Salle Rabelais : Montpellier, Yves Yersin, Jean-Luc Godard et le cinéma suisse
Il est vrai - ailleurs, il y a des salles de cinéma qui ferment, et à Montpellier, il y a un festival de film après l'autre. Un d'eux a lieu pour la troisième fois et vient de la Suisse : la troisième semaine de cinéma suisse à Montpellier.
On ne peut pas dire que la salle Rabelais était bondée, cette soirée de l'ouverture du festival des films de la Suisse alémanique et romande. Mais les Montpelliérains étaient bien présents. Et ils ne l'ont pas regretté : le film était long, mais, comme l'a promis Frédéric Maire, directeur de la cinémathèque suisse, avant la projection - le temps passait très vite. Le film avait tout ce qu'on demande du "bon cinéma" : une histoire bien faite, des images d'une beauté qui a fait rêver, des émotions, un peu d'humour, et il laissait place à la réflexion et l'interprétation.
L'histoire de ce film que Yves Yersin a tourné en 1979, "Les petites fugues", parle - des humains. Des humains qui ont leurs routines, leurs amours, leurs soucis et, surtout, leurs rêves. Et ces rêves, comme si souvent, tournent autour de la liberté... quoi qu'on en entend.
La liberté était le sujet central du film. Bien que, lors de la discussion après la projection, les opinions sur l'interprétation de certaines scènes aient un peu divergé, sur ce point, tout le monde était d'accord. Cette liberté à laquelle tout le monde aspirait, de laquelle tout le monde rêvait, était symbolisée par un cyclomoteur bleu - bleu comme la montagne suisse ou bleu comme le ciel. À son propriétaire, un vieux valet du ferme dont, à "l'ère avant" le cyclomoteur, le voyage le plus long finissait au village à côté de la ferme, il donnait envie de la liberté. À d'autres, il faisait peur.
Jusqu'à ce que ce symbole de la liberté ait été détruit. Mais l'idée était déjà bien fixée dans la tête du valet - il a donc trouvé un autre symbole : la photo. Avec son appareil photo, il "fige" ceux qui sont incapables de s'échapper à leur petit monde et il ouvre le monde "derrière" - derrière la montagne - où la liberté n'a plus besoin de symbole.
Lorsqu'on regarde le film "Les petites fugues", on n'a pas besoin de savoir que Yves Yersin, son metteur en scène, vient du côté photographie - on s'en doute immédiatement. Les images de la montagne suisse sont d'une beauté indescriptible, et sa façon de capter le paysage caractéristique de la campagne suisse est plus expressive que tout genre de récit. Mais il ne "peint" pas seulement les paysages, mais aussi les visages des gens. Il leur regarde bien en face, les visages deviennent des contes et le spectateur oublie les barrières du "beau" et du "laid" habituelles. Pour Yves Yersin, tout visage est beau, et il n'a pas besoin de mots pour en persuader son public.
Cette façon de permettre à la caméra de fixer un visage jusqu'à ce que le spectateur en ait compris chaque trait correspond bien à l'époque de la réalisation du film, la fin des années 70, où le cinéma européen était sous l'influence de cinéastes comme, par exemple, le metteur en scène suédois Ingmar Bergman. C'est à Ingmar Bergman que l'histoire du film doit cette technique de regarder une personne "bien en face" et de capter la beauté des traits qui reflètent non une beauté "officielle", mais le vécu, la vie.
Toutefois, Yves Yersin ne se situe pas seulement dans le cadre du film européen de son époque, mais aussi dans le cinéma suisse lui-même. Au contraire du cinéma français, celui de la Suisse n'a pas connu un développent de films muets. Ce n'est qu'à partir de 1930 où le cinéma suisse a trouvé son chemin, dominé par l'amour de la beauté et du paysage. Le film "Heidi", tourné en 1937 avec la jeune Shirley Temple dans le rôle principal, est un exemple bien typique : les habitants du pays qui sont forgés par la nature, dont la vie se déroule avec le rythme de la montagne. Leur "contradiction" sont les citadins, dépourvus de tout sentiment naturel et livrés à la tristesse d'une vie sans nature.
Yves Yersin a hérité de cet amour de la montagne qui dominait les films suisses des années 1930 à 1950. Mais, ceci à part, l'ambiance de ses films se réfère plutôt à la "nouvelle vague" entamée vers 1960 par Jean-Luc Godard et les metteurs en scène qui se sont réunis pour former le fameux "groupe de 5" - dont Yves Yersin était le sixième membre. La langue du cinéma suisse tourne au français - les films en alémanique deviennent plus rares -, et les metteurs en scène se liguent pour pouvoir produire des films indépendants, libres surtout de la contrainte de la pensée "classique", traditionnelle. Des sujets comme la liberté surgissent de plus en plus souvent.
Cette première soirée de la "troisième semaine de cinéma suisse à Montpellier" n'était que l'avant-goût de cinq autres films qui seront projeté dans la salle Rabelais - avec l'entrée libre et la demande de donner un "petit quelque chose" à l'association "C'est-Rare-Film" qui a organisé le festival et qui espère être en mesure d'organiser aussi une quatrième semaine de cinéma suisse...
