Les Montpelliérains en deuil pour Charlie Hebdo - la liberté ne doit pas mourir
Cela
va sans dire - Montpellier est sous le choc. La dame dans la cinquantaine
retient les larmes lorsqu’elle raconte le moment où elle a entendu ce qui s’est
passé chez Charlie Hebdo : « J’étais dans mon cours de peinture.
Quelqu’un arrive et nous parle de l’attentat. D’abord, on était incapable d’y
croire. Le prof a pris son téléphone pour chercher sur Internet - on était tous
rassemblés autour de lui pour voir son écran. Puis, on a compris. Personne ne
savait quoi dire. Plusieurs ont pleuré. »
« Je
ne comprends pas », dit aussi une dame dans la soixantaine. « Ils
étaient - comme nos amis. Tout le monde les connaissait, tout le monde les
aimait. Comment peut-on les tuer ? Juste comme ça ? »
Le
jour-même de l’attentat, 2000 à 3000 personnes se sont rassemblées devant le
club de presse à Montpellier. La tristesse et la dignité régnaient, le besoin de partager,
d’être ensemble. Les unes venaient, les autres partaient, mais toutes étaient
d’accord : « Il faut qu’on montre notre solidarité. Ils ont tiré sur
la liberté, mais nous ne sommes pas prêts à la laisser mourir », déclare
un Monsieur dans la quarantaine. Et une dame un peu plus âgée
enchaîne : « Que tout le monde sache qu’on est bien ensemble,
Musulmans, Chrétiens, Juifs, on se balance de la religion, le principal est que
nous sommes tous humains… » « … et que nous restons unis »,
ajoute une autre dame du même âge que la précédente.
Tristesse,
colère, incompréhension, larmes… « Oui, je suis en colère comme tant de
Français », avoue un Monsieur de quelque 32, 33 ans. « Mais ce n’est
pas la colère qui nous sauvera. Elle ne peut que faire des dégâts. C’est l’amour
qu’il nous faut. Toutes les religions parlent de l’amour, mais, curieusement,
ceux qui se proclament croyants, dans toutes les religions, sans exception, ne
répandent jamais l’amour. Plutôt la haine, l’agressivité et l’avidité. »
Le
Monsieur n’a pas tort : les dégâts sont déjà faits. Les journaux parlent de
plusieurs attaques de locaux consacrés à la prière musulmane - « Encore il
n’y a pas de morts, mais ça peut venir. Les gens confondent religion musulmane
et fanatiques, » déplore une dame dans la soixantaine qui, comme elle
explique, est depuis longtemps active dans des associations qui lient les gens de différents pays et de différentes religions, « Il
y a des fanatiques dans toutes les religions, cela n’a rien à voir avec notre
voisin qui croit en Dieu - en fait, il n’y a qu’un seul dieu avec plusieurs
noms. »
« Je
trouve grave », dit une dame dans la trentaine, « que l’extrême
droite a tout de suite exploité l’attentat pour ses objectifs. Elle est la
gagnante dans cette affreuse affaire. L'attentat l'aide à semer la haine contre les
étrangers et les musulmans. J’ai lu des déclarations, par exemple celle du
maire de Béziers, où on aurait envie de croire que l’attentat aurait été
organisé par l’extrême droite. C’est absurde, bien sûr, mais de toute manière,
ça lui convient bien, quelques mois avant des élections. »
Un
Monsieur dans la cinquantaine qui n’a pas participé à la manifestation n’est
pas d’accord avec la dame. « Cela prouve », proclame-t-il, « que
notre gouvernement est trop lâche. Nous sommes en France, pas dans un pays
arabe. Si les Arabes veulent vivre ici, ils n’ont qu’à s’adapter. Nous sommes
des chrétiens, avec nos crèches de Noël et d’autres symboles de notre culture.
Nous avons pas envie de perdre notre culture à cause de quelques Arabes qui ne
trouvent pas de travail chez eux. Qu’ils acceptent nos valeurs ou qu’ils s’en
aillent. Ce massacre prouve qu’il est temps qu’ils quittent la France. »
« J’aime
l’idée de les voir dans un ciel de dessinateurs, avec leur crayon et un bout de
papier, en train de se moquer de la situation des anges… », rêve une dame
dans la quarantaine avec un petit sourire qui souligne plutôt sa tristesse. « La
France est en deuil », continue-t-elle, « mais les autres pays sont
solidaires. Nos dessinateurs auraient aimé ces déclarations de solidarité.
Peut-être », de nouveau, ce sourire triste éclaire sa mine, « ils l’observent de
quelque part. On ne peut pas savoir… »
« J’en ai marre », déclare une autre
dame un peu plus âgée que la précédente, « qu’on ne parle que des
dessinateurs et des policiers. C’est très important de parler d’eux, je suis d’accord,
mais il n’y a pas six victimes, mais douze !!! Treize, entre-temps, je
crois. Et on ne parle jamais des autres. Je ne connais même pas leurs noms. Je
trouve sur Facebook les ‘Je suis Charlie’ et même des ‘Je suis les deux
policiers’. Mais qui dit ‘Je suis les autres six (ou sept) victimes’ ?
Personne. »
Une
minute de silence accompagne, ces jours-ci, toutes les rencontres en France et
dans beaucoup d’autres pays. « Mais nous n’avons pas besoin d’une minute
de silence », commente un Monsieur dans la quarantaine, « nous avons
besoin d’un grand cri. Un cri qui appelle la liberté, la démocratie dont tout le
monde parle mais qui personne ne connaît et, surtout, l’amitié et la lutte
contre le racisme et la haine. »
Une dame d'à peu près le même âge est du même avis, mais elle n'a qu'une phrase à dire : « La liberté ne doit pas mourir. »
Photos et texte : copyright Doris Kneller
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