Micro-trottoir : les Montpelliérains refusent-ils l'aide aux victimes de petits accidents dans la rue ?
Station de bus près de la gare de Montpellier, un matin en semaine. Des dizaines de Montpelliérains attendent leurs bus. Une dame d'une cinquantaine d'années glisse, elle tombe. Elle n'est pas blessée, mais, troublée par sa chute, elle ne se lève pas immédiatement. Quelques-unes des personnes autour d'elle la regardent, certaines avec curiosité, d'autres juste ennuyées par l'attente de leur bus. Mais personne ne bouge.
"Finalement", raconte la dame à l'équipe des Gens de Montpellier, une vieille dame s'est adressée à moi, au moment où je m'étais déjà levée. Elle s'est fâchée à cause des gens autour de nous dont personne ne jugeait nécessaire de s'occuper de moi."
Une autre dame, dans la quarantaine, est toujours bouleversée par ce qui lui est arrivée il n'y a pas longtemps. Le scénario : également une station de bus au centre de Montpellier, également un matin en semaine. "J'ai regardé le plan des bus", se souvient-elle, "et je n'ai pas fait attention à ce qui se passait autour de moi." Tout à coup, elle reçoit un coup de pied très fort dans la cheville. Surprise, prise de douleur, elle crie très fort : "Aïe !!" - "C'était un garçon. Il n'avait pas fait attention. C'était un accident, bien sûr." Elle hésite, puis elle continue : "Quel âge avait le garçon ? Huit ans, peut-être. - Il était avec son père qui s'occupait plutôt de son chien que de son enfant. J'avais très mal, je ne pouvais plus poser le pied par terre." Elle aurait attendu que le père de l'enfant s'occupe d'elle, lui demande peut-être s'il pouvait l'aider ou, au moins, qu'il exprime son regret. Mais non : "Il m'a engueulé. Je n'aurais pas le droit de crier à côté de son enfant. Sous le choque et la douleur, j'ai commencé à pleurer. Il m'a donc traitée de folle."
Une exception ? Un homme peut-être tracassé par des problèmes qui ne lui permettaient pas de réagir correctement ? - "Il y avait pire. On n'était pas seuls. Immédiatement à côtés de nous, il y avait deux femmes qui avaient tout vu. Et un peu plus loin, il y avait une dizaine de personnes qui observaient la scène." Mais personne n'a bougé. "Je me suis adressée aux deux femmes pour leur demander de l'aide. Ma cheville faisait si mal, je ne pouvais plus marcher. Mais elles ont fait comme si elles ne m'entendaient pas." - Des étrangères peut-être qui n'auraient pas compris ? - "Non, parce que j'ai entendu qu'elle parlaient français entre elles."
L'entraide, l'aide des personnes en détresse, l'aide spontanée dans la rue, cela n'existe-t-il plus à Montpellier ? - "Aujourd'hui, les gens n'aident plus personne", commente un jeune homme interrogé par l'équipe des Gens de Montpellier. "Ici, ça va encore. Mais regardez Paris - là, les gens se font agresser dans le métro, et personne n'ose intervenir."
"Les gens ont peur", constate une dame d'une trentaine d'années. "Il y a trop d'agressions. Quand quelqu'un est agressé, ils ont peur que l'agresseur se prend à eux. Ils préfèrent s'éloigner que prendre un risque."
Les paroles de la dame semblent logiques. Or, dans le cas de la dame tombée ou de la dame verbalement agressée par un père mal éduqué, il n'y avait pas de danger pour de tierces personnes.
"Ce n'est pas une peur concrète. C'est juste un sentiment vague de surtout pas se mêler de ce que ne nous regarde pas", explique une autre dame d'à peu près le même âge. "La société va mal, tout le monde est effrayé : par la presse qui raconte que même le fils des voisins peut être dangereux, par la situation économique, par l'insécurité extérieure. Par conséquent, on préfère que le mal frappe les autres et qu'il ne nous contamine pas."
Le mal est-il contagieux ? Doit-on craindre d'être frappé par le "mauvais œil", si on aide une femme à se lever ou si on s'occupe de la victime d'un accident ? - "Si j'aidais une femme tombée dans la rue ? Bien sûr." Le jeune homme a l'air vexé. "Cela va de soi, n'est-ce pas ?" Il n'est pas le seul à être choqué par la question. Une vingtaine de Montpelliérains de tout âge réagissent plus ou moins comme lui : "Vous n'avez pas de question plus intelligente ?", se fâche une femme d'une soixantaine d'années. "Tout le monde aiderait une femme tombée dans la rue. C'est bien normal."
L'image change avec une autre question : "Avez-vous déjà eu besoin d'aide dans les rues de Montpellier ?" - "Oui", répond spontanément une dame dans la trentaine. "J'étais enceinte. Et un jour, j'avais un malaise et, faute d'autre possibilité, je me suis assise sur les marches d'une maison. C'était en hiver, il faisait froid. Tout le monde pouvait voir que j'étais malade. J'étais tout blanche, et j'ai lutté pour ne pas vomir."
Une femme enceinte assise par terre sur les marches d'une maison, en hiver, dans une rue très fréquentée - certainement pas un spectacle très courant : "Les gens m'ont regardé comme s'ils me tenaient pour une folle. Mais personne s'est approchée pour demander si tout allait bien." Dix minutes plus tard, elle se sentait un peu mieux, mais toujours incapable de se lever. "J'ai appelé ma copine pour qu'elle vienne me chercher. Les gens dans la rue n'aident jamais personne."
