Les jardins de Montpellier : un maire nommé Pagézy et le Square Planchon
Faut-il encore souligner qu'à Montpellier, on s'adresse toujours aux meilleurs lorsqu'il est question d'aménager une partie de la ville ? Dans le cas du Square Planchon, la commande fut donnée à un des meilleurs paysagistes parisiens de son époque.
On est en 1857. Depuis cinq an, la politique à Montpellier suit une nouvelle voie : Jules Pagézy, ce Montpelliérain protégé par Napoléon III fut élu maire. Pour le moment, il n'y a pas encore question d'aménager le square qui, plus tard, devrait hériter du nom de Jules Émile Planchon. D'abord, il faut acquérir le terrain.
La municipalité décide donc d'acheter le terrain autour de la gare, entre la rue de la République et la rue Maguelone - enfin, la voie qui, l'année suivante, devrait devenir la rue Maguelone. Car, en ce moment, elle ne fut pas encore construite. Ce terrain fut évidemment très important pour ce maire qui avait décidé d'introduire à Montpellier l'esprit parisien de Haussmann et de changer la face de la ville. C'est donc à Jules Pagézy que nous ne devons pas seulement la rue Maguelone, mais aussi la rue Foch, la rue Saint-Guilhem et la rue de la Loge. Il acheva l'aqueduc de Saint-Clément et le réservoir d'eau au Peyrou. Il fit aussi construire les halles Castellane, et il s'attaqua même au cœur profond de la ville, à l'Écusson, pour "l'aérer" un peu.
Toutefois, aux yeux des Montpelliérains, sa création du Square Planchon devrait être son acte le plus impressionnant : car la rue qu'on lui à dédiée, la rue Pagézy, longe les fameux square.
Lorsque les terres devant la gare étaient en possession de la marie, il fallait donc trouver un paysagiste. Jules Pagézy et son équipe choisirent Eugène Bülher qui, avec son frère, devraient laisser quelques traces bien fréquentées derrière lui : qui ne connaîtrait pas le Bois de Boulogne à Paris ? Ou le Parc de la Tête d'Or à Lyon ? Ou le Plateau des Poètes à Béziers ?
Curieusement, les biographies d'Eugène Bülher ne parlent que très rarement de ce Square Planchon à Montpellier. Mais il est sûr que les frères paysagistes y investirent autant d'amour et de savoir faire que dans leur aménagement du Bois de Boulogne. Déjà, les arbres de se square en sont les premiers témoins : les Bülher y plantaient des platanes, des marronniers, des érables et même un cèdre du Liban. Et pour combler leur œuvre, ils y ajoutèrent un Ginkgo Biloba, cet arbre de longue vie qui fut également intégré dans le jardin du Champ de Mars et qui, à l'époque, fut la marque de toutes les villes qui avaient eu leur part dans le comptoir des Indes…
Ce qui, à l'époque, attira le plus de gens, c'était son plan d'eau et ses cygnes et canards. Nous pouvons bien imaginer les voyageurs qui arrivèrent à la gare de Montpellier pour, avant de pénétrer dans la ville, se reposer sur une banque au Square Planchon, observant le jeu des oiseaux. Ou les employés des bureaux ou du grand magasin - aujourd'hui disparu - de la rue de Maguelone qui, le midi, y cassèrent la croûte, se délassèrent au soleil , rêvèrent et se racontèrent des histoires avec leurs collègues...
Les employés qui cassent la croûte et les voyageurs qui se reposent au Square Planchon sont toujours là. Le plan d'eau et, avec lui, les oiseaux, par contre, furent victime de guerre, car, comme si souvent au cours de l'histoire montpelliéraine, la résistance et la défense furent plus importantes que les témoins d'un patrimoine ancien. Ainsi, lorsque les besoins de la deuxième guerre mondiale exigèrent un abri militaire, on pensa au Square Planchon, et on le dédia au stockage de sacs de sable. Qui dit sable dit absence d'eau - le plan d'eau fut donc tout simplement vidé.
Pour qu'un square entouré du trafic du 19e siècle soit bien délimité, on avait aussi besoin d'une clôture. Il va de soi qu'il ne fut pas question d'une clôture "quelconque" - Pagézy, le maire de Montpellier, exigea le meilleur pour tout. On demanda donc à Léon Servel, un serrurier connu, de fabriquer une clôture de fer forgé qui mesura plus de 280 mètres. Toutefois, elle aussi a disparu. Mais cette fois-ci, ce n'était pas les contraintes d'une guerre mais celles de l'économie : la clôture fut démontée en 1975. Toutefois, pour qu'elle ne disparaisse pas complètement, on en posa une partie au parc Rimbaud au bord du Lez, et un deuxième morceau forme part de l'entrée du zoo du Lunaret.
Et pour la petite histoire : peu de choses se perdent complètement à Montpellier. Pour que les frais du Square Planchon pèsent moins lourds sur le budget du conseil municipal, Eugène Bülher fit quelques économies en réutilisant d'anciens matériaux : quelques-uns des pierres qui furent utilisées pour la construction du Square parvenaient de la poissonnerie qui dut céder aux halles Castellane.
