L'Amérique du Nord à l'honneur à Montpellier : la 25ème édition de la Comédie du Livre
Cela fait six mois que la place de la Comédie n'a pas vu tant de stands - des stands qui, en ce moment, sont encore vides. Depuis ce jour fin de novembre où on a commencé à monter les stands pour le marché de Noël, la Comédie a vu plein de manifestations : la fête de la biodiversité du week-end dernier, la Comédie de la Santé du précédant, la Comédie des animaux, la Journée internationale des droits de la femme, des manifestations écologiques, politiques,... des gens qui attendent d'autres, au pied de la Fontaine des trois Grâces, heureux, déçus,... Sans doute, la vie sur la place de la Comédie était riche - riche d'émotions comme la joie et la tristesse, riche d'événements, de vie, tout simplement.Aujourd'hui, la saison s'approche de son terme. Peu importe si l'hiver a été bon ou mauvais, marqué de sécheresse, de pluie, de froid ou de soleil, l'été est arrivé et, avec lui, la Comédie du Livre. Comme toujours depuis 25 ans, la place de la Comédie paraît triste et joyeux en même temps : triste, parce que l'hiver avec toutes ses soirées de concert, ses conférences, ses réunions et ses sorties au cinéma est terminé ; joyeux, parce que la Comédie du Livre commence.
"Si je vais à la Comédie du Livre ?", répète la dame d'une trentaine d'années la question de l'équipe de "Gens de Montpellier". "Mais bien sûr. Je l'attends depuis la fin de la dernière Comédie du Livre. Ce week-end est 'sacré' pour moi : si mes amis veulent me voir, ils n'ont qu'à venir sur la place de la Comédie."
La 25ème édition de la Comédie du Livre est consacrée à la littérature de l'Amérique du Nord. Et ceux qui croient toujours que les feuilletons made in USA représentent la culture des États-Unis seront étonnés : la littérature nord-américaine est aussi riche que celle de l'Europe. Comme chaque année, on n'entend qu'une seule plainte : l'impossibilité d'être partout. Partout, cela signifie se promener sur la place de la Comédie et l'Esplanade pour fouiller les stands des livres, visiter une exposition, écouter une des conférences, rencontrer un auteur, assister à un des cafés à thème... L'offre, comme disent beaucoup de Montpelliérains, est trop fournie. Et souvent, lorsqu'ils se plaignent de cette manière, un sourire content apparaît sur leur visage...
Le problème commence déjà avec les manifestations d'ouverture : à 16 heures, devrait-on assister aux lectures de Jean Joubert et Eloïse Alibi à la Maison de la poésie ou plutôt se joindre aux Montpelliérains qui préfèrent l'auditorium du musée Fabre et la conversation littéraire avec André Manoukian ? Ou plus tard, vers 18.30 heures, vaut il mieux assister à la lecture de la pièce de Naomi Wallace ou aller au Café du genre de Françoise Mariotti et écouter "l'auteure" féministe Katherine Roussos ?
Le visiteur "philosophe" de la Comédie du Livre cesse de regarder le programme dès qu'il l'aura étudié - trop de décisions à prendre - et se laisse aller de salle en salle, de manifestation en manifestation, sans choisir, parce qu'il sait que toutes sont captivantes. Parfois il suit la foule, parfois un ami, mais il ne court pas le risque de s'ennuyer. Peut-être marque-t-il dans son agenda les "Grandes rencontres de Philippe Lapousterle" - l'écrivain académicien Éric Orsenna, le philosophe Éric Emmanuel Schmitt, Marie Rouanet et "La mémoire de nos temps", Katherine Pancol et, de nouveau à Montpellier, Max Gallo et sa "passion de l'histoire". Et, bien sûr, la rencontre avec Jean-Louis Bourlanges, François Léotard, Philippe Meyer et Edvy Plenel à la salle Rabelais où ils discutent les rôles du pouvoir, des journalistes et des sondages : Peut-on fabriquer l'opinion ?"
"La Comédie du Livre ? Non, ça m'intéresse pas", déclare un Monsieur dans la cinquantaine. Mais il a l'air malheureux. "Je n'aime pas les foules et les touristes", ajoute-t-il. Il n'est évidemment pas le seul Montpelliérain qui n'est pas tenté par les livres. Mais il appartient à une minorité."À quoi je pense quand j'entends le nom de la ville de Montpellier ?" La dame dans la quarantaine est anglaise et, comme elle explique, touriste à Montpellier. "À la mer, au soleil... mais en ce moment, bien sûr, à la Comédie du Livre. Car c'est pour elle que je suis venue."
