Les espaces verts de Montpellier : le futur square Camille Ernst
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Parfois, il est bien de nous rappeler, combien de grands hommes et femmes marchèrent dans les rues de Montpellier - des hommes grands dans ce qu'ils faisaient, grands dans leur esprit. Et parfois, des hommes qui montraient un courage incroyable. Étaient-ils vraiment si courageux ou fut-ce la situation qui les fit grandir ?Finalement, peu importe. Ce qui reste de ces Montpelliérains - par naissance ou par "adoption" - c'est leurs actions. Camille Ernst était un de ces hommes. Et c'est la mairie de Montpellier qui, ces jours-ci, nous rappelle ce personnage dont le courage était sans mesure : lorsque, à l'avenir, les Montpelliérains se promèneront sur le square à l'angle de la rue du 81ème régiment d'infanterie et l'Avenue de Castelnau, ils fouleront un petit bout de terre consacré à Camille Ernst - le square Camille Ernst sera "baptisé" dans les prochains jours.
Mais cette petite place n'est pas la première à Montpellier à être dédiée à Camille Ernst. Déjà en 2008, lorsqu'on avait décidé de donner une nouvelle dénomination à la cour d'honneur de la préfecture de Montpellier, on pensa à cet ancien adjoint du préfet de l'Hérault. Lors du baptême de la cour, Cyrille Schott, préfet de l'Hérault au moment de l'acte festif, dévoila une plaque commémorative, sur laquelle on peut lire : "Camille Ernst (1900-1983), préfet de la République, secrétaire général de la préfecture de l'Hérault (1940-1943), déporté et résistant, Juste parmi les Nations".
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Qui était ce "Juste parmi les Nations", un titre qui lui fut conféré par Yad Vashem, l'association du Mémorial du souvenir de la déportation, située à Tel Aviv en Israël ? - Déjà, le titre nous révèle qu'il faisait partie de ceux qui risquèrent leur vie, sans en tirer le moindre profit, pour sauver les vies des autres. Les "Justes parmi les Nations" sont des hommes et des femmes qui protégèrent des juifs des champs de concentration. Et cela sans être juifs eux-mêmes.Nous ne savons pas où Camille Ernst trouva son courage. Peut-être était-il un homme courageux par nature. Peut-être fut-ce la situation qui forma son caractère. Mais peut-être fut-ce juste la colère provoquée par l'agressivité et l'injustice...
Imaginons la situation. Camille Ernst fut secrétaire de la préfecture de la Meuse en 1939. La chasse aux juifs battait son plein. Mais tandis qu'une partie de la population française réussit peut-être de fermer les yeux, les préfets n'avaient pas de choix. En zone occupée, la tâche de dresser des listes des juifs destinés aux champs de concentration revenait à eux.
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Certains préfets étaient très zélés et faisaient tout pour plaire aux Allemands. Ils dressaient les listes demandées et envoyaient la police pour arrêter des familles entières, sachant qu'elles étaient vouées à la mort. Le plus zélé parmi les zélés était Maurice Papon qui n'attendait même pas les ordres des Allemands, mais prit lui-même l'initiative d'envoyer des centaines de Juifs français à la mort.Camille Ernst, par contre, fit partie des préfets qui résistèrent à l'autorité. Lorsqu'il était obligé de dresser une liste, il envoya immédiatement un policier fiable aux juifs qui y figurèrent pour les prévenir et les aider à s'enfuir. Mais il allait encore plus loin : il boycotta activement les stocks de ravitaillement des entreprises qui travaillaient pour les occupants. Il est clair qu'à la long, il fut pris. En 1940, il fut condamné à dix jours de prison et on l'expulsa de la zone occupée - après, évidemment, avoir confisqué tous ces biens. Jusqu'à maintenant, la vie de Camille Ernst ne fut pas en danger, mais il était devenu pauvre.
Toutefois, il avait la possibilité de poursuivre sa carrière. Peu après son expulsion, il fut nommé adjoint du préfet à Montpellier. Mais au lieu - comme la "sagesse" l'aurait peut-être conseillé - de se tenir tranquille, Camille Ernst continua ses activités clandestines. Il sauvait deux rabbins et alla jusqu'à organiser la survie des enfants de la zone occupée : il les fit venir dans l'Hérault où il les confia à des familles prêtes à aider. En 1942, au moment où toute la France fut occupée, il créa un foyer d'accueil pour les juifs étrangers à Millau. Mais il militait aussi à d'autres niveaux : il cachait, par exemple, des armes pour les livrer aux résistants.
Le nombre des vies qu'il sauva n'est probablement pas connu. Un jour, il alla plus loin que le sens de la sécurité l'aurait conseillé, et il n'arriva plus à cacher ses activités. Il est clair que de plus en plus de personnes étaient informées de ses actes de résistance, et que de plus en plus de juifs en détresse s'adressèrent à lui. Son "destin" s'appela Malka Shapira, une femme dont le fiancé avait été arrêté et qui chercha de l'aide auprès de Camille Ernst.
Finalement, il fut déporté à Dachau dont il revint en 1945. Il avait survécu le camp de concentration, mais sa santé était ruinée pour toujours. Il aurait dit d'être retourné de l'enfer.
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Photos et texte : copyright Doris Kneller
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