On ne peut pas dire que la salle Rabelais était bondée, cette soirée de l'ouverture du festival des films de la Suisse alémanique et romande. Mais les Montpelliérains étaient bien présents. Et ils ne l'ont pas regretté : le film était long, mais, comme l'a promis Frédéric Maire, directeur de la cinémathèque suisse, avant la projection - le temps passait très vite. Le film avait tout ce qu'on demande du "bon cinéma" : une histoire bien faite, des images d'une beauté qui a fait rêver, des émotions, un peu d'humour, et il laissait place à la réflexion et l'interprétation.
L'histoire de ce film que Yves Yersin a tourné en 1979, "Les petites fugues", parle - des humains. Des humains qui ont leurs routines, leurs amours, leurs soucis et, surtout, leurs rêves. Et ces rêves, comme si souvent, tournent autour de la liberté... quoi qu'on en entend.
La liberté était le sujet central du film. Bien que, lors de la discussion après la projection, les opinions sur l'interprétation de certaines scènes aient un peu divergé, sur ce point, tout le monde était d'accord. Cette liberté à laquelle tout le monde aspirait, de laquelle tout le monde rêvait, était symbolisée par un cyclomoteur bleu - bleu comme la montagne suisse ou bleu comme le ciel. À son propriétaire, un vieux valet du ferme dont, à "l'ère avant" le cyclomoteur, le voyage le plus long finissait au village à côté de la ferme, il donnait envie de la liberté. À d'autres, il faisait peur.
Jusqu'à ce que ce symbole de la liberté ait été détruit. Mais l'idée était déjà bien fixée dans la tête du valet - il a donc trouvé un autre symbole : la photo. Avec son appareil photo, il "fige" ceux qui sont incapables de s'échapper à leur petit monde et il ouvre le monde "derrière" - derrière la montagne - où la liberté n'a plus besoin de symbole.
Lorsqu'on regarde le film "Les petites fugues", on n'a pas besoin de savoir que Yves Yersin, son metteur en scène, vient du côté photographie - on s'en doute immédiatement. Les images de la montagne suisse sont d'une beauté indescriptible, et sa façon de capter le paysage caractéristique de la campagne suisse est plus expressive que tout genre de récit. Mais il ne "peint" pas seulement les paysages, mais aussi les visages des gens. Il leur regarde bien en face, les visages deviennent des contes et le spectateur oublie les barrières du "beau" et du "laid" habituelles. Pour Yves Yersin, tout visage est beau, et il n'a pas besoin de mots pour en persuader son public.
Cette façon de permettre à la caméra de fixer un visage jusqu'à ce que le spectateur en ait compris chaque trait correspond bien à l'époque de la réalisation du film, la fin des années 70, où le cinéma européen était sous l'influence de cinéastes comme, par exemple, le metteur en scène suédois Ingmar Bergman. C'est à Ingmar Bergman que l'histoire du film doit cette technique de regarder une personne "bien en face" et de capter la beauté des traits qui reflètent non une beauté "officielle", mais le vécu, la vie.
Toutefois, Yves Yersin ne se situe pas seulement dans le cadre du film européen de son époque, mais aussi dans le cinéma suisse lui-même. Au contraire du cinéma français, celui de la Suisse n'a pas connu un développent de films muets. Ce n'est qu'à partir de 1930 où le cinéma suisse a trouvé son chemin, dominé par l'amour de la beauté et du paysage. Le film "Heidi", tourné en 1937 avec la jeune Shirley Temple dans le rôle principal, est un exemple bien typique : les habitants du pays qui sont forgés par la nature, dont la vie se déroule avec le rythme de la montagne. Leur "contradiction" sont les citadins, dépourvus de tout sentiment naturel et livrés à la tristesse d'une vie sans nature.
Yves Yersin a hérité de cet amour de la montagne qui dominait les films suisses des années 1930 à 1950. Mais, ceci à part, l'ambiance de ses films se réfère plutôt à la "nouvelle vague" entamée vers 1960 par Jean-Luc Godard et les metteurs en scène qui se sont réunis pour former le fameux "groupe de 5" - dont Yves Yersin était le sixième membre. La langue du cinéma suisse tourne au français - les films en alémanique deviennent plus rares -, et les metteurs en scène se liguent pour pouvoir produire des films indépendants, libres surtout de la contrainte de la pensée "classique", traditionnelle. Des sujets comme la liberté surgissent de plus en plus souvent.
Cette première soirée de la "troisième semaine de cinéma suisse à Montpellier" n'était que l'avant-goût de cinq autres films qui seront projeté dans la salle Rabelais - avec l'entrée libre et la demande de donner un "petit quelque chose" à l'association "C'est-Rare-Film" qui a organisé le festival et qui espère être en mesure d'organiser aussi une quatrième semaine de cinéma suisse...
Photos et texte : copyright Doris Kneller
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