lundi 25 juillet 2011

Les luthiers de Montpellier : ville de la lutherie

Exposition des onze ateliers de lutherie à Montpellier

Les luthiers de MontpellierMontpellier ville internationale, Montpellier ville qui prend l'écologie au sérieux, Montpellier ville étudiante, Montpellier ville près de la Méditerranée... Les Montpelliérains, demandés de donner un attribut à leur ville, n'hésitent pas à nommer des traits "typiques". Une valeur, par contre, quoique connue dans certains cercles de Hong Kong, Shanghai ou Berlin, n'effleure même pas l'esprit de la plupart des Montpelliérains : Montpellier ville de la lutherie.

À première vue, il semble étrange qu'une ville relativement petite comme Montpellier héberge onze ateliers de lutherie. Il est vrai que la ville était toujours ouverte à la musique et que, grâce à la réputation de l'Opéra-Comédie - et, plus tard, à celle de l'opéra du Corum -, des musiciens internationaux fréquentent Montpellier depuis des siècles. Mais cela n'explique pas pourquoi les Montpelliérains peuvent compter parmi eux plus de luthiers par tête d'habitant que les autres villes en France.

La raison : un autre trait "typique" de Montpellier - son ouverture. Michel Proulx, archetier à Montpellier, raconte comme, à la fin des années 1960, la profession du luthier était presque en voie de disparition. Ce qui ne veut pas dire qu'on ne trouvait plus d'ateliers de lutherie. Toutefois, ils avaient abandonné leur vocation classique, la construction de violons.

"À cette époque", se rappelle Michel Proulx, "un violoniste n'aurait jamais eu l'idée de jouer d'un nouvel instrument." Dans les concerts, on n'entendait que les anciens violons, dont la plupart, fidèlement à la tradition des Stradivari, ont été construits en Italie. Autour de ces anciens violons, un marché de réparation s'était établi - les luthiers n'était plus là pour construire de nouveaux instruments, mais pour en réparer les anciens. "Ceux qui en fabriquaient encore ne les vendaient plus."

Les violons fabriqués à MontpellierCependant, au début des années 1970, la situation a changé. De plus en plus de jeunes luthiers avaient envie de construire de nouveaux instruments, et de plus en plus de jeunes violonistes ne voyaient plus de sens dans cette contrainte de se servir d'anciens violons - qui, logiquement, devenaient de plus en plus chers et, par conséquent, hors de portée d'un artiste débutant. D'un autre côté, la qualité des instruments fabriqués en usine n'était pas suffisante pour eux. Ainsi, l'idée de leurs amis luthiers leur plaisait bien : disposer de nouveaux violons d'une qualité comparable avec celle des anciens.

Le concept semblait bien, mais les jeunes luthiers n'avaient pas compté sur leurs collègues établis depuis longtemps qui, face au nouveau développement, ont vite pris la décision de défendre leur moyen de subsistance - la réparation d'anciens violons. Ils avaient peur de leurs jeunes collègues : s'ils n'arrivaient pas à les décourager avant qu'ils implantent l'idée de nouveaux violons dans l'esprit des musiciens, ils perdraient une bonne partie de leur marché.

Ainsi, les luthiers déjà établis ont réussi dans beaucoup de villes à empêcher les jeunes à ouvrir leurs ateliers. Les membres de la nouvelle génération se sont donc mis à la recherche d'une ville plus ouverte où on les laisserait travailler tranquillement : et ils sont tombés sur Montpellier.

Michel Proulx ne fabrique pas des violons, mais des archets. "Un travail plus technique et plus précis que la construction d'un violon", explique-t-il. Au contraire des jeunes luthiers qui se réfèrent toujours aux maîtres italiens - Stradivari, Guarneri etc. -, la réputation des meilleurs archetiers du monde revient à la France. Mais avant de se consacrer entièrement aux archets, Michel Proulx a appris à fabriquer des instruments.

Les archets de MontpellierC'était en 1973 qu'il s'est adressé à un maître luthier pour avoir quelques conseils concernant la construction d'un instrument de musique. Mais le maître l'a vite persuadé d'entamer un véritable apprentissage. Après quelques années de fabrications d'instruments, il s'est tourné vers la théorie et a passé une maîtrise en histoire. Toutefois, le travail manuel lui manquait et il cherchait un nouveau défi. Ainsi, à 50 ans, il pouvait s'appeler "jeune archetier", comme il dit avec un sourire.

Mais luthier ou archetier, pour vivre, il ne suffit pas de fabriquer des instruments - il faut aussi les vendre. Une grande partie de leur travail consiste à visiter les foires internationales et à rencontrer des musiciens de partout dans le monde - à Shanghai, les violons de Montpellier font référence, et à Berlin, on utilise les archets de Michel Proulx. L'archetier est bien "équipé" pour ces rendez-vous internationaux : il parle six langues - le français, l'italien, l'allemand, l'anglais, l'espagnol et même le néerlandais.

Toutefois, il n'est pas le seul génie de langues parmi ses collègues. Wolfram Neureither, un jeune luthier allemand qui vit à Montpellier depuis presque 20 ans communique également en trois langues. "L'anglais", explique-t-il, "est standard chez les luthiers." Et même l'allemand est utile : "En Asie, j'ai rencontré beaucoup de musiciens qui ont étudié en Allemagne."

Le chemin de Wolfram Neureither est un peu plus "direct" que celui de Michel Proulx. À; 10 ans, il jouait déjà du violon. À cette époque, sa mère lui a offert un livre sur la lutherie et, immédiatement, il a pris sa décision : "Je me suis dit que c'est bien comme boulot", commente-t-il avec un sourire un peu timide. Plus tard, le jeune musicien a fait des études en Angleterre pour, finalement, créer son atelier à Montpellier.

Selon Wolfram Neureither, il n'est pas obligatoire de jouer du violon pour devenir luthier. Mais il faut s'intéresser à l'architecture, à la peinture, aux autres cultures et, bien sûr, avoir l'oreille. Et, surtout, il faut avoir l'esprit ouvert, prêt à communiquer avec des gens de tous les pays et tous les milieux. "L'esprit d'un luthier", philosophe Michel Proulx, "est comme un parachute : il ne fonctionne que quand il est ouvert."

Actuellement, la Maison des relations internationales à Montpellier héberge une exposition des violons et archets fabriqués à Montpellier, organisée par l'association "Luthiers à Montpellier". L'objectif n'est pas commercial - les luthiers et archetiers de Montpellier sont si connus qu'ils ne manquent jamais de travail - mais une "exercice de relation avec le public". "Le plaisir", selon Wolfram Neureither, "de faire comprendre notre métier et d'être reconnus..." ...non seulement en Chine ou en Allemagne, mais aussi à Montpellier.
Photos et texte : copyright Doris Kneller
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