Exposition de photos à Montpellier dans le cadre du jumelage avec Louisville
Quand la ville de Montpellier décide de fêter l'année des États Unis - 55 ans de jumelage avec Louisville oblige - elle veille à ce que tous, ou presque, les aspects de ce pays (ou plutôt continent) soient évoqués. Ainsi, tandis que la Comédie des livres témoignait des différents genres et mouvements littéraires de l'Amérique, le "Cinéma sous les étoiles" rappelle l'esprit hollywoodien. La nouvelle exposition au Pavillon populaire sur l'Esplanade Charles de Gaulle explore encore un autre côté de l'art américain : le monde des photographes qui voient les États Unis "autrement". La plupart de ces artistes refusent de fixer leur regard sur le fameux rêve américain, mais ils visent les humains, l'expression de ce qu'ils sentent et de ce qu'ils vivent, aujourd'hui, dans ce pays dont on dit que tout y serait possible.
Lorsque le visiteur entre dans l'exposition, il regarde les premières images et... ne comprend rien. Il est confronté avec une série de photos qui montrent des gens qui ont l'air de le fixer. Quelques-uns l'envisagent avec une expression stupéfaite, d'autres avec horreur, encore d'autres ont juste un regard vide, comme si l'image devant leurs yeux n'existait pas, ne pouvait pas exister. Il y en a même qui pleurent - mais très peu.
Pourquoi, se demande le visiteur, ils nous regardent "comme ça" ? Ou, plutôt, pourquoi ils ont tous des yeux qui semblent remplis d'images insolites, jamais vues ?
Les critiques d'art ont beaucoup discuté de l'utilité des légendes des tableaux. Les uns disent qu'une explication de l'artiste serait indispensable - sinon, le public ne pourrait jamais comprendre les pensées de l'artiste et, par conséquent, ne pas estimer correctement la valeur du tableau. Les autres sont de l'avis que, tout au contraire, l'ignorance de ce que l'artiste pensait au moment où il a créé le tableau rend la liberté au public. Chacun, avancent-ils, devrait avoir le droit d'interpréter un tableau selon ses sentiments, ses goûts, son caractère et l'humeur du moment dans lequel il s'absorbe dans la considération de l'oeuvre.
On peut en penser ce qu'on veut, mais dans le cas des photos de Frédéric Sautereau, une explication est indispensable. Le visiteur, intrigué, liserait donc les commentaires affichés à côté de la série. Et là, il comprend. Et bien qu'il ait déjà visualisé toutes les photos, avant de lire les commentaires, il recommence. Parce que ce qu'il aura lu change tout. Ce n'est pas lui, le visiteur, qui est visé par les yeux des personnages dans les photos, ni Frédéric Sautereau, le photographe. Ce qu'ils voient a une date : le 11 septembre 2001. Les gens observent la chute des tours New-Yorkaises.
C'est à ce moment où on aurait envie d'avoir le photographe à ses côtés, de lui poser des questions : quel est l'esprit d'un artiste capable d'ôter ses yeux - et l'objectif de son appareil photo - de cet événement stupéfiant pour se tourner vers les spectateurs ? Que ces gens ont-ils sentis lorsqu'ils se voyaient visés par un photographe ? Que sentiraient-ils si, aujourd'hui, ils entraient dans le Pavillon populaire à Montpellier et voyaient leurs photos exposées comme oeuvres d'art, avec leur image prise à un moment où ils étaient exposés à un choc, "nus", stupéfaits, sans défense psychologique ?
Il n'y a pas de doute, cette série contient des oeuvres d'art. Mais était-ce "juste" de s'approprier des visages des gens livrés à la peur d'un moment du "jamais vu" et de les exposer aux regards de ceux qui entrent dans une exposition juste promettant "des photos" d'un pays lointains ?
Après ces premières photos de l'exposition, les autres risquent de perdre un peu de leur éclat - ce qu'elles ne méritent certainement pas.
Ainsi, la série de Jean-Robert Dantou, les "Paysages de campagne", montre un Amérique que nous croyions déjà perdu. Christopher Morris, avec "My América", par contre, replonge le visiteur dans le monde rouvert par Frédéric Sauterau : il parle du pouvoir et de ce sentiment de "racines" qui a aveuglé - et aveugle toujours - les habitants de beaucoup de pays, des gens qui confondent des frontières artificielles, fixées par le jeu de l'histoire et de la politique, avec l'humain. Pour Jean-Robert Dantou, ce patriotisme dangereux est ancré dans l'Amérique de Bush - le public, en regardant ses oeuvres, pense peut-être plus loin...
La série de Stephan Vanfleteren et Robert Huber nommé "Elvis & Presley" ramène le visiteur sur un sol plus réjouissant. Les deux photographes se sont acharnés sur les innombrables professionnels et amateurs qui imitent le look et la musique du "roi des rois" de l'Amérique, Elvis Presley.
