samedi 16 janvier 2010

Montpellier et son Esplanade : Édouard André et les espaces verts

L'Esplanade Charles de Gaulle à Montpellier et le Jardin du Champ de Mars

Esplanade, MontpellierSi il y a quelque chose qui marqua toujours l'histoire de Montpellier, c'est le manque d'eau. Ce problème permanent incita la construction de l'aqueduc et, avec lui, du Peyrou et, finalement, c'est lui qui a fait à Montpellier le cadeau de ses 100 fontaines. N'oublions pas que, au moins à l'origine, ces fontaines avaient une fonction très concrète - livrer aux habitants de Montpellier une quantité suffisante d'eau. Mais elles ajoutèrent sans doute aussi à la beauté de Montpellier.

Les trois fontaines de l'Esplanade Charles de Gaulle ne font pas exception à cette règle. Initialement, elles n'étaient rien qu'une source d'eau de plus pour les Montpelliérains. Plus tard, toutefois, au XVIIIe siècle, elles se transformèrent en ornement bordant une des voies royales de Montpellier, une source de fraîcheur qui rafraîchit l'air pour le roi et sa cour, agréable à l'œil. En 1988, ces fontaines furent reconstruites pour arborer de nouveau leur beauté d'origine.

Charles de Gaulle, Esplanade, MontpellierLes voies royales - que la ville de Montpellier aurait-elle été sans ses voies royales ? D'abord, il y avait la dynastie des Guilhem, les seigneurs de Montpellier, plus tard, Louis XIII, Louis XIV… et chacun de ses souverains avait besoin de ses palais, de ses "lieux sacrés" - et de ses voies royales. Une des voies royales les plus connues est cette avenue qui, aujourd'hui, porte le nom de rue Foch, construite à la gloire de Louis XIV, avec l'Arc de Triomphe également construit à sa gloire et le Peyrou avec sa statue, également construite à sa gloire…

Une autre voie royale menait à l'endroit où, en 1990, Claude Vasconi construisit le Corum, juste au lieu où un autre grand architecte, Édouard André, inventa l'Esplanade Charles de Gaulle.

Mais l'Esplanade de Montpellier, l'ancienne voie royale, ne vit pas toujours le luxe et le bonheur. Pas loin de notre Corum se tenait la Citadelle, lieu de bataille et de guerre. Des fils de Montpellier, condamnés par le souverain en cours, moururent sur l'Esplanade comme, parmi d'autres, Claude Brousson, avocat et partisan de la cause calviniste, pendu en 1698 près de ces fontaines conçues au plaisir des rois, ou Jean Vesson, prédicateur protestant, en 1723…

L'Esplanade Charles de Gaulle n'était jamais une simple "avenue". Édouard André, ce paysagiste et botaniste qui créa des jardins partout en Europe, n'avait pas l'intention de tracer juste une zone piétonne censée couvrir les 500 mètres entre la place de la Comédie et l'endroit tant aimé par les rois et autres souverains qui offre une vue imprenable sur Montpellier et, plus tard, fut élu pour héberger le Corum. Déjà au milieu du XIXe siècle, on y avait planté les quatre rangées de platanes. Édouard André y ajouta des essences exotiques, des pelouses fleuries et ces "petites fantaisies" qui étaient sa spécialité, et qui le visiteur ne découvre qu'au fur et à mesure de sa promenade.

Montpellier et son EsplanadeÉdouard André fut l'homme qui changea la conception des jardins en France et en Europe. Né en 1840, il commença sa carrière à l'âge de vingt ans comme jardinier à Paris. En 1900, lorsqu'il créa alors l'Esplanade Charles de Gaulle à Montpellier, son œuvre était déjà bien avancée et ses théories des espaces verts en ville étaient célèbres et appréciées. Ces théories furent publiées la première fois en 1867 - Édouard André avait donc 27 ans - dans un article qu'il rédigea avec George Sand, un des premiers écrivains féministes en France et révolutionnaire à son temps.

Son idée basait principalement sur un manque d'espace. Il était facile de créer des jardins magnifiques à des endroits où les jardiniers disposaient des dizaines d'hectares pour réaliser leurs idées. Mais là où les gens avaient besoin d'un peu de vert - surtout, alors, à l'intérieur des villes - il n'y avait pas assez de place pour laisser libre voie à des idées charmantes, agréables à l'œil du citadin affamé de beauté. Et ce fut juste ces espaces restreints qui animaient l'imagination d'Édouard André.

Ces premiers succès étaient la conception du parc des Buttes-Chaumont et du parc Sefton de Liverpool, où il participa au concours lancé par la ville - et gagna. Il fit aussi une première apparition à Montpellier où il créa le Champ de Mars juste à l'endroit où, plus tard, il devra dessiner le Jardin du Champ de Mars.

En 1871, presque trente ans avant de concevoir l'Esplanade de Montpellier, Édouard André acquit une petite propriété au cœur du village de La Croix-en-Touraine, dans l'Indre et Loire. Comme tous les terrains des maisons de village, son jardin n'était pas très grand. D'un côté, il était limité par la maison qui donnait directement sur la rue principale, de l'autre côté il y avait un cours d'eau. Au contraire de ses collègues paysagistes, Édouard André était donc obligé de se contenter d'à peine deux hectares.

Edouard André et l'EsplanadeEt ce fut ici, sur cette petite propriété dans un village provincial, où le botaniste passionné réalisa ses idées. Il ne pouvait pas jouer sur des perspectives ouvertes à de jolis paysages, il ne pouvait pas créer des allées, des massifs ou des platebandes dont la beauté dépend de leur étendus généreux. Ainsi, il inventa de petites surprises que le visiteur pouvait découvrir petit à petit au cours de sa promenade, composées de plantes délicates dont l'épanouissement n'avait pas besoin de beaucoup de place. Il créa des endroits intimes, où le visiteur se sent bien sans éprouver la nostalgie des grands espaces, il joua avec la lumière, l'ombre et le soleil - bref, il créa une harmonie dans le menu, une harmonie intérieure, qui se suffisait à elle-même.

Plus tard, ce jardin fut acheté par la ville et, en 2006, il fut intégré dans la liste du conservatoire national des Monuments Historiques.

Lorsque, en 1900, Édouard André créa l'Esplanade de Montpellier, son nom était déjà réputé à une échelle internationale. Son fils, René-Édouard, qui adhérait aux idées de son père et devrait poursuivre sa carrière, travaillait déjà avec lui et, ensemble, ils firent de cette ancienne voie royale au cœur de Montpellier ce qu'elle est aujourd'hui : un lieu de détente et de plaisir, une place centrale dans la vie des Montpelliérains.
Photos et texte : copyright Doris Kneller

1 commentaire:

  1. Je n'apprécie pas trop cette promenade, que je trouve un peu "raide" et qui ressemble a bien d'autres, avec ses rangées de platanes. Je préfère le Peyrou, et surtout le jardin des plantes, malheureusement il n'est pas ouvert en permanence.

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