé d'une vingtaine d'années. "On a tout vu. Comme s'ils n'avaient pas fait assez de mal à notre pays. Je ne veux pas d'eux à Montpellier."

C'est peut-être un Monsieur d'une quarantaine d'années, de nationalité allemande, qui fait la remarque la plus véridique : "La prochaine Comédie du Livre risque d'être intéressante..."

La Comédie du Livre 2010 à Montpellier
Montpellier et la littérature américaine
Comédie du Livre 2010 : écrivains à Montpellier
Photos et texte : copyright Doris Kneller

vendredi 11 mars 2011

Journée internationale des Femmes à Montpellier : Françoise Mariotti et la poésie

Elyane Rejony au "Café du Genre" de la psychologue Françoise Mariotti

Les Cafés du genre à MontpellierQue faire lorsque le début du Printemps des Poètes tombe sur un 7 mars, c'est-à-dire 24 heures avant la Journée internationale des Femmes ? - La psychologue de Montpellier et Saint-Gély-du-Fesc, Françoise Mariotti, a trouvé une solution qui unit le sujet du "Féminisme au quotidien" et la poésie : à un de ses "Cafés du Genre", elle a invité une poète...

...féministe ? - Il est vrai qu'à première vue, Elyane Rejony a tout d'une féministe, et son "recueil poétique et pamphlétaire" auquel elle a donné le titre "Femme en quête de dignité" reflète la lutte de toute sa vie. Toutefois, son objectif n'a rien en commun avec l'idée de la "femme au pouvoir". Ce qu'elle vise, c'est l'égalité : la même rémunération pour un même travail, les mêmes possibilités d'éducation, parité à la tête des entreprises et au gouvernement, donner aux filles le droit de préférer le bleu au rose - et aux garçons de jouer à la poupée...

Bref, les poèmes d'Elyane Rejony dénoncent tout ce qui contredit au principe de l'égalité - et le lecteur comprend que ce chemin est encore loin, surtout pour les femmes. Ou, comme l'exprime Françoise Mariotti, faisant allusion au best-seller de Stéphane Hessel "Indignez-vous" : encore, il ne se passe pas un jour où une femme n'aurait pas besoin de s'indigner.

Toutefois, la lutte pour l'égalité entre femme et homme n'exclue pas l'idée de la "féminité", ni pour la psychologue Françoise Mariotti, ni pour l'enseignante et poète Elyane Rejony. Un commentaire du public est approuvé par tout le monde : la féminité sert, entre autres ou, peut-être, avant tout, à "nous faire plaisir". Selon Elyane Rejony, la lutte contre l'inégalité n'a absolument rien à voir avec l'exclusion de l'homme de la vie de femme. Pour elle, la femme n'est pas seulement "l'avenir de l'homme", mais l'homme est aussi "l'avenir de la femme".

Et elle montre l'exemple. Son mari l'a accompagné à Montpellier, il est présent pendant la lecture de ses poèmes, un sourire sur les lèvres, l'appareil photo dans les mains. Il est le premier à qui Elyane Rejony adresse ses remerciements - c'est grâce à lui et à son encouragement qu'elle a pu faire son chemin. Il la soutient aussi dans les tâches pratiques : complimentée pour ses jolies cartes de visite, Elyane Rejony raconte que ce n'est qu'avec son aide qu'elle a pu les charger sur Internet.

Françoise Mariotti et Elyane RejonyLa lutte pour l'égalité menée par Elyane Rejony concerne plus ou moins tous les secteurs de la vie. Le sujet de la soirée, le féminisme au quotidien, exprime la nécessité non de mener une grande bataille, mais de faire des efforts, jour après jour, toujours de nouveau, jusqu'à ce que, dans un avenir peut-être pas trop lointain, l'égalité entre dans l'esprit de tout le monde. Elyane Rejony parle de la situation de travail, de l'éducation inégale dont ne souffrent pas seulement les femmes mais aussi les hommes, de la sexualité, du corps, du langage... pourquoi, réfléchit une femme dans le public, "poétesse" est-il toujours un mot "péjoratif" ? Et pourquoi les expressions "mairesse" ou "doctoresse" ont-elles toujours le "goût" d'une "femme de", d'une femme appartenant à un maire ou un docteur. Pourquoi est-il toujours si courant que la femme perd son nom, son identité, avec le mariage pour, après un éventuel divorce, se retrouver avec un "nom de jeune fille", un nom qui n'a pas grandit avec elle ?

