Science à Montpellier : Picard, Tandon et l'astronomie
Montpellier, 20.10 heures, un mercredi d'hiver. La salle Rabelais est comble. À l'entrée, des gens se fâchent, d'autres s'en vont, déçus. Au rez-de-chaussée du bâtiment, un grand écran fut installé pour ceux qui, au moins, ne veulent pas être exclus entièrement.
Un mercredi tout à fait ordinaire, rien d'excitant, rien d'inquiétant. Ce n'est pas un grand acteur qui rend visite à Montpellier, ni un politicien. Ce n'est pas la guerre non plus. C'est l'heure, tout simplement, de l'Agora des savoirs, de cette série de conférences qui, depuis octobre, est régulièrement organisée par la mairie de Montpellier et la librairie Sauramps, et qui, entre-temps, devint une véritable institution.
Sans doute, le nombre de Montpelliérains qui, régulièrement, se précipitent sur les conférences de l'Agora des savoirs, le zèle avec lequel ils arrivent une heure avant le début pour, patiemment, défendre leurs sites, tous les mercredis, cela prouve l'intérêt que les gens de Montpellier portent à la science. Mais personne n'est étonné. Car cet intérêt n'est pas nouveau.
Ce fut en 1740 que l'Académie des sciences de Montpellier décrocha une subvention pour que, enfin, un observatoire soit installé en ville. Toutefois, les six cents livres accordés n'était pas une somme immense, même si elle devrait se renouveler régulièrement, pendant quelques ans : il fallait donc trouver un moyen de dépenser le moins de sous possible.
Et comme si souvent, les Montpelliérains surent se débrouiller. Mais ne nous précipitons pas - reculons un peu dans l'histoire. Le 12e siècle, comme nous le savons, était loin d'être calme à Montpellier. La ville et sa situation près de la Méditerranée furent convoitées, et la guerre y régnait souvent. Ce fut à ce moment que les pères de Montpellier prirent une décision qui, au cours des siècles, se devraient avérer utile - et qui, en ce qui concerne la tour de Babote, resta utile jusqu'à nos jours : il firent entourer la ville d'un mur dont les différentes parties furent liées par 25 tours.
Presque toutes ces tours furent victime des agissements qui ébranlèrent Montpellier au cours des siècles : juste deux sur 25 restèrent debout - la tour des Pins et, justement, la tour de Babote.
Retournons alors au 18e siècle. Elle était là, cette tour, à moitié en ruine, et personne ne s'en servit. Et ce fut, justement, une tour dont les astronomes avaient besoin. Il est vrai qu'elle ne mesurait que quelque quinze mètres de hauteur. Mais la subvention fut suffisante pour y ajouter un étage et rapidement, on en fit une véritable tour d'observation. Ainsi, en 1745, l'Académie des sciences put se mettre au travail. Douze ans plus tard, elle fut rejointe par la Société royale des sciences, et le monde scientifique, comme si souvent, se tourna vers Montpellier.
Mais à qui Montpellier doit-il cet intérêt coûteux pour l'astronomie ? Ne devrait-on pas dire que, dans ce 18e siècle agité, les gens auraient eu autre chose à faire que regarder le ciel ?
Tout commença en 1674 avec un passage de Mercure devant le soleil qui, finalement, n'eut pas lieu. En fait, c'était un scientifique et membre de l'église, l'abbé Picard, qui avait calculé ce passage. N'oublions pas que, pendant des siècles, l'église livrait au monde les plus grands scientifiques et, notamment, les plus grands astronomes - Jean Chappe d'Auteroche, Théophile Moreux, Georges Lemaître…
Jean-Felix Picard consacra sa vie à son désir de mesurer le rayon de la terre. L'histoire nous raconte qu'il était le premier à y parvenir… à juste quelques 20 kilomètres de près. Ce fut donc un grand homme - pas le premier et pas le dernier - qui se sentit attiré par Montpellier.
En 1674, alors, l'abbé vint à Montpellier pour observer un phénomène du ciel nocturne qu'il avait calculé et sur lequel, pour une fois, il se trompa. Mais il sut se faire des amis, et deux ans plus tard, le 11 juin 1676, il n'était plus le seul à Montpellier à rester debout dans les rues, observant une éclipse de soleil, et les Montpelliérains découvrirent leur goût pour l'astronomie. Lorsque, six ans plus tard, le département de l'astronomie fêta son entrée à la faculté de Montpellier, la réputation de cette science n'était plus à faire.
Ce fut aussi l'abbé Picard qui aida les Montpelliérains à se situer dans l'espace. Il était le premier à établir les coordonnées de la ville. Presque un siècle plus tard, Barthélemy Tandon, un des directeurs de l'observatoire, parvient à établir des données un peu plus précises que celles trouvées par Picard, mais la correction ne fut pas immense. Quant à Tandon - oui, ce fut un autre cas de "grand homme" de Montpellier. Il s'installa au voisinage direct de la tour de la Babote et il surveilla sa lunette, comme en témoignèrent ses contemporains, presque 24 heures sur 24. En 1760, il fit parler de Montpellier par sa découverte de la fameuse comète. Et un an plus tard, le 5 juin 1761, il accomplit ce que l'abbé Picard avait entamé : de Montpellier, du haut de la Tour de Babote, il réussit à observer le passage de Vénus devant le soleil.