Un Monsieur d'une quarantaine d'années raconte une histoire similaire : "Ma mère était tombée dans la rue. Elle était blessée et ne pouvait plus se lever. Cela a duré plus de dix minutes !!! jusqu'à ce que se trouve quelqu'un qui appelle une ambulance. Les autres l'ont contournée comme si elle était un obstacle dans la rue. Elle avait l'impression d'être prise pour une ivrogne."
Histoires de malchance, des exceptions dans une ville chaleureuse ? Ou reflets d'une ville dont les habitants ne s'occupent plus de ce qui se passent autour d'eux ? Les Montpelliérains sont-il toujours prêts à aider les victimes d'une malaise ou d'un accident dans les rues ? - Affaire à suivre…
"Finalement", raconte la dame à l'équipe des Gens de Montpellier, une vieille dame s'est adressée à moi, au moment où je m'étais déjà levée. Elle s'est fâchée à cause des gens autour de nous dont personne ne jugeait nécessaire de s'occuper de moi."
Une autre dame, dans la quarantaine, est toujours bouleversée par ce qui lui est arrivée il n'y a pas longtemps. Le scénario : également une station de bus au centre de Montpellier, également un matin en semaine. "J'ai regardé le plan des bus", se souvient-elle, "et je n'ai pas fait attention à ce qui se passait autour de moi." Tout à coup, elle reçoit un coup de pied très fort dans la cheville. Surprise, prise de douleur, elle crie très fort : "Aïe !!" - "C'était un garçon. Il n'avait pas fait attention. C'était un accident, bien sûr." Elle hésite, puis elle continue : "Quel âge avait le garçon ? Huit ans, peut-être. - Il était avec son père qui s'occupait plutôt de son chien que de son enfant. J'avais très mal, je ne pouvais plus poser le pied par terre." Elle aurait attendu que le père de l'enfant s'occupe d'elle, lui demande peut-être s'il pouvait l'aider ou, au moins, qu'il exprime son regret. Mais non : "Il m'a engueulé. Je n'aurais pas le droit de crier à côté de son enfant. Sous le choque et la douleur, j'ai commencé à pleurer. Il m'a donc traitée de folle."
Une exception ? Un homme peut-être tracassé par des problèmes qui ne lui permettaient pas de réagir correctement ? - "Il y avait pire. On n'était pas seuls. Immédiatement à côtés de nous, il y avait deux femmes qui avaient tout vu. Et un peu plus loin, il y avait une dizaine de personnes qui observaient la scène." Mais personne n'a bougé. "Je me suis adressée aux deux femmes pour leur demander de l'aide. Ma cheville faisait si mal, je ne pouvais plus marcher. Mais elles ont fait comme si elles ne m'entendaient pas." - Des étrangères peut-être qui n'auraient pas compris ? - "Non, parce que j'ai entendu qu'elle parlaient français entre elles."
L'entraide, l'aide des personnes en détresse, l'aide spontanée dans la rue, cela n'existe-t-il plus à Montpellier ? - "Aujourd'hui, les gens n'aident plus personne", commente un jeune homme interrogé par l'équipe des Gens de Montpellier. "Ici, ça va encore. Mais regardez Paris - là, les gens se font agresser dans le métro, et personne n'ose intervenir."
"Les gens ont peur", constate une dame d'une trentaine d'années. "Il y a trop d'agressions. Quand quelqu'un est agressé, ils ont peur que l'agresseur se prend à eux. Ils préfèrent s'éloigner que prendre un risque."
Les paroles de la dame semblent logiques. Or, dans le cas de la dame tombée ou de la dame verbalement agressée par un père mal éduqué, il n'y avait pas de danger pour de tierces personnes.
"Ce n'est pas une peur concrète. C'est juste un sentiment vague de surtout pas se mêler de ce que ne nous regarde pas", explique une autre dame d'à peu près le même âge. "La société va mal, tout le monde est effrayé : par la presse qui raconte que même le fils des voisins peut être dangereux, par la situation économique, par l'insécurité extérieure. Par conséquent, on préfère que le mal frappe les autres et qu'il ne nous contamine pas."
Le mal est-il contagieux ? Doit-on craindre d'être frappé par le "mauvais œil", si on aide une femme à se lever ou si on s'occupe de la victime d'un accident ? - "Si j'aidais une femme tombée dans la rue ? Bien sûr." Le jeune homme a l'air vexé. "Cela va de soi, n'est-ce pas ?" Il n'est pas le seul à être choqué par la question. Une vingtaine de Montpelliérains de tout âge réagissent plus ou moins comme lui : "Vous n'avez pas de question plus intelligente ?", se fâche une femme d'une soixantaine d'années. "Tout le monde aiderait une femme tombée dans la rue. C'est bien normal."
L'image change avec une autre question : "Avez-vous déjà eu besoin d'aide dans les rues de Montpellier ?" - "Oui", répond spontanément une dame dans la trentaine. "J'étais enceinte. Et un jour, j'avais un malaise et, faute d'autre possibilité, je me suis assise sur les marches d'une maison. C'était en hiver, il faisait froid. Tout le monde pouvait voir que j'étais malade. J'étais tout blanche, et j'ai lutté pour ne pas vomir."
Une femme enceinte assise par terre sur les marches d'une maison, en hiver, dans une rue très fréquentée - certainement pas un spectacle très courant : "Les gens m'ont regardé comme s'ils me tenaient pour une folle. Mais personne s'est approchée pour demander si tout allait bien." Dix minutes plus tard, elle se sentait un peu mieux, mais toujours incapable de se lever. "J'ai appelé ma copine pour qu'elle vienne me chercher. Les gens dans la rue n'aident jamais personne."
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Photos et texte : copyright Doris Kneller
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