Certes, la situation a bien évolué depuis les grèves ouvrières de 1857 et 1911 à New York, des dates que beaucoup citent comme "événements clés" de l'invention de la Journée internationale des Femmes. Il est vrai qu'on pense toujours avec horreur à ce jour en 1911, lorsque des travailleuses en révolte ont péri dans un incendie dans leur usine, juste parce que leur employeur les a enfermées à clé pour qu'elles ne quittent pas les lieux avant la fin de la journée. Aujourd'hui, ceci est clair, une telle situation ne serait plus possible. Toutefois, l'horreur des jours pas si anciens ne diminue pas le mal-être d'une femme harcelée à son poste de travail ou, même, non reconnue pour ses compétences uniquement parce qu'elle est... femme.

"Je ne sais jamais si je dois rire ou pleurer", raconte une femme dans la cinquantaine, "quand, au travail, j'explique un détail technique à un client et, au lieu de me répondre, il s'adresse à un collègue aussi présent qui ne connaît pas la technique, mais qui est un homme." Et elle ajoute : "Beaucoup d'hommes sont toujours de l'avis qu'une femme est incapable de comprendre les techniques. C'est pourquoi je préfère travailler avec des femmes - entre femmes, on se reconnaît à sa juste valeur."

Elyane Rejony, poète, à MontpellierEt pourtant. "Si je me connais dans des domaines techniques ? répète une femme dans la quarantaine la question de l'équipe des Gens de Montpellier qui l'interroge sur la Place de la Comédie, le matin de la Journée internationale des Femmes. "Qu'est-ce que vous en entendez ? Ordinateurs ? Internet ? Oui, bien sûr, j'utilise internet. Mais si j'ai un problème, je demande à mon fils de m'aider." Et elle ajoute : "Les hommes sont quand même plus doués pour ça."

Toutefois, pas tout le monde est d'accord. "Internet ?", réagit une autre dame d'à peu près le même âge. "J'adore. J'y suis tout le temps." Et la jeune fille de quelque seize ans qui l'accompagne renforce : "Pourquoi les femmes ne peuvent-elles pas avoir des professions techniques ? Moi, en ce moment, je fais un stage pour réparer les voitures..."

D'autres Cafés du Genre de la psychologue Françoise Mariotti
Photos et texte : copyright Doris Kneller

mercredi 9 mars 2011

Montpellier : 13e Printemps des Poètes - la Maison de la poésie

Pedro Soler et Bruno Doucey : Oratorio pour Federico Garcia Lorca

La Maison de la poésieSans doute, le printemps est arrivé à Montpellier. Et avec lui, comme chaque année, le Printemps des Poètes. La grande nouvelle : la Maison de la poésie a enfin trouve un "chez elle". Désormais, son "quartier général" est établi près de la place d'Europe, derrière la médiathèque Émile Zola. Mais elle "loge" aussi à la salle Saint-Ravy, déjà connue pour ses expositions souvent originales et toujours bien choisies comme pour ses récitals poétiques et musicaux. Et parfois, elle prend ses quartiers au Musée Fabre à Montpellier, au Musée Paul Valéry à Sète ou dans les Médiathèques.

Le logo de la Maison de la poésie n'aurait pas pu être mieux choisi : une petite maison bien sympa avec une cheminée dont sort une grande fleur de tournesol. Juste au moment où le poète la regarde, une feuille s'envole... pour se transformer en plume. Qui n'aurait pas envie d'écouter un récital dans cette petite maison protégée par les symboles du soleil et du poète...

...un récital, par exemple, comme celui qui marquait l'ouverture du 13e Printemps des Poètes 2011 ? Encore une fois, les Montpelliérains avaient l'occasion d'écouter la musique créée par Pedro Soler, jouée par lui-même, et la voix du poète Bruno Doucey. La soirée n'était pas un "hommage" à Federico Garcia Lorca, mais Bruno Doucey lisait, entre autres poèmes, un "Oratorio" pour celui qu'on appelle l' "poète de l'amour obscur".

