jeudi 14 octobre 2010

Manifestation à Montpellier : retraites, Roms, solidarité

Le jour 1 de la révolution est-il arrivé ? - Micro-trottoir à Montpellier

Manifestation à Montpellier contre le projet des retraites11 heures, l'intérieur du Polygone. Des dizaines de personnes se dirigent vers la sortie Esplanade. Et toutes s'arrêtent, stupéfaites, devant les portes de fer fermées. Un agent de sécurité les informe qu'elles ne peuvent pas sortir, ni ici, ni à côté - la seule sortie ouverte est celle de la place Paul Beck. L'homme paraît épuisé. Patient, il répète sa réponse à toujours la même question : pourquoi ?

C'est la manifestation des lycéens qui a fait peur aux responsables du Polygone. Ils auraient menacé, comme explique l'agent de sécurité, de casser le "centre entier". Les gens, pressés de sortir, réagissent mal. "On est donc prisonniers ?" demande une femme dans la trentaine. Et une autre, un peu plus âgée, rigole : "Prisonniers de la révolution. Les amis, on vit une journée historique."

D'autres se fâchent carrément. "Nous avons autre chose à faire que retourner jusqu'à la place Paul Beck et contourner tout le bâtiment." - "Si vous ne voulez pas nous laisser sortir, aurait fallu fermer les portes au moment où on est entrés." - "J'arrive justement de la place Paul Beck. Vous auriez pu avoir la politesse d'y mettre un panneau." Et, en effet, il y a toujours des dizaines des gens qui traversent le Polygone, comptant sur la sortie côté Esplanade...

Manifestation des lycéens à MontpellierLe jour 1 de la révolution est-il arrivé ? À Montpellier, les opinions divergent - il y a des gens qui se disent "apolitique" - "la politique ne m'intéresse pas, je compte sur moi, pas sur l'état" -, d'autres pensent que, de toute manière, on ne peut rien faire, et encore d'autres ont envie "d'incendier" Montpellier. Y a-t-il un chemin susceptible de satisfaire tout le monde ?

"Vous allez voir", répond un Monsieur d'une quarantaine d'années à la question de l'équipe des Gens de Montpellier. "Sarkozy aura raison. Le mouvement sera bientôt terminé. Les gens s'enflamment pour quelque chose, mais ils se calment rapidement." Au moment où il donne son opinion, des dizaines de milliers de personnes défilent devant lui, les uns excités, d'autres calmes, il y en a qui chantent et d'autres qui rigolent. Un autre spectateur, un peu plus jeune que le précédent, se mêle de la conversation. "Qu'est-ce qu'on peut attendre des gens ? On peut manifester une fois, deux fois, même trois fois. Mais après, on en a marre. Le gouvernement n'attend que ce moment."

Des lycéens qui se trouvent sur la Comédie tandis que la manifestation des jeunes se déroule autour du centre ne se montrent plus acharnés. "Nous sommes jeunes", explique un jeune homme, "les retraites ne nous regardent pas encore. Mais il y a question de principe. Il faut être solidaire, et on ne peut pas tout permettre." Un de ses camarades ajoute : "Les retraites, ce n'est pas pour demain, mais un jour, on y sera nous aussi. On lutte pour notre avenir."

Manifestation à Montpellier"Et il n'est pas seulement question des retraites", reprend une des filles. "Il y a plus... les Roms, par exemples. On ne peut pas les jeter dehors comme ça." Un jeune homme intervient : "Mais on n'est pas terre d'accueil non plus. Mais tu as raison" - il s'adresse à la fille - "on ne peut pas les jeter dehors comme ça. Il faut trouver d'autres solutions. En plus, la plupart des Roms sont des Européens."

Si ces lycéens se sentent si engagés, pourquoi ne participent-ils donc pas à la manifestation ? - "On est allés à la manifestation", répond une des filles, "mais on ne voulait pas rester. Ils ont commencé à casser les voitures. On n'y va pas pour ça." - "Elle a raison", reprend un des jeunes hommes. "Nous, on y va pour la cause. Parce qu'on veut montrer à Sarkozy que nous sommes là et que nous avons une voix. Mais y en a qui ne comprennent rien. Ils ne veulent que casser des voitures." - Son collègue est plus sceptique : "Peut-être c'est Sarkozy lui-même qui nous envoie des gens pour nous discréditer..." Les autres rigolent, mais leurs visages n'expriment pas de joie.

Plus tard, dans un bus qui, pas à pas, se traine le long de la rue de Maguelone, deux dames d'une soixantaine d'années se fâchent. L'une d'elles vient de reprocher au chauffeur son retard. Celui-ci s'est excusé en avançant des problèmes causés par les manifestations. "Des excuses, toujours des excuses", commente la deuxième dame. Et la première "Ils nous tiennent pour quoi ? On sait bien que la manifestation est terminée depuis des heures." Ensuite, elles commencent à discuter des lycéens. "Ils n'ont pas encore travaillé et ils sont déjà dans la rue", se lamente une des dames. "S'ils veulent manifester, ils doivent aussi travailler." L'autre dame n'est pas d'accord : "C'est maintenant que se prépare leur avenir." Et une troisième dame, plus jeune que les deux, intervient : "Les lycéens ne manifestent pas seulement pour leur avenir, mais aussi pour la solidarité."

La solidarité est un terme souvent évoqué par les Montpelliérains, ces jours-ci. "Nous avons besoin de la solidarité de tout le monde", explique une dame dans la trentaine qui dit être "apolitique quand on peut se le permettre - pas maintenant, alors." Et elle continue : "Ce qu'il nous faudrait, c'est la grève totale. Toute la France doit s'arrêter. Mais comment faire ? Les gens ne peuvent pas se payer une grève illimitée, ils ont besoin de leur salaire. Je suis sûre qu'en principe, une seule journée de grève serait suffisante pour que le gouvernement nous entende - mais il faudrait que ce soit une journée de grève totale où tout le monde participe."
Photos et texte : copyright Doris Kneller

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