Travail, mariage, famille - les anciennes valeurs ont-elles encore la côte à Montpellier ?
Si
on lit la presse spécialisée - ou non -, on perd facilement l’espoir : la
jeunesse, proclament beaucoup de média, veut faire la fête, mais ni travailler
ni prendre des responsabilités. D’autres parlent de l’aversion des jeunes
contre l’idée de créer une famille, d’avoir des enfants. Est-ce vraiment ce que
pensent les jeunes de Montpellier ? - Montpellier Presse Online leur
a posé des questions.
Marie-Anne
a presque trente ans. Elle a la « chance », comme elle dit, d’avoir
un travail - même si ce n’est pas un travail dans son secteur. « J’ai
appris plusieurs langues », raconte-t-elle, « je parle et écris couramment l’allemand
et l’anglais, et je me débrouille bien en espagnol. Mais je ne trouve pas de
poste où je peux utiliser mes connaissances. » Au lieu de cela, elle est « aide
de vie » - elle rigole. « C’est un joli nom pour quelqu’un qui fait
le ménage. »
Mais
Marie-Anne ne se plaint pas. Elle est consciente d’être enviée par beaucoup de
gens de son âge qui n’ont pas de travail du tout. Il n’y a qu’un seul point qu’elle
ne trouve pas juste : « J’aimerais avoir mon propre
appartement. Mais je ne gagne pas assez. Je suis donc obligée de vivre chez ma
mère. Quand on travaille toute la journée, ne devrait-on pas gagner assez
pour se payer un appartement ? »
Avec
trente ans, Marie-Anne ne fait plus partie des plus jeunes. Mais sa situation
est pareille : chômage, acceptation des jobs qui ne correspondent pas aux
compétences acquises, un niveau de vie très bas : « On est deux à
travailler », rapporte une autre dame, avec ses 24 ans plus jeune que
Marie-Anne, « mon ami et moi. » Au contraire de Marie-Anne, ils
peuvent se payer un petit appartement, mais « tout notre salaire part dans
les frais quotidiens : le loyer, l’EDF, la nourriture… Il ne reste rien
pour un restau de temps en temps ou un petit voyage. En été et à Noël, on rend
visite à nos parents, c’est tout ce qui est possible. »
Situation
économique précaire, les joies de vie liées à l’argent deviennent de plus en
plus inaccessibles. Mais ces nouvelles conditions ont-elles d’influence sur la
philosophie de vie des jeunes ?
« Ma
mère me raconte souvent que, dans mon âge, elle s’occupait déjà d’une famille »,
confie une dame de 28 ans à Montpellier Presse Online. « Elle ne comprend
pas que les temps ont changé. Je ne pourrais jamais entretenir un enfant, et
mon copain non plus. A quoi ça sert de se marier et d’avoir des enfants, si on n’a rien à leur offrir ? On gagne juste assez pour
vivre et aller en boîte, le week-end. Et, franchement », continue-t-elle, « j’en
aurais même pas envie. On est bien ensemble, mon ami et moi. Pourquoi se marier ?
Pourquoi faire des enfants ? Pour les condamner à la même galère ?
Non, merci. J’ai vu galérer mes parents, je veux pas faire pareil. Je veux être
bien dans la vie. »
Cette
notion de jouir de la vie revient dans beaucoup de réponses. « Si j’ai un
job ? », répète un homme de 21 ans la question de Montpellier Presse
Online. « Non, et je vous dis quelque chose : je suis heureux de ne
pas en avoir. A quoi ça sert ? On bosse toute sa vie et à la fin, on n’a
rien, sauf des maladies. J’ai pas besoin de mômes, j’ai pas besoin de travail, je me débrouille.
Si je veux être avec une nana, j’ai pas besoin de la bénédiction d’un prêtre.
Je vis ma vie comme je l’entends. »
Un
autre jeune qui, dans un an, a l’intention de passer un bac brillant pense différemment
sur le monde du travail. « Si on veut un bon travail, il faut être le
meilleur », proclame-t-il. « Je serai premier au bac - ou presque -
je serai premier à la fac et j’aurai mon job de rêve. » Quel est ce job de
rêve ? « Je ne sais pas exactement, mais ça sera dans l’économie. Là,
où se trouve l’argent. A l’étranger, je présume. Je n’ai pas l’intention de
galérer. »
Qui
dit job dit aussi famille ? « Non, je ne crois pas »,
répond-il. « Une famille empêche la carrière. Je veux être libre pour
aller où je veux, là où je trouve le travail qui me convient. Créer une famille
était bien pour la génération de nos parents, mais aujourd’hui, ç’a changé. Une
famille ne sert plus à rien. »
Une
jeune de 22 ans n’a pas la même confiance dans une bonne éducation. « A l’école,
j’ai tout fait pour avoir de bonnes notes. Ensuite, je suis allé à l’université.
Mais je l’ai pas fini. J’ai compris que les connaissances professionnelles ne comptent
plus. Je préfère voyager, peut-être écrire un livre. De toute manière, si je
finis la fac ou non, ça change rien. »
Et
la famille ? « Une famille ? Pour vivre comme ma mère ? Non
merci. »
En
ce concerne un poste, les opinions sont différentes. Les uns croient encore à l’utilité
d’un bon diplôme, les autres pensent que les connaissances sont plus
importantes que les papiers. Mais il y a de moins en moins qui ont encore
confiance dans les valeurs de famille. « Je n’ai pas besoin de me marier
pour être heureuse », commente une dame de 26 ans. « De toute manière »,
ajoute-t-elle, « les temps sont révolus où une famille était encore la garantie du bonheur. Il me suffit d’être heureuse aujourd’hui. Demain, on avisera. »
Photos et texte : copyright Doris Kneller
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