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Un mercredi tout à fait ordinaire, rien d'excitant, rien d'inquiétant. Ce n'est pas un grand acteur qui rend visite à Montpellier, ni un politicien. Ce n'est pas la guerre non plus. C'est l'heure, tout simplement, de l'Agora des savoirs, de cette série de conférences qui, depuis octobre, est régulièrement organisée par la mairie de Montpellier et la librairie Sauramps, et qui, entre-temps, devint une véritable institution.
Sans doute, le nombre de Montpelliérains qui, régulièrement, se précipitent sur les conférences de l'Agora des savoirs, le zèle avec lequel ils arrivent une heure avant le début pour, patiemment, défendre leurs sites, tous les mercredis, cela prouve l'intérêt que les gens de Montpellier portent à la science. Mais personne n'est étonné. Car cet intérêt n'est pas nouveau.
Ce fut en 1740 que l'Académie des sciences de Montpellier décrocha une subvention pour que, enfin, un observatoire soit installé en ville. Toutefois, les six cents livres accordés n'était pas une somme immense, même si elle devrait se renouveler régulièrement, pendant quelques ans : il fallait donc trouver un moyen de dépenser le moins de sous possible.
Et comme si souvent, les Montpelliérains surent se débrouiller. Mais ne nous précipitons pas - reculons un peu dans l'histoire. Le 12e siècle, comme nous le savons, était loin d'être calme à Montpellier. La ville et sa situation près de la Méditerranée furent convoitées, et la guerre y régnait souvent. Ce fut à ce moment que les pères de Montpellier prirent une décision qui, au cours des siècles, se devraient avérer utile - et qui, en ce qui concerne la tour de Babote, resta utile jusqu'à nos jours : il firent entourer la ville d'un mur dont les différentes parties furent liées par 25 tours.
Presque toutes ces tours furent victime des agissements qui ébranlèrent Montpellier au cours des siècles : juste deux sur 25 restèrent debout - la tour des Pins et, justement, la tour de Babote.
Retournons alors au 18e siècle. Elle était là, cette tour, à moitié en ruine, et personne ne s'en servit. Et ce fut, justement, une tour dont les astronomes avaient besoin. Il est vrai qu'elle ne mesurait que quelque quinze mètres de hauteur. Mais la subvention fut suffisante pour y ajouter un étage et rapidement, on en fit une véritable tour d'observation. Ainsi, en 1745, l'Académie des sciences put se mettre au travail. Douze ans plus tard, elle fut rejointe par la Société royale des sciences, et le monde scientifique, comme si souvent, se tourna vers Montpellier.
Mais à qui Montpellier doit-il cet intérêt coûteux pour l'astronomie ? Ne devrait-on pas dire que, dans ce 18e siècle agité, les gens auraient eu autre chose à faire que regarder le ciel ?
Tout commença en 1674 avec un passage de Mercure devant le soleil qui, finalement, n'eut pas lieu. En fait, c'était un scientifique et membre de l'église, l'abbé Picard, qui avait calculé ce passage. N'oublions pas que, pendant des siècles, l'église livrait au monde les plus grands scientifiques et, notamment, les plus grands astronomes - Jean Chappe d'Auteroche, Théophile Moreux, Georges Lemaître…
Jean-Felix Picard consacra sa vie à son désir de mesurer le rayon de la terre. L'histoire nous raconte qu'il était le premier à y parvenir… à juste quelques 20 kilomètres de près. Ce fut donc un grand homme - pas le premier et pas le dernier - qui se sentit attiré par Montpellier.
En 1674, alors, l'abbé vint à Montpellier pour observer un phénomène du ciel nocturne qu'il avait calculé et sur lequel, pour une fois, il se trompa. Mais il sut se faire des amis, et deux ans plus tard, le 11 juin 1676, il n'était plus le seul à Montpellier à rester debout dans les rues, observant une éclipse de soleil, et les Montpelliérains découvrirent leur goût pour l'astronomie. Lorsque, six ans plus tard, le département de l'astronomie fêta son entrée à la faculté de Montpellier, la réputation de cette science n'était plus à faire.
Ce fut aussi l'abbé Picard qui aida les Montpelliérains à se situer dans l'espace. Il était le premier à établir les coordonnées de la ville. Presque un siècle plus tard, Barthélemy Tandon, un des directeurs de l'observatoire, parvient à établir des données un peu plus précises que celles trouvées par Picard, mais la correction ne fut pas immense. Quant à Tandon - oui, ce fut un autre cas de "grand homme" de Montpellier. Il s'installa au voisinage direct de la tour de la Babote et il surveilla sa lunette, comme en témoignèrent ses contemporains, presque 24 heures sur 24. En 1760, il fit parler de Montpellier par sa découverte de la fameuse comète. Et un an plus tard, le 5 juin 1761, il accomplit ce que l'abbé Picard avait entamé : de Montpellier, du haut de la Tour de Babote, il réussit à observer le passage de Vénus devant le soleil.
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Photos et texte : copyright Doris Kneller
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