Le terme "pardon" ou l'excuse en générale ont-ils une signification pour les Montpelliérains ?
Note
dans la presse internationale qui amuse - ou non - les lecteurs : un
couple hawaïen avait décidé de fêter son mariage sur un terrain de golf. Cependant,
les deux amoureux n’ont pas compté sur le président américain - juste ce
jour-là, il avait envie de jouer une partie, sur le même terrain de golf. Il
va de soi que ce n’est pas Obama qui s’est retiré, mais le mariage a dû être
planifié autrement, à la dernière minute.
Toutefois,
le couple n’en veut pas au président : il a eu la bonne idée de l’appeler
après sa partie, personnellement, et de s’excuser. Ce coup de fil n’a pas sauvé
la fête sur le green, mais au moins, il a touché les jeunes mariés.
Comme le président américain, aussi les Montpelliérains savent s'excuser. Toutefois, il
y a 30 ou 40 ans, les adultes se sont plaints de l’impolitesse
des jeunes, notamment de leur refus de dire pardon. Entre-temps, cela a changé :
à Montpellier, on entend les « pardon » toute la journée, partout,
dans le tram, dans la rue, dans les magasins… Toutefois, ce « pardon »
a-t-il encore un sens ? - L’équipe de Montpellier Presse Online, impressionnée
par la multitude des « pardon » qu’on entend ces jours-ci dans la
foule des rues piétonnes et des Hivernales, peut-être dus à l’esprit de
Noël, a voulu savoir ce que pensent les Montpelliérains quand ils disent « pardon »
une énième fois.
« Le
mot ‘pardon’ est devenu une excuse pour faire mal », critique une dame
dans la cinquantaine, interrogée par l’équipe de Montpellier Presse Online. « Tenez,
un exemple : l’autre jour j’étais dans une boutique de chaussures avec peu
de place pour les clients. Je regardais les chaussures sans faire attention aux
autres. Tout à coup, je sentais une douleur très forte dans mon talon droit -
ma présence a gêné une femme avec une poussette qu’elle a utilisée comme arme
pour m’écarter de son chemin. Mais, bien sûr, elle a dit ‘pardon’, ensuite. Au
moment où la douleur était déjà là et est restée pendant deux jours. Elle
aurait bien pu dire ‘pardon’ avant de me pousser… »
Hasard
ou, peut-être, malentendu ? La dame n’est pas la seule à relater de telles
expériences. « Dans le tram, ça arrive tout le temps », raconte une Lycéenne,
« les gens nous poussent sans se soucier si ça fait mal ou non. Mais
après, ils s’excusent. »
Une
dame dans la trentaine se plaint du contraire : « Il m’arrive souvent
dans la rue que des gens trainent devant moi et ne me laissent pas passer - c’est
normal, les rues de Montpellier ne sont pas assez larges. Dans un tel cas, j’ai
le principe de demander d’abord de me laisser passer, utilisant le fameux ‘pardon’.
Mais la plupart des gens ne réagissent pas. J’ai donc le choix entre rester
derrière eux et les pousser impoliment. »
« La
politesse », constate un Monsieur dans la quarantaine, « est devenue
un automatisme. On nous apprend à l’école ou chez les parents d’être polis.
Mais on ne nous apprend pas que, sans le cœur, la politesse ne sert à rien. On
s’excuse pour ce qu’on a fait, mais on ne réfléchit pas à une possibilité d’éviter
la blessure. Se faire pardonner facilite la vie. Et cela ne compte pas seulement pour ce qu'on vit dans la rue. »
« S’excuser
est à la mode », enchaîne une dame d’à peu près le même âge. « Si
vous heurtez quelqu’un, il faut s’excuser, sinon les gens pensent que vous êtes
mal éduqué. Heurter quelqu’un, dans la rue, dans le tram ou à d’autres endroits
avec beaucoup de gens, ce n’est pas grave et vous n’avez pas besoin - selon l’étiquette
- de vous renseigner si vous avez blessé la personne. Mais il faut s’excuser…
et continuer votre chemin. »
Pendant
ses promenades à Montpellier, un membre de l’équipe de Montpellier Presse
Online est devenu lui-même témoin d’un cas de « pardon » : dans
une rue pas trop fréquentée, un homme d’une trentaine d’années marche derrière
une femme peut-être un peu plus âgée que lui. Ses pas sont légèrement plus
vites que ceux de la femme, et il s’approche d'elle de plus en plus. Arrivé à sa
hauteur, il ne ralentit pas ni la contourne - il l’a pousse carrément et la
force de s’écarter. Ensuite, il se retourne et dit « pardon ». La
femme, choquée, se tenant l’épaule qui, évidemment, lui fait mal, l’engueule :
« Je suis invisible ou quoi ? » L’homme ne s’arrête que pour une
seconde, lançant un étonné « Mais qu’est-ce que vous voulez, je me
suis excusez, n’est-ce pas ? » et s'éloigne rapidement.
« Si
j’ai l’impression que les ‘pardon’ qu’on entend son sincère ? » répète une
dame dans la cinquantaine la question de Montpellier Presse Online. « Oui,
bien sûr, si cela peut sauver des sous. » Elle raconte le cas d’un
plombier qui a fait de mauvais travail chez elle. « Après mon mail qui a
montré tout mon mécontentement, la secrétaire de la société m’a appelé pour s’excuser.
Je crois bien que ses excuses étaient sincères - parce qu’elle avait très peur
que je demande des indemnités… »
Une étudiante qui, comme elle dit, a « étudié le cas pendant des années,
force d’être concernée » a analysé le comportement des Montpelliérains. « Les
gens ne font pas attention », raconte-t-elle. « Ils sont trop pressés
pour s’occuper des autres ou, plus probablement, ils sont complétement
insensibles à ce que pensent et sentent les autres. Tout le monde pousse tout
le monde. Ensuite, la réaction dépend de la taille et du sexe de la personne
qui pousse : si c’est une femme ou un homme petit et faible, on s’excuse.
Si c’est un homme fort et la victime est une femme, il ne s’excuse pas. Si la
victime se plaint, ose lui faire des reproches, il sort le geste
menaçant du grand mâle typique. »
Un
Monsieur dans la cinquantaine dont la silhouette ressemble plutôt à ce que l’étudiante
a qualifié comme « petit et faible » en a marre de ce comportement des
citadins. « On dit que Noël est le moment des bonnes résolutions. On
devrait alors décider d’être un peu plus gentils les uns avec les autres. Il ne
suffit pas de dire ‘pardon’ sans se soucier de ce que pense l’autre. La solution
serait si simple : on doit juste recommencer à parler l’un avec l’autre.
Oser dire : ‘pardon, j’aimerais passer’ ou ‘pourriez-vous vous écarter, s’il
vous plaît ?’ ou même 'est-ce que je vous ai fait mal ? Je suis désolé, je ne l'ai pas fait exprès' au lieu d'un 'pardon' désintéressé. Mais non, on a peur de communiquer, alors on agit
brutalement et s’excuse ensuite en utilisant la formule qui garde les distances. » Sa dernière phrase finie, le Monsieur se retourne pour suivre son chemin. Mais avant de s'éloigner, il s’arrête,
revient sur ses pas et dit : « Je vous souhaite une bonne année.
Soyez heureux. »
Photos et texte : copyright Doris Kneller
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