Ce qui ne céda pas, par contre, c'est le grand rocher au milieu du Square Planchon. Et la réputation de Jules-Émile Planchon ne céda pas non plus, ce sauveur de notre vin à qui le Square fut dédié. Mais le rocher et Monsieur Planchon, ce sont des histoires à part…
Autres articles sur les jardins de Montpellier :
Montpellier et son Jardin des Plantes : de Young à Valéry
Montpellier et ses parcs : le Jardin du Champ de Mars
&Eacoute;douard André et l'Esplanade de Montpellier
On est en 1857. Depuis cinq an, la politique à Montpellier suit une nouvelle voie : Jules Pagézy, ce Montpelliérain protégé par Napoléon III fut élu maire. Pour le moment, il n'y a pas encore question d'aménager le square qui, plus tard, devrait hériter du nom de Jules Émile Planchon. D'abord, il faut acquérir le terrain.
La municipalité décide donc d'acheter le terrain autour de la gare, entre la rue de la République et la rue Maguelone - enfin, la voie qui, l'année suivante, devrait devenir la rue Maguelone. Car, en ce moment, elle ne fut pas encore construite. Ce terrain fut évidemment très important pour ce maire qui avait décidé d'introduire à Montpellier l'esprit parisien de Haussmann et de changer la face de la ville. C'est donc à Jules Pagézy que nous ne devons pas seulement la rue Maguelone, mais aussi la rue Foch, la rue Saint-Guilhem et la rue de la Loge. Il acheva l'aqueduc de Saint-Clément et le réservoir d'eau au Peyrou. Il fit aussi construire les halles Castellane, et il s'attaqua même au cœur profond de la ville, à l'Écusson, pour "l'aérer" un peu.
Toutefois, aux yeux des Montpelliérains, sa création du Square Planchon devrait être son acte le plus impressionnant : car la rue qu'on lui à dédiée, la rue Pagézy, longe les fameux square.
Lorsque les terres devant la gare étaient en possession de la marie, il fallait donc trouver un paysagiste. Jules Pagézy et son équipe choisirent Eugène Bülher qui, avec son frère, devraient laisser quelques traces bien fréquentées derrière lui : qui ne connaîtrait pas le Bois de Boulogne à Paris ? Ou le Parc de la Tête d'Or à Lyon ? Ou le Plateau des Poètes à Béziers ?
Curieusement, les biographies d'Eugène Bülher ne parlent que très rarement de ce Square Planchon à Montpellier. Mais il est sûr que les frères paysagistes y investirent autant d'amour et de savoir faire que dans leur aménagement du Bois de Boulogne. Déjà, les arbres de se square en sont les premiers témoins : les Bülher y plantaient des platanes, des marronniers, des érables et même un cèdre du Liban. Et pour combler leur œuvre, ils y ajoutèrent un Ginkgo Biloba, cet arbre de longue vie qui fut également intégré dans le jardin du Champ de Mars et qui, à l'époque, fut la marque de toutes les villes qui avaient eu leur part dans le comptoir des Indes…
Ce qui, à l'époque, attira le plus de gens, c'était son plan d'eau et ses cygnes et canards. Nous pouvons bien imaginer les voyageurs qui arrivèrent à la gare de Montpellier pour, avant de pénétrer dans la ville, se reposer sur une banque au Square Planchon, observant le jeu des oiseaux. Ou les employés des bureaux ou du grand magasin - aujourd'hui disparu - de la rue de Maguelone qui, le midi, y cassèrent la croûte, se délassèrent au soleil , rêvèrent et se racontèrent des histoires avec leurs collègues...
Les employés qui cassent la croûte et les voyageurs qui se reposent au Square Planchon sont toujours là. Le plan d'eau et, avec lui, les oiseaux, par contre, furent victime de guerre, car, comme si souvent au cours de l'histoire montpelliéraine, la résistance et la défense furent plus importantes que les témoins d'un patrimoine ancien. Ainsi, lorsque les besoins de la deuxième guerre mondiale exigèrent un abri militaire, on pensa au Square Planchon, et on le dédia au stockage de sacs de sable. Qui dit sable dit absence d'eau - le plan d'eau fut donc tout simplement vidé.
Pour qu'un square entouré du trafic du 19e siècle soit bien délimité, on avait aussi besoin d'une clôture. Il va de soi qu'il ne fut pas question d'une clôture "quelconque" - Pagézy, le maire de Montpellier, exigea le meilleur pour tout. On demanda donc à Léon Servel, un serrurier connu, de fabriquer une clôture de fer forgé qui mesura plus de 280 mètres. Toutefois, elle aussi a disparu. Mais cette fois-ci, ce n'était pas les contraintes d'une guerre mais celles de l'économie : la clôture fut démontée en 1975. Toutefois, pour qu'elle ne disparaisse pas complètement, on en posa une partie au parc Rimbaud au bord du Lez, et un deuxième morceau forme part de l'entrée du zoo du Lunaret.
Et pour la petite histoire : peu de choses se perdent complètement à Montpellier. Pour que les frais du Square Planchon pèsent moins lourds sur le budget du conseil municipal, Eugène Bülher fit quelques économies en réutilisant d'anciens matériaux : quelques-uns des pierres qui furent utilisées pour la construction du Square parvenaient de la poissonnerie qui dut céder aux halles Castellane.
Ce qui ne céda pas, par contre, c'est le grand rocher au milieu du Square Planchon. Et la réputation de Jules-Émile Planchon ne céda pas non plus, ce sauveur de notre vin à qui le Square fut dédié. Mais le rocher et Monsieur Planchon, ce sont des histoires à part…
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Photos et texte : copyright Doris Kneller
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