Le 13e printemps des poètesPersonne n'était étonné que la salle Saint-Ravy était comble. Aucune chaise n'est restée libre - ce qui ne pouvait pas entamer la bonne humeur de ceux qui étaient obligés de rester debout ou de, carrément, s'asseoir par terre. "Si ça me dérange de rester debout ?" répète une jeune femme la question de l'équipe des Gens de Montpellier. "J'aurais préféré trouver une chaise." Elle sourit. "Mais si j'ai le choix entre rester debout pour écouter Pedro Soler ou m'en aller, je préfère définitivement rester debout."

D'abord, on n'entend que la voix de Bruno Doucey, une voix douce à certains moments, rêveuse ou dure, exigeante à d'autres. Lorsqu'il récite des poèmes de son oeuvre "Outremer, trois océans en poésie - un tour du monde en 80 poètes à travers les contrées d’Outremer", les spectateurs se sentent dépaysés, emportés par des mots...

Pedro Soler à MontpellierEnsuite, après un petit "check up" de la qualité acoustique de la salle Saint-Ravy - "Y a-t-il quelqu'un qui n'a pas pu entendre la voix ?" - la guitare de Pedro Soler se joint à la voix de Bruno Doucey. D'abord hésitant, comme si la musique avait besoin d'interroger, de comprendre, de séduire la voix du poète, puis de plus en plus fort, demandant, sollicitant l'oreille de l'auditeur, vainqueur parfois, reculant de nouveau, jusqu'à, finalement, la voix du poète et celle de la guitare ne font qu'une.

Rares sont les Montpelliérains si silencieux comme ceux qui ont assisté à ce premier spectacle du 13e Printemps des Poètes. Au début, il y en avait encore quelques-uns qui ont applaudi entre les morceaux. Plus tard, pourtant, personne ne bouge, personne ne souffle mot. C'est comme si la salle entière flotte dans un univers de mots et de musique. La voix de la guitare monte et descend, les mots du poète s'approchent, s'éloignent de nouveau, voyageant dans les mers du sud, dans le tempérament de l'Espagne.

Lorsque les deux voix se sont tues, il y avait un moment de silence total - comme si les spectateurs avaient besoin d'émerger des contrées lointaines. Quelques secondes plus tard, toutefois, l'enthousiasme s'est déchaîné - sans doute, la première soirée du 13e Printemps de Poètes a été un succès...

"J'ai senti la mer et la chaleur de l'Espagne", s'extasie une dame d'une cinquantaine d'années. Et : "Je n'ai pas vu le temps passer", commente un Monsieur d'à peu près le même âge. Une autre dame, dans la trentaine, raconte : "Ce n'est pas la première fois que j'assiste à un concert de Pedro Soler. J'adore sa musique de Flamenco. J'ai entendu qu'il vit dans un petit village près de la mer et qu'il fait du vin, comme un véritable vigneron." Et elle ajoute : "Un homme si simple et, en même temps, un si grand artiste."

Une jeune dame est surtout impressionnée par Bruno Doucey : "On a l'impression qu'il est entièrement plongé dans les poèmes qu'il lit. Si je ne savait pas qu'il lit, je dirais qu'il invente les mots au moment où il les prononce." Et un jeune homme ajoute : "Une voix impressionnante."

Bruno Doucey à MontpellierMais pas tout le monde n'est d'accord. Un Monsieur d'une soixantaine d'années n'est pas content de la liaison entre Federico Garcia Lorca et la soirée à Montpellier. "Pourquoi a-t-on toujours besoin des hommages ?" se plaint-il. "Pedro Soler est un guitariste de chez nous, et Bruno Doucey parle notre langue. Pourquoi ne rendent-ils pas hommage à la Méditerranée comme nous le connaissons ici, au Sud de la France ?"

Et une dame dans la quarantaine : "Ce qui m'a manqué, c'est le soleil dans le récit. Pedro Soler et Bruno Doucey n'ont pas réussi à évoquer l'ambiance autour de Federico Garcia Lorca, l'ambiance de l'Espagne de Sud." Mais la dame qui l'accompagne n'est pas de son avis : "En ce qui me concerne, je sentais très fortement cette ambiance. Le printemps de l'Espagne et celui des poètes à Montpellier..."
Photos et texte : copyright Doris Kneller