Montpellier : Qui a voté pour le Front National ?
Un grand quotidien a divulgué la nouvelle : voter pour le Front
National n’est plus une « honte ». Maintenant, les gens en parleraient
ouvertement. Par conséquent, Montpellier Presse
Online a voulu savoir qui sont les presque 32 pour cent
qui, dans l’Hérault, ont voté pour la droite extrême. Sont-ils prêts, maintenant, d'en parler ouvertement ?
« Si j’ai voté pour le Front National ? C’est une blague ?
» La dame dans la quarantaine a l’air de ne savoir si on l’insulte ou si on se
moque d’elle. « Mais quelle idée. Ai-je l’air de quelqu’un qui ne sait pas
ce qu’il fait ? »
« Vous souhaitez savoir qui a voté pour le parti Le Pen ? »
réagit un Monsieur dans la cinquantaine. « Les Arabes, j’imagine. »
Puis, il ajoute : « Faut être complètement zinzin pour poser une
telle question. »
La plupart des réponses récoltées par l’équipe de Montpellier Presse
Online se ressemblent : les Montpelliérains se fâchent. L’idée qu’ils
auraient pu voter pour l’extrême droite les horrifie. Toutefois, les partisans
du « bleu marine » se cachent-ils ou ne les rencontre-t-on pas dans
les rues ?
« Qui a voté pour le Front National ? » répète un autre
Monsieur, lui aussi dans la cinquantaine, la question. Il réfléchit. « D’abord,
je pense, tous les gens qui ne sont pas contents de la situation politique actuelle.
Les élections d’hier ne sont pas très importantes, c'est-à-dire qu’elles n’ont
pas un impact énorme sur le jeu du pouvoir. Beaucoup les ont utilisées pour donner
un avertissement aux partis classiques. Il faut qu’ils comprennent que la France
a besoin d’un changement. »
« Dans dix ans, on aura peut-être compris », répond une dame
dans la trentaine qui, comme elle dit, se sent très abattue aujourd’hui, face
aux résultats des élections. « Il est vrai, on aurait dû y compter, après
les sondages et tout. Mais j’ai espéré un miracle. D’un autre côté, on peut les
comprendre : la gauche ne fait que la politique de la droite, la droite
présente un leader dont la France a eu marre il y a déjà longtemps, et les
autres partis ne sont pas assez forts. Dans dix ans, peut-être, tout changera
de nouveau. Mais pour le moment, tout est fichu. »
« Moi, je vote pour le parti écologique », explique une autre
dame, une dizaine d’années plus âgée que la précédente. « Mais il est vrai
que les verts n’ont pas bien réussi, hier. Ce qui est logique. Tout le monde s’est
dit qu’il faut voter ‘utile’, pour barrer le chemin aux Le Pen. »
Et enfin : « Oui, j’ai voté pour le FN. » Il s’agit d’une
dame dans la quarantaine, assez élégamment vêtue. « Et je peux vous dire,
pourquoi. J’en ai marre de la dictature des étrangers. Dans le tram, vous n’entendez
presque plus le français. Dans mon quartier, ils ont brûlé des voitures.
Pendant la nuit, les jeunes Magrébins sont dans la rue, jusqu’à deux ou trois heures du matin, ils gueulent et font marcher leurs radios à un volume que personne ne
peut dormir. Ils s’en foutent de ceux qui doivent travailler - eux ils ne
travaillent pas. Et à qui la faute ? A la police. Nous avons essayé, plus
d’une fois, d’appeler la police pour qu’elle intervient contre ce bruit
nocturne insupportable. Mais là, vous pouvez attendre longtemps. Les jeunes
Magrébins peuvent faire ce qu’ils veulent, la police est de leur côté. »
Une autre dame d’à peu près le même âge parle également du sujet des
Magrébins dont on dit qu’ils dérangeraient tout le monde. « D’abord »,
souligne-t-elle, « ce ne sont pas exclusivement des Magrébins, mais tout
simplement des jeunes qui sont mal dans leur peau. Des jeunes Français, entre autres. Quant aux jeunes
Magrébins, je veux dire des jeunes Français dont les parents sont nés dans un
pays de Maghreb, qu’est-ce qu’ils ont dans la vie ? On ne leur donne pas
de travail, ils sont exclus par le système. Tous les jours, ils sont confrontés
avec le mépris de leurs concitoyens. Mais ils sont jeunes, ils veulent vivre,
profiter des biens de la société. Alors ils se prennent ce qu’ils pensent qu’on
leur doit. » Elle hésite, puis continue : « Oui, il faut changer
de politique. Il nous faut une politique qui fait comprendre aux gens qu’il n’y
a pas Français et Français, mais uniquement Français. Il faut la même éducation
pour tout le monde et les mêmes chances. Nous avons des hommes politiques qui
travaillent pour ce but, mais ils ne sont soutenus par personne et, avant tout,
ignorés par la presse. »
Le sujet de la presse est également mentionné souvent : « Qui
vote pour le FN ? La presse, bien sûr », dit par exemple un Monsieur
dans la cinquantaine. « Prenez seulement l’affaire du footballeur suédois.
Il a fait un petit faux pas - la presse en aurait parlé pendant une journée,
peut-être, pas plus. Mais comme Marine Le Pen l’a utilisé pour faire sa
publicité, tous les média l’ont soutenue. On devrait se demander si elle n’a pas
payé le Suédois pour trouver un moyen supplémentaire de publicité - et les
média pour, encore, ne parler que d’elle. »
« Non, je n’ai pas voté pour le FN »,
répond une dame dans la trentaine. « Je crois à un vote de signalisation.
Les gens signalent qu’il y a quelque chose qui ne va pas. Que, en fait, rien ne
va plus. Et soyons honnêtes : pouvez-vous me nommer un seul politicien, parmi
ceux qui ont une chance d’être élus à l'Elysée,
qui est prêt ET capable de nous aider ? De donner du travail aux chômeurs ?
Non. Mais attendons le deuxième tour, il nous montrera ce que les Français
pensent vraiment. »
Photos et texte : copyright Doris Kneller
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