Quels sont ces Montpelliérains qui ont préféré s'abstenir aux élections départementales ?
Dans ces jours des élections, il y en a beaucoup qui
se demandent qui a voté pour qui et, surtout, qui a voté pour le Front National. Mais il y une autre question à poser, une question concernant pratiquement la
moitié de tous les Français qui ont le droit de voter et dont la réponse
sculpte le paysage politique plus que tous les bulletins de vote : Pourquoi
tant de personnes n’ont-elles pas fait usage de leurs droits civiques ? - Pourquoi
n’ont-elles pas voté ?
Face à 45,62 pour cent d’abstention dans l’Hérault, 5,62 pour cent
de votes blancs, 2,53 pour cent de votes nuls et, déjà à la base, uniquement 73,58
pour cent d’inscrits (source) l’équipe de Montpellier
Presse Online voulait savoir, pour quelle raison tant de Montpelliérains n’ont
pas entamé ce dimanche la voie aux urnes. Au début, sa tâche ne semblait pas
facile : si beaucoup d’électeurs sont entretemps prêts à confier aux
autres leur choix de parti, il n’y en a que peu qui « avouent » avoir
manqué à leurs « devoirs de citoyens ». Mais, finalement, Montpellier
Presse Online pouvait se baser sur une bonne centaine de réponses sérieuses.
L’argument
le plus fréquent était sans doute la lassitude, le « ras-le-bol » de la politique. « La droite utilise les arguments de la gauche »,
se plainte par exemple un Monsieur d’une cinquantaine d’années, « et la
gauche fait une politique de droite. Pour qui voulez-vous qu’on vote ?
Autant ne pas y aller… »
« Les
Français sont devenus fous », se fâche une dame dans la trentaine. « Ils
n’ont absolument rien appris de l’histoire. S’ils veulent le mal, ils l’auront.
Moi, je me lave les mains - je ne participe plus, même pas par un vote. »
Toutefois,
il n’y a que peu de Montpelliérains qui ont des idées aussi extrêmes que cette
dame. « Je ne sais pas pour qui voter », explique une dame dans la
quarantaine et exprime l’opinion de beaucoup des personnes interrogées, « et
ce n’est certainement pas ma petite voix qui change quoi que ce soit. Pour
moi, ils sont tous pareils, à droite, à gauche, ils ne pensent qu’à leur propre
portemonnaie. »
Beaucoup
de Montpelliérains regrettent aussi que le vote blanc n’est pas pris au
sérieux. « J’ai voté blanc », confie une dame un peu plus jeune à l’équipe
de Montpellier Presse Online. « Je souhaite que les politiciens
comprennent que je ne suis pas d’accord avec eux - avec personne parmi eux. »
Un
Monsieur d’une trentaine d’années, par contre, se fâche contre tous ceux qui « ne
votent pas, votent blanc ou pour un petit parti qui n’a aucune chance à barrer
la route à l’extrême droite et qu’ils n’utilisent que pour pouvoir dire qu’ils
auraient voté. » Lui-même, avoue-t-il, n’aurait pas voté non plus :
il aurait été obligé de se déplacer à court terme, et il ne connaîtrait personne
à qui il aurait pu confier sa procuration. « En politique, je me méfie de
tout le monde. Qui me dit que je ne choisis pas quelqu’un qui abuse de ma
procuration pour voter pour le FN ? Aujourd’hui, on ne sait plus qui vote
pour ce parti. »
« Si
je ne vote pas », dit un autre Monsieur d’à peu près le même âge, « c’est
que je n’ai plus aucun espoir. Que, au contraire, je souhaite accélérer le
désespoir. Vous êtes étonné ? Ne regardez pas seulement la France - le
monde entier est dans un état désespéré. Les gens se créent des systèmes de
pouvoir avec qui ils sont incapables de vivre. Le résultat : ils vivent
mal, sont malheureux, mécontents de leur quotidien. Mais au lieu de changer
eux-mêmes, de rectifier leur choix de mode de vie, ils cherchent la solution
chez les puissants : parfois à gauche, parfois à droite, sans trouver leur
bonheur. Évidemment. En ce moment, c’est de nouveau - comme déjà souvent dans l’histoire
- la tendance à droite. Je sais, je sais, si je ne vote pas, je donne
indirectement une voix pour l’extrême droite. Mais, de toute manière, nous y
arriverons, c’est la loi de l’histoire. Chaque vote contre l’extrême droite ne
saurait que ralentir le procès naturel. Autant laisser l’histoire suivre son
cours - plus vite l’extrême droite prend le pouvoir, plus vite la catastrophe
arrive et, comme le veut l’histoire, plus vite l’horreur passe pour laisser la
place à quelques dizaines d’années de moindre mal… »
Mais
pas tout le monde n’a des considérations si profondes. « C’était hier qu’il
fallait voter ? », demande une dame dans la quarantaine. « Tiens,
j’ai oublié. » Et un Monsieur dans la cinquantaine : « J’aurais
voté, évidemment, mais c’était l’anniversaire de ma sœur à Nîmes. On est partis
trop tôt et rentré trop tard pour voter. » Et une dame dans la
cinquantaine : « J’avais l’intention ferme d’aller voter. Mais il
faisait froid et je n’avais pas d’autre raison pour sortir. J’ai donc préféré
passer la journée bien au chaud dans mon lit. »
Une
dame dans la trentaine soupire quand l’équipe de Montpellier Presse Online lui
pose la question. « Je vous jure, je voulais voter. Mais je ne pouvais
pas, pour des raisons familiales. Et je ne suis certainement pas la seule. Si
je pense à cette force politique représentée par tous ceux qui ne veulent ou ne
peuvent pas voter, je suis impressionnée. Si on avait tous voté, les résultats
seraient différents. Une force énorme qui ne s’exprime pas. On est tellement
nombreux et on pourrait être tellement fort qu’on pourrait créer notre propre
parti - et il aurait toutes ses chances de gagner aux prochaines élections. »
Photos et texte : copyright Doris Kneller
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