dimanche 6 février 2011

Montpellier manifeste contre la loi LOPPSI 2

Un village alternatif pour Montpellier : "Danser pour la liberté"

"La vie doit changer. Autant commencer tout de suite." Ils sont venus pour protester contre la loi LOPPSI 2, la loi, comme disent les uns, d'orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure. - La loi, comme disent les autres, pour "surveiller, punir, isoler, détruire".

Au contraire des manifestations pour les retraites, les participants à celle contre la loi LOPPSI 2 ne pouvaient pas se décider à rentrer pendant longtemps. Arrivés à la fin de l'itinéraire de la manifestation, les gens restaient pour discuter et, pour la plupart parmi eux, pour se sentir réunis.

"Pourquoi je manifeste ?" réagit un jeune homme à la question de l'équipe des Gens de Montpellier. "Parce que j'ai peur. Ce ne sont pas les caméras de surveillance qui vont résoudre nos problèmes." Une jeune femme qui se tient à ses côtés acquiesce. "Il est prouvé que les caméras de surveillance ne diminuent pas la criminalité. Mais elles coûtent chères. L'état a donc de l'argent à jeter par la
fenêtre..."

Le nombre des manifestants contre la loi LOPPSI 2 n'est pas comparable à celui des gens qui marchaient contre les réformes des retraites. Il n'y a pas non plus de camions syndicaux qui diffusent des chansons et des slogans, on voit moins de drapeaux, et la plupart des panneaux sont écrits à la main, sur de simple carton. Mais il y a des manifestants de tous les âges, et ils ont l'air sérieux.

"Nous ne sommes pas dans la rue parce qu'il fait beau à Montpellier", déclare un autre homme d'une dizaine d'années plus âgé que le premier. "Et nous ne marchons pas pour le plaisir. Nous marchons pour notre liberté."

La liberté est aussi la raison pour laquelle, à la fin de la manifestation, quelques groupes de musique jouent pour les manifestants et quelques filles - quelques-unes en costume de Rom - se mettent à danser. "Nous dansons pour la liberté", explique une d'elles, et elle ajoute : "Et pour celle de nos enfants."

Un homme d'une trentaine d'années compare la loi LOPPSI 2 au régime de Franco. "Mes parents ont vécu en Espagne, et ils savent ce qui signifie vivre sans la liberté de la presse. Ne pas oser dire son opinion. Étre manipulé tout le temps. Ils m'ont souvent parlé de ces années, et ils sont venus ici pour ne plus jamais vivre ça."

Une femme d'une quarantaine d'années parle de sa peur de la délation. "Les Français aiment dénoncer leurs voisins. Nous avons vu cela sous Vichy." - La nouvelle loi incite-t-elle les gens à la délation ? - "Oui. Chacun peut dénoncer le voisin dont le style de vie ne lui convient pas..."

Mais pour la plupart des manifestants, ni la délation ni Franco ni le régime de Vichy ne forme la préoccupation principale. "LOPPSI", dit une jeune femme, "est une loi contre les SDF, contre les pauvres." Et un homme dans la quarantaine déclare : "Je suis pauvre, d'accord. Et je n'ai pas de domicile fixe. Je vis en squat. Mais je ne demande rien à personne, j'ai choisi ma vie. Et maintenant, tout à coup, je n'ai plus le droit de choisir, comment je veux vivre ?" Une autre jeune femme réagit : "Nous allons vers une criminalisation de la pauvreté."

Toutefois, pour le moment, au moins, les pauvres ne sont pas encore seuls. À la fin de la manifestation, le collectif "Reste à Quai" a construit une sorte de village alternatif. Catherine fait partie de ceux qui sont venus pour conseiller, pour construire une petite cabane de l'espoir et pour soutenir la liberté de choisir son style de vie. Depuis des années, elle habite dans une yourte - et cela dans les Pyrénées-Orientales, un département qui est considéré comme "projet pilote" pour la suppression des cabanes, yourtes et autres caravanes. Elle raconte que même les gens qui construisent un abri de toile ou de bois sur leur propre terre n'ont plus le droit d'y vivre. Son propre projet, toutefois, a survécu - jusqu'à maintenant. Elle explique que les anciens projets ont une certaine chance d'échapper à la nouvelle loi... pour le moment. Car...

...jusqu'à maintenant, comme expliquent d'autres personnes qui ont étudié la nouvelle loi, les mairies avaient leur mot à dire. Autrement dit, si la mairie était d'accord, on pouvait tranquillement vivre dans sa caravane ou sa yourte - sous condition qu'on possédait la terre ou que le propriétaire le permettait. Au moment, par contre, où entre en vigueur la loi LOPPSI 2, les maires seraient obligés de dénoncer tout essai de vivre librement - sous menace de payer eux-mêmes une grosse amende.

La mairie de Montpellier, de toute manière, est encore du côté des manifestants : c'est elle qui a mis à leur disposition des abris pour construire le "village de la liberté", pour montrer des vidéos et, surtout, pour faire une cuisine de légumes et gâteaux pour tout le monde. Celui qui veut aider participe à la préparation des légumes, les autres mangent la soupe, dans un cadre de solidarité.

"Loppsi", blague un jeune homme qui est resté pour soutenir les constructeurs du "village alternatif", "quel nom mignon. Dernièrement, le gouvernement choisit de jolis noms pour ses lois. Peut-être, ces noms aident à ce que les gens ne s'intéressent plus à leurs impacts sur la vie des Français."
Photos et texte : copyright Doris Kneller

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