Le comportement des habitants de Montpellier dans le tram : la solidarité existe-t-elle encore ?
« Je
fais partie de la génération », déclare la dame dans la soixantaine avec
un sourire moqueur, « qui n’a jamais eu le droit de s’asseoir dans un
tram. Quand j’étais enfants, on était obligés de laisser nos places aux
adultes. Quand j’étais adulte, je me suis levée pour les vieux. Et maintenant
que je suis vieille moi-même, il faut laisser les places pour les enfants et
les jeunes. »
L’occupation
des places dans les trams préoccupe beaucoup de Montpelliérains. « A mon
époque », commente un Monsieur un peu plus jeune que la dame précédente, « les
mères ont pris les enfants sur leurs genoux, et les jeunes faisaient place aux personnes âgées. Aujourd’hui, tout a changé. Il est normal - au moins pour les mères - qu’un
enfant de trois ou cinq ans occupe une place, la mère l’autre, même s’il y a
de vieilles personnes qui sont debout. Parfois, un enfant et sa mère occupent
même quatre places : l’enfant flippe d’une place à l’autre et dérange
tellement que personne n’a envie de s’assoir près de lui. Et la mère, bien
entendu, elle ne dit rien. »
« Si
vous le croyez ou pas », raconte une dame dans la quarantaine, « j’ai
vu une jeune fille se lever dans un tram assez rempli. Mais pas pour une
personne âgée - les personnes âgées étaient obligées de rester debout, parce
que la plupart des places étaient prises par les jeunes - mais pour un enfant
de peut-être six ans. Je suis d’accord que les enfants doivent sécurisée
dans le tram, mais il y a des limites de politesse, quand même. »
Toutefois,
il y a de plus en plus de Montpelliérains qui n’ont même plus envie de s’asseoir
dans un tram. « On peut s’asseoir si on porte de jeans ou d’autres
vêtements simples », se plaint une dame également dans la quarantaine. « Mais
si on prend le tram pour aller travailler, on porte forcément des vêtements un
peu plus stylés, propres. Comme les jeunes ont tout le temps leurs pieds sur
les sièges, ce n’est pas la peine de s’asseoir, on salit ses vêtements. »
Et elle ajoute : « Ce ne sont pas seulement les jeunes qui ont leur
pieds sur les sièges. J’ai vu plusieurs fois des enfants debout sur les sièges,
avec chaussures et tout. Leurs mamans à côté qui, apparemment, trouvent ça bien. »
Des
jeunes qui occupent les sièges, des sièges sales : « dernièrement, on
voit souvent une sorte de voile blanc visqueux sur les sièges qui a l’air
dégueulasse », explique une lycéenne, … beaucoup de Montpelliérains non
seulement au-dessus de trente ans ont perdu l’enthousiasme pour leur tram :
« Je me sens mal dans le tram », répond un Monsieur d’une quarantaine
d’années à la question de l’équipe de Montpellier Presse Online. « Il
est pratique, bien sûr, et je l’utilise parce qu’on ne trouve pas de parking en
ville. Mais je suis content quand j'en peux sortir. »
« Non,
ce ne sont pas seulement les jeunes qui empêchent les autres de s’asseoir »,
révèle une dame dans la cinquantaine son déplaisir. « Ce sont des gens de
tous les âges qui, au lieu de se contenter d’un siège, en prennent deux. Le
deuxième est occupé par des sacs à mains ou des sacs plastiques ou les gens s’assoient
au milieu du banc pour qu’il ne reste pas de place pour une deuxième personne.
Et ça marche : personne n’ose dire quelque chose. Comme si les gens
avaient peur les uns des autres. »
La
peur, comme l’appelle la dame, s’exprime dans une « non-communication
totale. Je vois des jeunes dans le tram, un à côté de l’autre, chacun avec des
boutons aux oreilles et le téléphone dans la main. Ils ne se regardent pas, ils
ne se parlent pas, ils auraient peut-être des idées pareilles, pourraient
devenir amis », ajoute le Monsieur d’une soixantaine d’années, « mais
non, chacun pour soi. Je me rappelle le temps où on pouvait faire des
connaissances intéressantes dans les transports publiques, même trouver des copains.
Mais ces temps n’existent plus. Et ça ne regarde pas seulement les jeunes. »
Une
dame d’environ 35 ans trouve « normal » de rester debout dans le
tram. Elle n’a pas envie, comme elle dit, de se bagarrer pour avoir une place.
Toutefois : « Je ne comprends pas, pour quelle raison les gens
restent tous serrés devant les portes. Ils empêchent les autres d’entrer ou de
sortir, ils reçoivent des coups - donnés par mégarde ou volontairement - et on s’engueule.
Au milieu, les trams sont souvent vides. Je me demande, si ça fait plaisir aux
gens de déranger et provoquer les autres - et d’être dérangés eux-mêmes. »
« Ce
qui me choque le plus dans le tram », relate un Monsieur d’une
cinquantaine d’années, « c’est l’alcool. A certaines heures, le tram est rempli
de jeunes qui tiennent leur bouteille d’alcool dans la main. »
« Oui,
j’ai vu de solidarité dans le tram », contredit une dame d’à peu près le
même âge la plupart des personnes interrogées, « des gens qui
se lèvent pour ceux qui ont besoin d’une place, ça existe. Parmi les adultes et
les jeunes. J’ai aussi vu des bras se lever pour aider des personnes qui
risquent de tomber dans un virage. Mais il est vrai que la solidarité devient
de plus en plus rare. Les habitants d’une même ville deviennent des étrangers. C'est triste. »
Photos et texte : copyright Doris Kneller
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