Photos et texte : copyright Doris Kneller
"Fête de la biodiversité", répète le Monsieur d'une soixantaine d'années. "Non, je ne connais pas. Jamais entendu. Bien que je sois Montpelliérain. Mais je pense que c'est encore une de ces inventions des politiciens. Ils veulent nous faire croire qu'ils s'occupent vraiment de la nature. Si vous me demandez, c'est juste 'pseudo'. De la poudre aux yeux des électeurs."
L'idée centrale de cette deuxième édition de la Fête de la biodiversité - organisée dans le cadre de l’Année internationale de la biodiversité - était l'observation et la connaissance de la nature. Il est vrai que l'animation s'adressait surtout, "officiellement", aux enfants - mais cette programmation permettait aux adultes, sans avoir à avouer leur esprit ludique, de profiter des installations de la ville et des associations de la nature, toutes d'une qualité excellente au niveau de leur valeur scientifique et pédagogique et qui, en plus, faisaient plaisir aux petits (et aux grands).
De toute manière, ces graines ont été présentées avec beaucoup d'amour pour la matière. Les enfants - et adultes - pouvaient se rendre compte de la diversité de ces objets minuscules qui portent en eux la vie des fleurs, des légumes, des arbres...
Pour quelques jeunes Montpelliérains, l'occasion de discuter sur les insectes au cours de la Fête de la biodiversité était aussi leur première occasion de réfléchir à la vie de ces petits syrphes et, en même temps, du "génie" de l'évolution et de la biodiversité.
"Oui, je suis passée sur la Comédie de la Santé à Montpellier", répond la dame dans la cinquantaine à la question de l'équipe des "Gens de Montpellier". "Ce n'est pas la première fois qu'ils font ça, n'est-ce pas ?" poursuit-elle, "et je trouve ça bien. Les gens, aujourd'hui, ne font pas attention à leur santé. On en parle tout le temps, mais on ne fait rien."
Ceci est sûr : Montpellier a son mot à dire dans le domaine de la santé. Déjà il y a des centaines d'années, sa faculté de médecine produisait la plupart des médecins des rois. Aujourd'hui, bien qu'il y ait plus de rois en France, elle n'a rien perdu de sa réputation - et réputation oblige...
...et où pourrait-il mieux persuader les gens des bienfaits d'une nourriture saine que sur la "Comédie de la Santé". "Non, je n'ai pas vu la Comédie de la Santé. Je n'habite pas au centre", explique une dame dans la trentaine. "Mais oui, la nourriture saine est très importante pour moi. J'ai deux enfants, et je veux qu'il soit nourris sainement."
"Ils ont dit qu'on était dix mille - comment peuvent-ils savoir ?" demande une jeune fille le lendemain de "l'apéro géant" à Montpellier qui marquait la grande rencontre des utilisateurs de Facebook. Et sa copine ajoute : "Ils nous ont comptés." Puis, les deux éclatent de rire.
Un homme qui dit qu'il aurait 34 ans avait d'autres idées : "Non, pas avec des amis. J'ai préféré y aller tout seul. Parce que le sens, de tout ça, c'est faire de nouvelles connaissances. Comme sur Facebook. Vous ne vous inscrivez pas sur Facebook pour rester dans votre coin avec des gens que vous connaissez depuis mille ans. Non, tout le monde veut se faire de nouveaux amis."
Tout cela est-ce différent dans la "société Facebook" ? "Non, pas forcément, je ne sais pas. Là aussi, ce ne sont que des humains, les mêmes gens que ceux dans la rue. Mais, tout de même... les gens vont sur Facebook pour vivre autre chose. Pour être moins isolés, peut-être pour se faire confiance."
L'esclavage en France a été aboli en 1848. Mais ceux qui se sentaient concernés par tout ce qui a été fait dans le nom de la célébration d'être "blanc" ont dû attendre jusqu'à 2001pour voir apparaître la loi Taubira - la déclaration officielle que l'esclavage était un crime contre l'humanité.
Un autre homme, un peu plus âgé, se mêle de la conversation. "Tout le monde parle d'écologie. Aussi à Montpellier. Mais tout le monde a oublié que, quand les blancs sont arrivés aux Caraïbes, la nature était intacte. L'homme et la nature vivaient en harmonie."
"Et l'esclavage des femmes ?" intervient une autre jeune femme. "C'est un problème qui se passe ici, devant nos portes. Ou, plutôt, derrière les portes fermées. Combien des hommes frappent leurs femmes - combien de femmes ne peuvent pas quitter leurs maris parce qu'elles n'ont pas un centime à elles ? Elles doivent souffrir, toute leur vie."
