mardi 23 novembre 2010

Montpellier, la grève : les trams et la journée de mobilisation

Les Montpelliérains qui ne manifestent pas : micro-trottoir à la Place de la Comédie

Jour d'action à Montpellier"Aujourd'hui, ce n'est pas une journée d'action, mais de mobilisation", explique un membre de la CGT. "Chacun fait ce qu'il veut - une entreprise peut faire la grève ou non, on est absolument libre."

Pour ce mardi de mobilisation, juste 19 réseaux de transports urbains ont donné leur préavis - tandis qu'à la journée d'action du 28 octobre, ils étaient encore 32. Montpellier et ses trams, "spécialistes des grèves", comme l'exprime une dame dans la cinquantaine, font partie des grévistes "infatigables".

"Si j'en ai marre des journées d'action et de mobilisation ?" répète une dame dans la trentaine la question de l'équipe des Gens de Montpellier. "Je vais vous dire quelque chose : j'ai énormément de respect pour les gens qui luttent pour une bonne cause. Mais la Tam à Montpellier, j'y crois plus. Ses employés font la grève quand ils en ont envie, grève nationale ou pas. Franchement, j'en ai marre. Le tram n'est pas une lutte politique, mais un cauchemar."

Manifestation pour les retraites, MontpellierPendant ses micro-trottoirs, l'équipe des Gens de Montpellier a constaté que cette dame n'est pas la seule à se plaindre de l'attitude des Montpelliérains et, particulièrement, des bus et trams face à la lutte intersyndicale. Après avoir interrogé beaucoup de manifestants, elle voulait connaître l'avis des "autres", de ceux qui ne manifestent pas.

28 octobre 2010, place de la Comédie. Une foule de manifestants se pousse autour de la fontaine des trois Grâces. Des gens regardent les défiler, quelques-uns sourient, d'autres hochent la tête. Encore d'autres sont assis sur les terrasses de la Comédie, devant une tasse de café ou un verre de bière, et ils observent la manifestation.

"Pourquoi je ne participe pas ?" répond un jeune homme qui, avec sa copine, boit de la bière. De temps en temps, il pointe sur l'une ou l'autre des manifestants, et les deux éclatent de rire. "Parce que je n'en ai rien à faire. Ceux qui ont du travail peuvent se battre pour leurs retraites, si ça leur plaît. Mais ce n'est pas ma bataille. D'abord, il me faudrait du travail..."

Grève à MontpellierEst-ce vrai qu'en tant de chômeur, on n'est pas concerné des objectifs de la manifestation ? - "Bêtises", répond un homme un peu plus âgé. "On est tous concernés. Je suis chômeur moi aussi." - Et pourquoi est-il au café au moment de la manifestation ? "Parce que c'est trop tard. Sarkozy est le plus fort."

"Cela ne me concerne plus", commente une dame dans la soixantaine. "J'ai ma retraite. Pourquoi voulez-vous que je manifeste ?" - Et la retraite de vos enfants et petits-enfants ? - La dame se retourne. La conversation est close.

"Je ne manifeste pas, parce que ça n'a pas de sens", déclare un Monsieur dans la quarantaine qui, lui aussi, observe la manifestation assis devant un verre de bière. "C'est très joli de se promener l'après-midi en ville. Mais croyez-vous vraiment que ça change quoi que ce soit ? Ceux du gouvernement, ils se moquent de notre promenade et de nos grèves innocentes. Les ministres de Monsieur Sarkozy ne prennent pas le tram."

"Je ne m'intéresse pas à la politique", dit une jeune femme. "J'ai du travail - je suis prof - et j'ai une famille. Tout va bien, alors, n'est-ce pas ?" Et le Monsieur assis à sa table ajoute : "Les manifestations, c'est pour ceux qui n'ont pas envie de travailler."

"Les manifestants me font peur", explique un autre Monsieur d'à peu près cinquante ans. "Il y en a toujours qui cherchent la bagarre. Ils s'en fichent des retraites. Tout ce qu'ils veulent, c'est casser des voitures et lancer des pierres sur les policiers."

"À l'époque", soupire un Monsieur dans la bonne soixantaine, "dans les années 70, j'ai manifesté moi aussi. Mais tout a changé. Nous, on croyait encore à notre cause, on pensait que tout serait possible. Nous avons aussi cru à l'honnêteté des hommes politiques. Nous savions qu'ils n'étaient pas de notre avis. Qu'ils ciblaient d'autres objectifs que nous. Mais au fond, on était persuadés qu'ils ne perdraient pas de vue le 'bien-être du peuple'." Il pousse un rire amer. "Aujourd'hui, on ne croit plus en rien." Et il ajoute, comme s'il s'adressait juste à lui-même : "Et surtout pas dans l'honnêteté de certaines personnes."

"Je suis anglaise", dit une jeune femme avec un accent assez fort. "Ces choses ne me regardent pas." Puis, elle fait une grimace et ajoute : "Et ils font beaucoup de bruit." - "Comment peux-tu dire ça ?" Une autre jeune femme à sa table, également dotée d'un fort accent, se mêle de la conversation. "Même si nous ne sommes pas françaises, ça nous regarde." Elle s'adresse à l'équipe des "Gens de Montpellier" : "Je vis à Montpellier depuis cinq ans. Et je travaille ici. Je suis alors concernée autant que les Français." - Et pourquoi prend-elle un café tandis que les autres manifestent ? - "Je ne sais pas", répond-elle et hausse les épaules. "Vous avez raison, je devrais marcher avec les autres."
Photos et texte : copyright Doris Kneller

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