Mais le fameux "rêve américain" ne manque pas non plus dans l'exposition. Marc Cellier, avec son "Mon Oncle d'Amérique", un objet "filmique et photographique" a su créer l'ambiance familiale que nous connaissons des séries télévisées, cette amitié inébranlable entre parents et enfant, entre enfant et animal, que rien ne peut toucher... Un Amérique "beau" et "sain", comme il plait à ceux qui parlent de leurs "racines".
À suivre
Lorsque le visiteur entre dans l'exposition, il regarde les premières images et... ne comprend rien. Il est confronté avec une série de photos qui montrent des gens qui ont l'air de le fixer. Quelques-uns l'envisagent avec une expression stupéfaite, d'autres avec horreur, encore d'autres ont juste un regard vide, comme si l'image devant leurs yeux n'existait pas, ne pouvait pas exister. Il y en a même qui pleurent - mais très peu.
Pourquoi, se demande le visiteur, ils nous regardent "comme ça" ? Ou, plutôt, pourquoi ils ont tous des yeux qui semblent remplis d'images insolites, jamais vues ?
Les critiques d'art ont beaucoup discuté de l'utilité des légendes des tableaux. Les uns disent qu'une explication de l'artiste serait indispensable - sinon, le public ne pourrait jamais comprendre les pensées de l'artiste et, par conséquent, ne pas estimer correctement la valeur du tableau. Les autres sont de l'avis que, tout au contraire, l'ignorance de ce que l'artiste pensait au moment où il a créé le tableau rend la liberté au public. Chacun, avancent-ils, devrait avoir le droit d'interpréter un tableau selon ses sentiments, ses goûts, son caractère et l'humeur du moment dans lequel il s'absorbe dans la considération de l'oeuvre.
On peut en penser ce qu'on veut, mais dans le cas des photos de Frédéric Sautereau, une explication est indispensable. Le visiteur, intrigué, liserait donc les commentaires affichés à côté de la série. Et là, il comprend. Et bien qu'il ait déjà visualisé toutes les photos, avant de lire les commentaires, il recommence. Parce que ce qu'il aura lu change tout. Ce n'est pas lui, le visiteur, qui est visé par les yeux des personnages dans les photos, ni Frédéric Sautereau, le photographe. Ce qu'ils voient a une date : le 11 septembre 2001. Les gens observent la chute des tours New-Yorkaises.
C'est à ce moment où on aurait envie d'avoir le photographe à ses côtés, de lui poser des questions : quel est l'esprit d'un artiste capable d'ôter ses yeux - et l'objectif de son appareil photo - de cet événement stupéfiant pour se tourner vers les spectateurs ? Que ces gens ont-ils sentis lorsqu'ils se voyaient visés par un photographe ? Que sentiraient-ils si, aujourd'hui, ils entraient dans le Pavillon populaire à Montpellier et voyaient leurs photos exposées comme oeuvres d'art, avec leur image prise à un moment où ils étaient exposés à un choc, "nus", stupéfaits, sans défense psychologique ?
Il n'y a pas de doute, cette série contient des oeuvres d'art. Mais était-ce "juste" de s'approprier des visages des gens livrés à la peur d'un moment du "jamais vu" et de les exposer aux regards de ceux qui entrent dans une exposition juste promettant "des photos" d'un pays lointains ?
Après ces premières photos de l'exposition, les autres risquent de perdre un peu de leur éclat - ce qu'elles ne méritent certainement pas.
Ainsi, la série de Jean-Robert Dantou, les "Paysages de campagne", montre un Amérique que nous croyions déjà perdu. Christopher Morris, avec "My América", par contre, replonge le visiteur dans le monde rouvert par Frédéric Sauterau : il parle du pouvoir et de ce sentiment de "racines" qui a aveuglé - et aveugle toujours - les habitants de beaucoup de pays, des gens qui confondent des frontières artificielles, fixées par le jeu de l'histoire et de la politique, avec l'humain. Pour Jean-Robert Dantou, ce patriotisme dangereux est ancré dans l'Amérique de Bush - le public, en regardant ses oeuvres, pense peut-être plus loin...
La série de Stephan Vanfleteren et Robert Huber nommé "Elvis & Presley" ramène le visiteur sur un sol plus réjouissant. Les deux photographes se sont acharnés sur les innombrables professionnels et amateurs qui imitent le look et la musique du "roi des rois" de l'Amérique, Elvis Presley.
Mais le fameux "rêve américain" ne manque pas non plus dans l'exposition. Marc Cellier, avec son "Mon Oncle d'Amérique", un objet "filmique et photographique" a su créer l'ambiance familiale que nous connaissons des séries télévisées, cette amitié inébranlable entre parents et enfant, entre enfant et animal, que rien ne peut toucher... Un Amérique "beau" et "sain", comme il plait à ceux qui parlent de leurs "racines".
À suivre
Photos et texte : copyright Doris Kneller
Montpellier fete l'année des États Unis? Vraiment?
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