"Montpellier terre d'accueil pour les écrivains", est un des messages publicitaires employés par la mairie de Montpellier pour faire connaître la Comédie du Livre 2010, une manifestation autour de la littérature et de l'écrivain. Entre-temps, la Comédie du Livre de Montpellier tient sa place à côté des grandes foires du livre européennes comme celle de Barcelone ou de Francfort. Sa conception, certes, est différente - et sa taille n'est pas comparable à celle de, par exemple, Francfort qui compte pour la plus grande foire du livre du monde. Mais c'est juste cette conception qui la rend si attractive aux yeux des Montpelliérains et de leurs visiteurs d'un "peu partout dans le monde".
Ce qui est moins connu : pendant ses études, François Rabelais logea chez son ami, un certain Monsieur Rondelet, à l'époque représentant des étudiants, aujourd'hui réputé grâce à la poste nommée d'après lui. Chez Rabelais l'écrivain, Rondelet est devenu "Rondibilis".
Une jeune femme sait un peu plus au sujet de Léo Malet et son héro Nestor Burma. "Il l'a créé à une époque où le policier américain était interdit en France. Et il avait envie d'écrire un véritable roman policier français." - Nestor Burma a-t-il donc le caractère typique d'un policier français ? - La jeune dame éclat de rire. "Peut-être, je ne sais pas. Mais Léo Malet l'a créé selon sa propre image... On dit qu'il était toujours de mauvaise humeur. Et anarchiste en plus."
"On fait comme si notre travail ne valait rien", a déclaré une des infirmières anesthésistes qui, hier, ont organisé une manifestation sur la Place de la Comédie à Montpellier. "Il est vrai que notre gouvernement ne juge pas le travail des infirmières à sa véritable valeur. Mais pour nous, c'est encore plus grave", explique une de ses collègues.
Les représentantes de la profession des infirmières anesthésistes basent leurs revendications - être reconnus au niveau salarial ainsi que "moral" - surtout sur leur professionnalisme et leur haut degré de responsabilité. "C'est nous qui surveillons le malade quand il revient à lui, après une anesthésie. Si, en ce moment critique, nous nous montrons incompétentes ou faisons une erreur, la vie du patient est en danger. Quelqu'un qui travaille dans un bureau peut 'relâcher' de temps en temps - nous jamais. Les conséquences seraient trop dures."
"Je ne sais pas pour les infirmières", dit une dame dans la quarantaine. "Je connais trop mal leur profession. Mais je me rappelle très bien les grèves des camionneurs. Sur l'autoroute, ils ne connaissent pas de solidarité, avec personne. Quand ils veulent doubler, ils le font, même s'ils bloquent tout le monde. Mais quand ils ont un problème, ils forcent tout le monde à la solidarité. Je n'oublierai jamais cette 'solidarité forcée' : avec mon mari, on était 'prisonniers' de cette solidarité pendant des heures."
"Se garer à Montpellier ? Là, vous n'avez pas choisi un joli sujet", assure la dame dans la trentaine qui sort juste du parking en dessous de la Place de la Comédie. "Je fais partie des rares privilégiés qui ont un abonnement dans ce parking. Mais je vous assure qu'il est assez cher. - Et le pire : on n'est pas sûr de trouver toujours une place, enfin, pas rapidement, de toute manière."
Le Monsieur n'est pas le seul à se plaindre d'un manque total de sécurité. "Tout le temps vous voyez les flics de la ville", dit une autre dame, elle aussi dans la trentaine. "Il sont là pour donner une amende à ceux qui sont en retard et occupent leur place cinq minutes de plus que prévu. Mais si vous pensez qu'ils s'intéressent aussi à la sécurité, vous vous trompez énormément."
Toutefois, les sujets principaux qui reviennent très souvent au cours du "micro trottoir" des Gens de Montpellier sont la sécurité et l'impossibilité, au moins à certaines heures de la journée, de trouver un parking. Et la phrase "j'ai payé, mais cela ne me donne pas le droit à un parking" revient très souvent. "On a deux possibilités", explique une jeune dame qui, elle aussi, habite dans le centre de Montpellier et dépend des parkings dans les rues. "On peut payer juste pour un jour, quand on sait qu'on à un parking. Mais payer chaque jour le tarif d'une journée, c'est très cher. Si, par contre, on paie pour deux semaines, c'est beaucoup moins cher. Mais si, pendant les deux semaines, on s'absente ou ne trouve pas de parking - ce qui est très fréquent - on a payé pour rien."